Le métier de conseiller-ère pédagogique dans les universités est encore relativement neuf en Europe francophone, même si certains centres de ressources pédagogiques existent maintenant depuis une vingtaine d’années (parfois un peu plus, comme à Namur). Ce métier existe par contre depuis plus longtemps dans le monde anglo-saxon (le Teaching and Learning Service de l’Université McGill à Montréal existe depuis une quarantaine d’années). Un certain nombre de livres et d’articles y sont consacrés, mais comme le souligne Louise Langevin (2009), la mise en pratique des fonctions décrites dans la littérature reste toujours très dépendante du milieu dans lequel le/la conseiller-ère est impliqué-e et la capacité de celui/celle-ci à entrer en contact avec les enseignant-e-s.
Mais comment définir un-e conseiller-ère pédagogique et à quels besoins cette fonction répond-elle dans l’enseignement supérieur? Langevin (2009) rappelle que la fonction d’accompagnement a pour définition « une démarche d’assistance de quelqu’un, avec un ou des buts visés, dans une sorte de partenariat qui peut s’étendre sur une longue période » (p. 140). Cette définition, bien qu’imprécise, implique qu’un-e conseiller-ère pédagogique est une personne qui « fait avec l’autre » en jouant un rôle d’assistant tout au long d’un projet. Cette assistance ou soutien peut avoir lieu avant (par un travail préparatoire et documentaire par exemple), pendant et/ou après (au travers d’une évaluation par exemple) le déroulement du projet. Le métier trouve son origine dans le besoin né au cours des années 70 de développer les compétences pédagogiques des enseignant-e-s universitaires suite à la massification de l’enseignement supérieur. L’accompagnement pédagogique intervient donc en parallèle d’autres actions entreprises pour ce faire comme la formation pédagogique ou l’apport de ressources pratiques.
Langevin (2009) note six défis auxquels les conseiller-ère-s pédagogiques sont confrontés dans leur métier:
- La culture du milieu universitaire qui est encore fortement centrée sur la valorisation de la recherche.
- L’hétérogénéité des étudiant-e-s qui implique de la part des enseignant-e-s de varier leurs méthodes d’enseignement.
- L’hétérogénéité des enseignant-e-s qui ont des profils professionnels de plus en plus variés et donc des besoins individuels différents en matière de pédagogie.
- L’exigence de résultats concrets imposés par certains rectorats d’universités, alors que les actions des conseiller-ère-s ne sont pas facilement quantifiables.
- L’absence de modèle. Il n’y a pas de recette pour être « un-e bon-ne conseiller-ère pédagogique »…
- La tentation de la directivité est parfois grande, par exemple pour accélérer la mise en œuvre de projets, en « faisant à la place de » plutôt qu’en « faisant avec ».
Langevin propose de faire un parallèle entre le travail des conseiller-ère-s pédagogiques et la recherche-action dont le but est d’identifier des questions pédagogiques pratiques et de développer des stratégies d’analyse et d’action pour y répondre. Ceci implique d’entrer dans une démarche de réflexion continue sur son action (voir le cycle de l’apprentissage expérientiel).
Pour donner un cadre de travail général aux conseiller-ère-s, à défaut de recettes toutes prêtes, Langevin (2009) propose de se fonder sur le développement du Scholarship of Teaching and Learning (SoTL) avec les enseignant-e-s universitaires. Il s’agit de développer avec ceux-celles/ci une expertise pédagogique qui se fonde sur la découverte et l’appropriation de connaissances pédagogiques, l’intégration de ces connaissances au travers de publications et leur application à des questions ou problèmes pédagogiques. Le but est donc moins de « transmettre » des conseils pédagogiques aux enseignant-e-s que de « transformer » avec eux/elles leurs approches de l’enseignement pour en faire un sujet de recherches à part entière.
Langevin propose aussi une liste d’attitudes, de savoirs et de compétences que les conseiller-ère-s pédagogiques pourraient chercher à développer:
- des attitudes personnelles: capacité d’écoute, résistance à la tentation de directivité, enthousiasme communicatif, présence chaleureuse, équilibre entre susciter et laisser venir.
- des savoirs: pédagogies interactives, les technologies et leurs usages pédagogiques, les problèmes courants en classe et leurs solutions possibles, l’apprentissage.
- des compétences et techniques pour l’accompagnement de projets: résolution de problèmes, animation de groupes, pratique réflexive, familiarisation avec le SoTL, etc.
Langevin conclut son texte en invitant les conseiller-ère-s pédagogiques à se développer professionnellement:
Outre des lectures attentives des principaux auteurs et des dernières parutions en enseignement supérieur, des rencontres régulières entre formateurs permettent des échanges qui enrichissent l’identité professionnelle, élargissent et approfondissent le champs des compétences. […]. Le recours à un journal de bord contribue également à suivre le fil de sa propre évolution comme de celle des enseignants accompagnés et des projets menés. En effet, si la personne chargée de l’accompagnement considère que les enseignants mènent inévitablement une réflexion systématique sur leur démarche, n’y a-t-il pas lieu de faire, pour elle-même, de la pratique réflexive?
Autant dire donc que ce texte a fait pas mal d’écho en moi 🙂 Dans le même ordre d’idées, du 19 au 23 octobre prochains, je participerai avec mes collègues à la rencontre BSQF 2009 à Aussois en France. Le thème sera justement « Prise de recul par rapport au métier de conseiller pédagogique: quelles en sont les missions? Comment devient-on conseiller pédagogique?« .
Tous ces thèmes sont davantage détaillés dans le livre édité par Louise Langevin (2007) où elle montre bien l’intérêt (même si c’est dans une perspective essentiellement nord-américaine) de travailler de façon globale au développement d’une culture d’excellence pédagogique dans les universités.
Langevin, L. (Éd.). (2007). Formation et soutien à l’enseignement universitaire. Québec: PUQ.
Langevin, L. (2009). Accompagnement pédagogique: une expertise à développer. Dans D. Bédard & J. Béchard (Éd.), Innover dans l’enseignement supérieur (pp. 139-150). Paris: PUF.
Merci pour ce billet et au plaisir de te retrouver à Aussoy pour discuter de tout ça !
M. Daele, enchanté de trouver votre blog. Travaillant normalement en finnois et anglais, j’ai eu difficultés de identifier pages web en francais. A l’universite de Kuopio (1.1.20010 U. de Finlande Orientale) nous avons en centre pareil – mes collegues travaillent sur pédagogie universitaire, technologies d’enseignement et soutien des étudiant-e-s (ce truc pour épéler correctement était tout noouveau pour moi…). Merci pour les articles!
Si vous êtes à Berlin cette semaine, n’hesitez pas de contacter les Mmes finlandaises – métier de conseiller-e pédagogique est une question universelle.
Merci pour votre message. Heureux de voir que mes quelques articles sont lus jusqu’en Finlande 🙂 Nous pourrons nous croiser alors dans les réseaux de pédagogie universitaire anglophones comme ICED ou SEDA…
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