J’ai déjà parlé sur ce blog de grilles d’évaluation critériées (ou rubrics) et d’autres sujets liés à l’évaluation des apprentissages. J’ai rassemblé aussi quelques ressources sur le sujet sur cette page avec des exemples de grilles.
Lors du module de formation que nous donnons à Lausanne sur les stratégies d’évaluation, plusieurs questions sont souvent posées par les participant-e-s:
- est-il possible d’être vraiment objectif-ve quand on évalue les apprentissages des étudiant-e-s? Ne vaut-il pas même mieux être un peu subjectif-ve quand même?
- l’idéal, ce serait de pouvoir évaluer toujours de la même façon, sans être influencé-e par exemple par le soin de l’écriture d’un-e étudiant-e ou par sa tenue vestimentaire. Mais comment y arriver?
- comment « mesurer » (avec une note chiffrée) la qualité des performances d’un-e étudiant-e ou dans quelle mesure il/elle a atteint les objectifs d’apprentissage d’un cours?
Ces questions touchent à la pratique quotidienne de l’évaluation et ne sont pas du tout anodines. Sans entrer dans de longues explications ou un vaste débat à leur sujet, on peut dire qu’effectivement, la question de la subjectivité en évaluation est importante et qu’elle est liée à celles de la validité et de la fiabilité. D’une part, une évaluation valide est une évaluation qui mesure effectivement ce qu’elle prétend mesurer. Une évaluation peu valide serait par exemple de corriger uniquement l’orthographe des étudiant-e-s pour une dissertation par laquelle on voudrait vérifier leurs capacités à articuler des idées par écrit et à argumenter leur opinion. D’autre part, une stratégie d’évaluation fiable est une stratégie qui permet d’évaluer toujours la même chose de la même façon: que l’on corrige des travaux à 7h ou à 19h ou que l’étudiant-e soit évalué-e par l’enseignant-e A ou l’enseignant-e B.
Une façon de diminuer la subjectivité de l’évaluation (sans nécessairement l’écarter totalement) est d’utiliser des grilles d’évaluation critériées. On trouvera une excellente introduction à cette stratégie de correction sur le site de Jon Mueller, professeur de Psychologie au North Central College et spécialiste des questions d’évaluation scolaire. On trouvera aussi un document plus conséquent du même auteur à cette adresse (PDF – 512Ko). Le principe d’une grille d’évaluation est d’établir une correspondance entre d’une part le résultat d’une tâche que l’on demande à un-e étudiant-e (un texte, une explication orale, une action précise dans un contexte professionnel, etc.) et d’autre part des critères de qualité de ce résultat fourni par l’étudiant-e accompagnés ou non d’une échelle à plusieurs degrés de performance. Un exemple typique:
Évaluation d’une recherche bibliographique en histoire
Critères |
Insuffisant (niveau 1) |
Bon (niveau 2) |
Excellent (niveau 3) |
% des points |
Nombre de sources citées |
1-4 |
5-10 |
+ de 10 |
20% |
Précision des faits historiques |
Beaucoup d’imprécisions |
Peu d’imprécision |
Pas d’imprécision apparente |
40% |
Organisation de la recherche |
Difficulté pour déterminer de quelle source proviennent les faits exposés |
Peu de difficulté pour déterminer de quelle source proviennent les faits exposés |
Pas de difficulté pour déterminer la correspondance entre les sources et les faits exposés |
20% |
Bibliographie |
Ne respecte pas les normes |
Quelques erreurs dans le respect des normes |
Pas ou peu d’erreurs dans le respect des normes |
20% |
Chaque ligne du tableau correspond à un critère d’évaluation qui permettra d’apprécier le texte fourni par les étudiant-e-s. Ces critères permettent de répondre à la question: sur quoi va porter mon regard lorsque je vais évaluer le texte des étudiant-e-s? Ce sont ces critères qui seront évalués et pas l’orthographe, la clarté de l’écriture ou tout autre critère plus subjectif. Chaque colonne correspond à un niveau de performance dans l’atteinte de chaque critère d’évaluation. Ces niveaux permettent de répondre à la question: à quoi ressemble un travail insuffisant et quelle est la différence avec un bon ou un excellent travail? Typiquement, un-e étudiant-e « qui est capable d’effectuer une recherche bibliographique en histoire » devrait atteindre le niveau 2 pour tous les critères.
La dernière colonne permet de pondérer les critères en fonction de leur importance par rapport à l’atteinte de l’objectif général (ici, la capacité à effectuer une recherche bibliographique en histoire) et de donner une note.
D’autres exemples sont accessibles dans les liens présentés plus haut, que ce soit pour des travaux écrits dans différents domaines d’étude, pour des présentations orales ou même pour évaluer la participation des étudiant-e-s en classe.
Pour revenir aux quelques questions que je posais plus haut, ce type d’outil d’évaluation permet dans une certaine mesure de diminuer la subjectivité de l’évaluation en ceci que l’enseignant-e évalue toujours les mêmes critères pour tous les étudiant-e-s (fiabilité) et que les critères sont normalement directement en lien avec l’objectif d’apprentissage à évaluer (validité). Cependant, la subjectivité ne disparaît pas totalement non plus. Dans l’exemple ci-dessus, il n’est certainement pas toujours facile de déterminer en toute objectivité que dans un travail donné « il y a beaucoup, peu ou pas de difficulté pour déterminer la correspondance entre les sources et les faits historiques exposés »… Il s’agira toujours pour l’enseignant-e d’interpréter de quoi les étudiant-e-s sont capables au travers du texte qu’ils/elles ont produit. Mais au moins, l’enseignant-e pourra dire pourquoi et argumenter auprès d’un-e étudiant-e qui ne comprendrait pas sa note finale par exemple.
Ceci dit, je n’ai parlé ici de l’usage des grilles d’évaluation que dans le cadre d’une évaluation sommative (en fin d’apprentissage) mais d’autres usages sont tout à fait possibles bien sûr, comme pour une auto-évaluation, une évaluation par les pairs ou comme fiche de feedback à remettre aux étudiant-e-s après une présentation orale par exemple. Je parlerai de ces autres types d’usages dans quelques prochains articles, et notamment de mes expériences d’accompagnement d’enseignant-e-s qui développent des grilles d’évaluation pour leurs cours.
Pour finir, voici les références d’un livre introductif mais très complet sur le sujet (de larges extraits sont consultables en ligne):
Read Full Post »