Lorsqu’on commence à enseigner à l’université, on est en général étudiant au doctorat ou on vient de finir une thèse ou un post-doctorat sur un sujet extrêmement pointu. Une fois que l’on obtient un poste d’enseignant-e, il s’agit alors de prendre en charge un ou plusieurs enseignements qui sortent de sa spécialité stricte. A vrai dire, il est même plutôt rare d’enseigner exactement dans son sujet de thèse… Et c’est là que les angoisses commencent. Après une thèse, on est censé être un-e expert-e dans sa discipline mais on se rend bien compte qu’on ne maîtrise pas ‘toute’ la discipline, loin de là… Comment préparer un nouveau cours? Comment anticiper les questions des étudiant-e-s, qui pourraient éventuellement se rendre compte qu’on n’est pas tout à fait expert-e finalement…? Parce que pratiquement tou-te-s les enseignant-e-s universitaires se sont un jour ou l’autre posé ces questions, Therese Huston a publié en 2009 un livre intitulé « Teaching what you don’t know« . La problématique visée par son ouvrage pourrait se résumer dans cet extrait (p. 29):
L’idée même d’enseigner ce qu’on ne connaît pas est certainement un peu dérangeante pour bon nombre d’enseignant-e-s universitaires. Le livre de Huston présente donc le double avantage de briser un tabou et de confronter les enseignant-e-s à la réalité: qui ne s’est jamais senti-e mal à l’aise face à un cours à donner? Et même quand on est un-e expert-e dans un domaine, on peut rencontrer des sujets particuliers avec lesquels on se sent moins en confiance. Par exemple, on peut être un-e enseignant-e de droit civil mais ne pas se sentir tout à fait à l’aise avec le droit du divorce. Ou se voir attribuer le cours d’histoire de l’art contemporain uniquement parce qu’on a réalisé une thèse sur Magritte…
Le livre de Huston propose donc quelques pistes pour préparer, planifier et dispenser un cours dans un domaine où l’on n’est pas expert-e. Le principe général de tous ses conseils est présenté dans cet extrait (p. 57):
Le but n’est donc pas nécessairement de présenter oralement aux étudiant-e-s tout ce qu’ils/elles doivent savoir mais de planifier des activités au cours desquelles les étudiant-e-s vont découvrir les grands lignes d’une discipline (dans le cas d’un cours de première année par exemple) ou explorer certaines thématiques spécifiques d’un domaine d’étude (dans un cours de Master par exemple).
Les conseils donnés par Huston rejoignent les conseils habituellement donnés dans d’autres manuels pour préparer un premier cours (par exemple dans Svinicki et McKeachie, 2011). En voici quelques-uns:
- Trois mois avant le cours:
- rassembler une bibliographie de base et établir une liste des principaux concepts ou théories qui devront être abordés dans le cours;
- organiser éventuellement ces éléments dans une carte conceptuelle afin de déterminer plus facilement l’ordre dans lequel ils seront abordés tout au long de l’enseignement;
- élaborer d’une part les intentions de l’enseignement et d’autre part les objectifs d’apprentissage visés;
- choisir un ouvrage de base qui servira de manuel de cours pour les étudiant-e-s ainsi que quelques lectures principales, articles scientifiques ou chapitres d’autres ouvrages.
- Deux mois avant le cours: élaborer le syllabus du cours en établissant la planification complète des activités, semaine par semaine, et en précisant les modalités d’évaluation à destination des étudiant-e-s.
- Un mois avant le cours:
- pour chaque séance, établir le programme et préparer le contenu (par exemple les dias à présenter, les exercices à organiser, les discussions à animer, etc.);
- concevoir les activités que les étudiant-e-s devront réaliser entre les séances (lectures, exercices, cas ou problèmes à résoudre, etc.);
- prévoir les usages éventuels de technologies (plate-forme d’enseignement, podcasts, etc.);
- planifier le temps requis pour effectuer l’éventuel suivi des travaux des étudiant-e-s.
Huston ne cache pas la difficulté qu’il y a à enseigner un nouveau cours dans un domaine que l’on connaît peu mais elle ne cache pas non plus le fait que cela est très valorisant d’explorer un nouveau domaine, d’être amené à rechercher de nouvelles façons d’enseigner et d’éventuellement développer de nouveaux sujets de recherche. Ceci est très bien exprimé dans ce dernier extrait (p. 37):
Huston, T. (2009). Teaching What You Don’t Know. Harvard University Press.
Svinicki, M., & McKeachie, W. J. (Eds.). (2011). McKeachie’s teaching tips. Strategies, research, and theory for college and university teachers (13th ed.). Belmont, CA: Wadsworth.
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Merci pour cette enquête appronfondie et sa restitution.
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Le problème c’est qu’on ne connaît généralement les cours que l’on va donner qu’une semaine ou deux avant le début des cours.
Très, très, très intéressant, profond et instructif. Et le sujet n’est pas abordé sur tous les blogs universitaires !
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[…] "Comment préparer un nouveau cours? Comment anticiper les questions des étudiants, qui pourraient éventuellement se rendre compte qu’on n’est pas tout à fait expert finalement…?" […]
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Il manque pour moi un élément crucial : ce n’est pas un crime de ne pas savoir, même en tant qu’enseignant. Il ne faut pas avoir peur de dire qu’on ne sait pas, et chercher avec eux. Cela permet aux étudiants de comprendre le processus qui permet de retrouver un savoir qu’on ne connait pas. Malheureusement, les enseignants sortent conditionnés du système, avec la peur de se tromper, le besoin de présenter un savoir « absolu ». Et reproduisent le schéma subi, continuant le conditionnement des étudiants.
J’ai pu expérimenter en TD et j’ai été impressionné du résultat : la confiance s’est instauré très vite avec les étudiants grace à cela (je perds le coté « monolithe de savoir » impressionnant), ils ont pu apprendre des processus intellectuels et non se contenter d’ingurgiter des savoirs.
Il faut par contre être vigilant à ne pas déformer le propos : une sérieuse préparation est nécessaire, car pour redérouler ou découvrir un raisonnement, un concept, il faut déjà maitriser suffisament et avoir potassé un certain nombres de choses.
[…] Amaury Daele est conseiller pédagogique à l’Université de Lausanne et doctorant à l’Université de Genève. Il vous donne quelques conseils au cas où vous débuteriez dans l’enseignement universitaire : Débuter à l’université et enseigner ce que l’on ne connaît pas […]
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