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Le 8 novembre 2017, le cours « Se former pour enseigner dans le supérieur » débutera sur la plate-forme FUN-MOOC. Il m’a été demandé dans ce cadre d’enregistrer une vidéo, sous la forme d’une interview avec Saïda Mraihi (« Une journée avec… la responsable du service pédagogie numérique d’Arts et Métiers » sur EducPros.fr), à propos des « Techniques de Rétroaction en Classe ». Le présent article reprend par écrit les grandes lignes de cette interview.

Vous avez publié plusieurs articles sur le thème de rendre actif les étudiant·e·s et en particulier les techniques de rétroactions en classe. Pour commencer, est-ce que vous pouvez nous expliquer qu’est-ce que sont les TRC?

Les TRC, ou CATs en anglais (Classroom Assessment Techniques), sont de courtes activités à mener en classe avec les étudiant·e·s (voir quelques ressources et exemples ici). Elles durent entre 5 et 20 minutes pour la plupart. On peut les situer à peu près entre les méthodes d’évaluation formative des apprentissages et les méthodes actives d’enseignement. L’idée principale est qu’en cours d’apprentissage, les étudiant·e·s aient l’opportunité d’obtenir des informations pour savoir dans quelle mesure ils/elles sont en train d’atteindre les objectifs d’apprentissage visés dans un cours et qu’en même temps les enseignant·e·s aient une idée de là où en sont les étudiant·e·s afin, le cas échéant, d’apporter des explications complémentaires.

On peut résumer la philosophie de Thomas Angelo et Patricia Cross, les auteurs du livre qui a popularisé le concept en 1988 (2ème édition en 1993), par la formule « Teaching without learning is just talking« . Pour s’assurer qu’il y ait bien apprentissage chez les étudiant·e·s dans un cours, il faut une certaine interaction avec eux/elles. Car on sait bien que ça ne suffit pas de voir « qu’ils/elles ont l’air d’écouter » ou de leur demander « est-ce que vous avez compris? ».

Les TRC se définissent par sept grandes caractéristiques communes :

  • Centrées sur l’apprenant·e : le but premier est de conduire les apprenant·e·s vers une amélioration de leur apprentissage et de leurs stratégies d’apprentissage;
  • Conduites par l’enseignant·e : c’est l’enseignant·e, en toute autonomie, qui organise la mise en œuvre de TRC dans sa classe;
  • Soutenant un bénéfice mutuel : utile autant pour l’étudiant·e pour améliorer ses stratégies d’apprentissage que pour l’enseignant·e pour améliorer ses stratégies d’enseignement;
  • Formatives : il n’y a pas de note associée à ces activités. La plupart du temps, les TRC sont anonymes, le but étant éventuellement de préparer au mieux les étudiant·e·s à une épreuve notée;
  • Spécifiques au contexte : le choix d’une TRC dépend de l’enseignant·e, des besoins des étudiant·e·s, des objectifs de l’enseignement, du matériel ou de l’espace à disposition, etc.;
  • Basées sur un processus permanent d’aller et retour entre l’enseignant·e et les étudiant·e·s pour développer l’apprentissage et l’enseignement;
  • Ancrées dans une pratique enseignante cohérente et planifiée sur un certain nombre de séances de cours.

Ceci dit, il y a une grande variété de TRC (50 dans le livre d’Angelo & Cross) et une multitude de variantes possibles que chaque enseignant·e peut adapter à son contexte et à ses étudiant·e·s. Elles peuvent être des activités écrites ou orales, individuelles ou collectives, avec un grand ou un petit groupe, basées sur une auto-évaluation ou une évaluation entre pairs, et certaines peuvent combiner ces différentes options.

Quels peuvent être les intérêts à les utiliser pour les enseignant·e·s et pour les étudiant·e·s ?

Le plus souvent, ce qui est mis en avant, c’est un bénéfice mutuel. Avec les TRC, les enseignant·e·s d’une part, connaissent mieux les besoins des étudiant·e·s et développent leurs enseignements et les étudiant·e·s d’autre part, peuvent voir où ils/elles en sont par rapport à l’atteinte des objectifs et apprennent à mieux se connaître en tant qu’apprenant·e.

Plus largement, les TRC sont en fait basées sur sept présupposés issus de la recherche dans le domaine de la pédagogie:

  1. La qualité de l’apprentissage des étudiant·e·s dépend en grande partie de la qualité de l’enseignement;
  2. Pour accroître leur efficacité, les enseignant·e·s devraient définir des objectifs pédagogiques puis fournir du feedback aux étudiant·e·s à propos de la façon dont ils/elles sont en train de les atteindre;
  3. Pour améliorer leur apprentissage, les étudiant·e·s ont besoin de recevoir un feedback approprié, rapide et régulier mais ils/elles doivent aussi apprendre à évaluer eux/elles-mêmes leur propre apprentissage;
  4. Le type d’évaluation des enseignements qui permet le plus d’améliorer l’enseignement est celui qui correspond aux problèmes et aux questions que l’enseignant·e se posent à lui/elle-même, ce qui veut simplement dire que le mieux est que l’enseignant·e puisse interagir directement avec les étudiant·e·s à ce sujet;
  5. Le défi intellectuel et systématique constitue un moteur important de motivation, de développement et d’innovation chez les étudiant·e·s, et l’évaluation formative en classe peut y contribuer;
  6. Les TRC ne demandent pas une formation particulière et elles peuvent être mises en place en classe par des enseignant·e·s de toutes les disciplines;
  7. En collaborant avec des collègues et en impliquant activement les étudiant·e·s dans les TRC, les enseignant·e·s peuvent développer leurs compétences et leur satisfaction à enseigner.

Ce qui est un peu paradoxal, c’est que, si les TRC ont été au départ imaginées et développées sur base de recherches en pédagogie, elles n’ont fait que relativement peu l’objet d’études une fois le livre publié en 1988… Ceci dit, comme je le mentionnais juste avant, les TRC relèvent à la fois des méthodes actives et de l’évaluation formative en classe. Sur ces deux thèmes, il existe par contre beaucoup de recherches. Par exemple, Coe et al. (2014) ont mis en évidence six éléments importants d’une bonne évaluation formative:

  1. L’objectif est clairement et explicitement centré sur l’apprentissage des étudiant·e·s (pas sur les notes);
  2. Le feedback est lié à des objectifs des étudiant·e·s qui sont clairs, spécifiques et qui représentent un défi particulier ; le rôle explicite de l’enseignant·e est de les amener à atteindre ces objectifs;
  3. L’attention est portée sur l’apprentissage et pas sur la personne de l’étudiant·e ou sur la comparaison entre eux/elles;
  4. Les enseignant·e·s sont encouragé·e·s à être aussi en continu des apprenant·e·s ;
  5. Le feedback est délivré par un·e « mentor » (enseignant·e, pair ou expert·e) dans un environnement positif basé sur la confiance ; ceci renvoie à la notion d’ »amitié critique »;
  6. Un environnement de support à l’apprentissage est promu par la direction (du programme ou de l’institution).

Quand l’enseignant·e peut-il/elle utiliser les TRC et pour quoi faire?

La première question à se poser est vraiment de savoir pourquoi on veut mettre en œuvre des TRC dans sa classe. Dans son étude, Steadman (1998) en liste cinq principales:

  • Obtenir un feedback à propos de la satisfaction des étudiant·e·s et de leur perception de l’efficacité des activités pédagogiques organisées en classe;
  • Améliorer son enseignement;
  • Monitorer l’apprentissage des étudiant·e·s;
  • Améliorer les résultats d’apprentissage des étudiant·e·s (mémorisation par exemple, ou stratégies d’apprentissage);
  • Améliorer la communication et la collaboration entre étudiant·e·s

Un conseil souvent donné est de clarifier son ou ses objectifs personnels et de les expliciter aux étudiant·e·s dès la première séance de cours (et de le rappeler régulièrement).

Du point de vue des enseignant·e·s, les avantages des TRC mentionnées par Steadman sont:

  1. Donner le sentiment aux étudiant·e·s de pouvoir s’exprimer en classe à propos de leur compréhension et de leur satisfaction, ce qui rend l’ambiance de classe plus agréable;
  2. S’engager dans un processus continu de réflexion à propos de leur enseignement;
  3. Voir à quel point les étudiant·e·s peuvent s’impliquer dans leur apprentissage;
  4. Rejoindre une communauté d’enseignant·e·s impliqué·e·s dans leur enseignement.

Il y a aussi des désavantages potentiels : le manque de temps et la gestion des feedback négatifs sur l’enseignement.

Une fois ces objectifs définis, les TRC peuvent être utilisées quand on veut au cours d’un enseignement. Par exemple :

  • Au début d’un cours avec une activité de collecte des connaissances ou des conceptions préalables des étudiant·e·s;
  • Pendant le cours avec une activité de compréhension ou d’application comme un tableau logique ou l’exercice de résumer en une seule phrase un élément du cours;
  • A la fin d’un cours avec le Minute paper (« Écrivez en 3-5 lignes les éléments les plus importants que vous avez retenus du cours.« ) ou l’invention par les étudiant·e·s de questions qui pourraient constituer des questions d’examen.

Quelles sont les clés de participation des étudiant·e·s en classe ?

Les étudiant·e·s de l’enseignement supérieur sont de jeunes adultes. Ils/elles ne croient pas tout sur parole. Ils/elles ont besoin de pouvoir se projeter dans les enseignements qu’on leur propose, donc d’y retrouver un écho à leurs objectifs personnels. Ils/elles ont besoin de savoir ce qu’on attend d’eux/elles et de savoir où ils/elles en sont par rapport à ce que l’enseignant·e attend d’eux/elles. Ils/elles ont besoin de développer leur autonomie mais en même temps de conseils pour la développer et pour développer leurs stratégies d’apprentissage en autonomie. Ils/elles sont aussi friands de développer des compétences variées autres que liées directement aux contenus enseignés: expression orale, écriture, collaboration, réflexion personnelle, analyse critique, argumentation, etc. Ils/elles ont aussi plus globalement besoin de développer leur sentiment d’affiliation au programme dans lequel ils/elles sont inscrits et à l’institution.

Steadman (1998) cite plusieurs avantages des TRC du point de vue des étudiant·e·s:

  • Sentiment d’avoir un certain contrôle sur ce qui se passe en classe et sur la prise de parole en classe, le sentiment de ne pas subir le rythme du cours et la transmission de connaissances. Ce sentiment de contrôle est directement lié à la motivation.
  • Sentiment d’être davantage impliqué·e·s dans leur propre processus d’apprentissage.
  • Sentiment de mieux profiter d’un cours amélioré et innovant, sentiment que le cours est plus efficace pour leur apprentissage.
  • Meilleure métacognition et meilleure conduite de leur propre apprentissage.

Il y a aussi des désavantages : l’impression que, s’il y a trop d’exercices, la classe est « lente » et que les TRC prennent trop de temps. Certain·e·s trouvent cela inutile car il n’y a pas de note à la clé. Certain·e·s préféreraient aussi rester passif/ve·s au fond de la classe: leur conception de l’apprentissage est plutôt passive et réceptive. Mais ces conceptions de l’apprentissage peuvent évoluer tout au long d’un enseignement…

Si un·e enseignant·e veut se lancer dans l’intégration des TRC dans son cours, qu’est-ce que vous lui conseilleriez?

Ces conseils sont autant issus de ma pratique que des lectures que j’ai pu faire sur le sujet et dont les références sont mentionnées ci-dessous.

  • Expliquer pourquoi on fait ça en classe et que les bénéfices sont mutuels. Pour les étudiant·e·s, cela concerne autant l’apprentissage que les stratégies d’apprentissage;
  • Commencer avec des TRC simples (minute paper, muddiest point…);
  • Ne pas utiliser trop de TRC différentes, c’est important qu’il y ait une certaine forme d’activité régulière avec les étudiant·e·s qui balise les cours;
  • Ne pas utiliser des TRC qui ne correspondent pas à son style ou ses conceptions personnelles de l’enseignement;
  • Préparer soigneusement le timing (prévoir trop de temps, surtout les premières fois…) et répéter. Noter les consignes éventuelles sur une dia, préparer le matériel ou s’assurer que les étudiant·e·s ont le matériel nécessaire (papier, stylo, ordi…). S’assurer que la salle est adaptée.
  • Aller jusqu’au bout : expliquer aux étudiant·e·s ce qu’on a appris soi-même suite à un exercice, ou comment on va faire évoluer son enseignement;
  • Donner la parole aux étudiant·e·s à propos des TRC en classe.

Références

Quelques ressources en ligne (mes bookmarks sur Diigo)

Angelo, T. A., & Cross, K. P. (1993). Classroom assessment techniques: a handbook for college teachers (2nd ed). San Francisco: Jossey-Bass Publishers.

Coe, R., Aloisi, C., Higgins, S., & Major, L. E. (2014). What makes great teaching? Review of the underpinning research. Durham University: Centre for Evaluation & Monitoring. Consulté à l’adresse https://www.suttontrust.com/research-paper/great-teaching/

Steadman, M. (1998). Using Classroom Assessment to Change Both Teaching and Learning. New Directions for Teaching and Learning, 1998(75), 23‑35. https://doi.org/10.1002/tl.7503

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Depuis 2006, le Service Orientation et Conseil de mon université réalise chaque automne une large enquête téléphonique auprès des nouveaux/nouvelles étudiant-e-s pour leur demander « Comment allez-vous? ». Le sondage porte sur leur adaptation à leur nouvelle vie d’étudiant-e-s universitaires ainsi que sur leurs premières impressions à propos des cours qu’ils/elles suivent. Parmi tous les résultats très riches de cette enquête, il y a un graphique qui nous a interpellé, mes collègues et moi. C’est celui des difficultés d’apprentissage rencontrées par les nouveaux/nouvelles étudiant-e-s. Dans l’enquête 2011, 293 commentaires (émis parmi les 1’227 étudiant-e-s interrogé-e-s) ont porté sur les difficultés d’apprentissage qu’ils/elles rencontraient au cours des premiers mois de leurs études. 27% de ces 293 commentaires ont porté sur la gestion du temps. D’autres commentaires ont porté sur la mémorisation, la prise de notes, la préparation aux examens, la lecture d’ouvrage de références, etc.

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Voici quelques commentaires représentatifs de ces difficultés:

« C’est très difficile de se motiver pour travailler quand on sait que le taux de réussite n’est que de 20%. » – « En philosophie on va trop vite. » – « Ce serait bien de mettre en place des cours de soutien car c’est dur de poser des questions car il y a trop de personnes après les cours. » – « Il y a trop de documents des cours sur internet et il y a des doublons. La qualité des documents laisse à désirer. Il faudrait une uniformisation des documents à travers toute la faculté. Même type de structure, etc. Manque résumé des documents. Dire si c’est important. La manière de s’exprimer. »

Le Service Orientation et Conseil fournit beaucoup d’aide aux étudiant-e-s en ce qui concerne les méthodes de travail: conseil individuel, cours d’introduction aux études universitaires, ateliers en petits groupes et nouveau portail web « Réussir ses études à l’Université de Lausanne » qui propose de nombreuses ressources en ligne pour développer ses méthodes de travail. Moi-même, j’ai déjà consacré plusieurs articles de ce blog sur le sujet: la prise de notes, les étudiant-e-s (soi-disant) multi-tâches ou les étudiant-e-s stratégiques.

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Par ailleurs, de nombreuses autres ressources existent pour les étudiant-e-s, notamment l’ouvrage récent « Réussir sa première année » de Mireille Houart, paru en août 2013 aux éditions De Boeck (petite publicité pour une ancienne collègue de Namur! 🙂 ).

Mais qu’en est-il du côté des enseignant-e-s? Que peuvent-ils/elles faire pour encourager et favoriser l’acquisition de méthodes de travail efficaces par les étudiant-e-s? Avec nos collègues du Service Orientation et Conseil, nous proposons une ou deux fois par an un atelier-midi sur le sujet à destination des enseignant-e-s, histoire de faire passer un message simple: « Si vos étudiant-e-s semblent démotivés ou n’ont pas l’air très efficaces dans leurs études, ça n’est pas une fatalité, ni une caractéristique particulière des étudiant-e-s actuel-le-s! Plusieurs choses peuvent être mises en place dans les cours pour y remédier! ».

A cette occasion, je présente entre autres les éléments principaux du texte de Weinstein et al. (2011) à propos des façons d’amener les étudiant-e-s à devenir des apprenant-e-s stratégiques. Selon ces auteur-e-s, un-e étudiant-e stratégique, c’est un-e étudiant-e qui:

  • Est confiant-e dans ses chances de succès;
  • A une idée relativement claire de ce qu’il faut faire pour réussir ses études, que ça soit en termes de méthode de travail ou en termes de gestion de son temps;
  • Fait preuve de ténacité: il/elle n’abandonne pas facilement face à une difficulté d’apprentissage;
  • Contrôle en grande partie ses activités d’apprentissage et d’étude;
  • Sait quand il/elle comprend le contenu d’un cours ou ne le comprend pas;
  • Développe des stratégies face aux difficultés d’apprentissage: il/elle demande de l’aide à l’enseignant-e, se renseigne, discute avec ses collègues, etc.

Pour que les étudiant-e-s développent ces attitudes, de nombreuses actions peuvent être entreprises par les enseignant-e-s dans leurs cours, sans pour autant y consacrer spécifiquement du temps. Dans les dias suivantes, les enseignant-e-s trouveront quelques pistes pour que leurs étudiant-e-s développent des intérêts personnels, comprennent leur propre façon de fonctionner en tant qu’étudiant-e (métacognition), opèrent des liens entre leurs connaissances, développent des stratégies d’apprentissage spécifiques à leur domaine d’étude, etc.

Par ailleurs, les enseignant-e-s pourraient plus systématiquement guider les étudiant-e-s vers les ressources disponibles à ce sujet dans leur université, surtout dans la première année d’étude.

Weinstein, C. E., Meyer, D. K., Husman, J., McKeachie, W. J., & King, C. A. (2011). Teaching students how to become more strategic and self-regulated learners. In M. Svinicki & W. J. McKeachie (Eds.), McKeachie’s teaching tips. Strategies, research, and theory for college and university teachers (13th ed., pp. 292–307). Belmont, CA: Wadsworth.

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Dans le cadre d’une réflexion large dans mon université à propos des usages des portfolios et e-portfolios, nous avons conçu, mon collègue Denis Berthiaume et moi-même, un document de synthèse sur l’utilisation de portfolios pour l’évaluation des apprentissages des étudiant-e-s (PDF – 116Ko). J’ai ensuite organisé un atelier d’une heure trente sur ce thème auquel une douzaine d’enseignant-e-s, assistantes et conseillères pédagogiques ont participé. Dans cette note, je présente ce document ainsi que la présentation orale que j’ai préparée pour l’atelier.

Les autres notes de ce blog à propos des portfolios se trouvent ici et j’ai rassemblé plusieurs ressources à cet endroit.

La définition du portfolio (pour l’évaluation des apprentissages) que nous avons retenue est la suivante:

Un portfolio est une collection ciblée de travaux qui montre les efforts individuels, les progrès et les prestations de l’apprenant-e dans un ou plusieurs domaines. La collection doit comprendre la participation de l’apprenant-e au choix des contenus et des critères pour le choix, sa participation à la détermination des critères d’appréciation ainsi que des indications sur la capacité de réflexion sur soi de l’apprenant-e (Paulson, Paulson & Meyer, 1991).

Cette définition, à l’air tout innocent, contient en fait plusieurs idées assez innovantes en ce qui concerne l’évaluation des apprentissages dans l’enseignement supérieur…

  • « une collection ciblée de travaux« : en général, l’évaluation porte sur un seul travail écrit ou une seule présentation orale et pas sur un ensemble de travaux (oraux, écrits, multimédias ou relevant de performances diverses) évalués comme un tout.
  • « qui montre les efforts individuels, les progrès et les prestations de l’apprenant-e« : le plus souvent, pour évaluer les apprentissages des étudiant-e-s, nous nous basons sur des prestations ponctuelles (travaux écrits, oraux, etc.). Avec un portfolio, il est possible d’évaluer aussi les efforts ou les progrès des étudiant-e-s, par exemple si les objectifs pédagogiques touchent à la persévérance ou à l’analyse de ses erreurs.
  • « un ou plusieurs domaines« : le plus souvent, chaque cours dans un programme de formation possède son propre système d’évaluation, donc une évaluation par discipline enseignée. Or il peut être opportun et cohérent dans certains cas d’évaluer la façon dont les étudiant-e-s intègrent les apports de plusieurs cours voire d’un programme dans son ensemble.
  • « participation de l’apprenant-e« : de manière générale, les étudiant-e-s « subissent » davantage les évaluations sommatives qu’ils/elles n’y participent, c’est-à-dire qu’ils/elles réalisent une prestation qui est notée (et parfois accompagnée d’un feed-back). Ceci est un peu différent pour les évaluations formatives où il y a davantage de participation, de discussion voire de négociation avec les étudiant-e-s. Avec le portfolio, il est possible de leur donner l’occasion de s’impliquer et participer davantage à leur formation en leur donnant une certaine autonomie par rapport à leur évaluation. Cette participation porte sur le produit qui sera évalué mais aussi sur les critères d’évaluation.
  • « capacité de réflexion sur soi de l’apprenant-e« : l’analyse et la réflexion sont des compétences attendues de la part des étudiant-e-s à la fin de leur programme universitaire mais l’analyse et la réflexion sur soi, ses compétences et sa façon de progresser sont plus rarement exprimées explicitement comme objectifs à atteindre (sauf peut-être dans les formations d’enseignant-e-s). Le portfolio permet d’obtenir des indices du développement de ces compétences.

Ci-dessous, on trouvera le support de la présentation à l’atelier. Dans les dernières dias, plusieurs exemples de portfolios pour l’évaluation dans l’enseignement supérieur sont évoqués. D’autres références et d’autres exemples sont aussi mentionnés dans le document de synthèse avec également des exemples de consignes données aux étudiant-e-s.

Précisons enfin que le document que nous avons conçu porte sur un usage particulier du portfolio, à savoir dans le cadre de l’évaluation des apprentissages des étudiant-e-s. D’autres usages existent et nous les définissons comme suit:

  • On pourrait distinguer quatre types ou quatre fonctions principales des portfolios:
    • Le portfolio pour l’évaluation des apprentissages dans le cadre d’une formation ou d’un cours donnés: dans ce cas, le but du portfolio est de constituer un répertoire de travaux commentés par les étudiant-e-s qui permettra à l’enseignant-e d’évaluer l’atteinte des objectifs pédagogiques et le développement des compétences des étudiant-e-s, le plus souvent dans une perspective formative.
    • Le portfolio de présentation: il s’agit ici de rassembler des travaux dans le but de les présenter par exemple dans le cadre d’une recherche d’emploi ou de la conclusion d’un marché. Dans ce cadre, le portfolio peut être annexé à un curriculum vitae.
    • Le portfolio de validation ou de certification: dans ce cas, le portfolio est présenté en vue de faire valider des compétences ou des apprentissages pour obtenir un diplôme ou un certificat ou pour être admis dans une formation supérieure ou professionnelle.
    • Le portfolio de développement professionnel ou personnel dont le but est de mettre en évidence le processus de développement de compétences tout au long de la vie.
  • Ces différents types de portfolios se rejoignent cependant sur plusieurs points :
    • Une perspective réflexive de l’apprentissage, c’est-à-dire le développement chez les étudiant-e-s de compétences transversales comme l’auto-évaluation et la compréhension de ses propres processus et méthodes d’apprentissage.
    • Une perspective expérientielle de l’apprentissage, c’est-à-dire la mise en évidence et la valorisation de toutes ses expériences d’apprentissage, que celles-ci soient explicites ou implicites. Dans un portfolio, l’étudiant-e est amené à décrire ses expériences puis à les analyser.
    • Une autonomie et une responsabilisation de l’étudiant-e vis-à-vis de son propre processus d’apprentissage: dans un cadre défini au départ par l’enseignant-e, c’est l’étudiant-e qui prend en charge la constitution de son portfolio et l’auto-évaluation de ses apprentissages.

Paulson, F. L., Paulson, P. R., & Meyer, C. A. (1991). What makes a portfolio a portfolio ? Educational Leadership, 48(5), 60-63 En ligne: http://faculty.milkenschool.org/sperloff/edtech/portfolioarticle2.pdf (PDF – 1,4Mo).

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La question de la motivation des étudiant-e-s revient très régulièrement dans les formations, les ateliers et les rencontres avec les enseignant-e-s. Leurs interrogations touchent à la participation de leurs étudiant-e-s, à leur implication, le sérieux avec lequel ils/elles s’investissent dans leurs études, etc. Les enseignant-e-s voudraient que leurs étudiant-e-s répondent à leurs questions, posent des questions, participent aux discussions en classe, travaillent leurs cours entre les séances… en d’autres mots, que leurs étudiant-e-s se montrent aussi motivés que eux/elles l’ont été pendant leurs propres études universitaires. Mais ils/elles se rendent compte que ce n’est jamais gagné d’avance et qu’il faut susciter la motivation et l’entretenir chez les étudiant-e-s.

De très nombreux livres et études ont été publiés sur le sujet. En français, un des ouvrages les plus connus est sans doute celui de Viau (2006). En anglais, on se réfère souvent au livre de Brophy (2004) « Motivating students to learn ». Vu le nombre de publications sur le sujet, c’est assez difficile dans une discussion de synthétiser les arguments et les pistes d’action pour l’enseignant-e. C’est pourquoi dans nos formations, nous parlons souvent de la formule « M = C x V » mise en avant par mon collègue Jacques Lanarès. C’est une formule un peu lapidaire pour un thème aussi complexe mais qui a le mérite de proposer une grille de lecture de la motivation des étudiant-e-s à l’université et qui met en évidence les actions que les enseignant-e-s peuvent mettre en œuvre pour susciter la motivation chez leurs étudiant-e-s. C’est une grille de lecture tout d’abord car les enseignant-e-s peuvent analyser et comprendre la (dé)motivation des étudiant-e-s. C’est aussi un outil d’action dans la mesure où comprendre la situation peut permettre de trouver des pistes pour motiver les étudiant-e-s en classe.

M = C x V : la motivation (M) est proportionnelle au sentiment de compétence personnelle (C) qu’un-e étudiant-e éprouve face à une tâche d’apprentissage et à la valeur (V) qu’il/elle accorde à cette tâche. Vu qu’il s’agit d’une multiplication, si un des deux termes diminue, le résultat global diminue. Nous expliquons ainsi qu’il est possible d’agir sur ces deux termes en tant qu’enseignant-e. Un-e étudiant-e peut être très motivé-e par une tâche (V élevée) mais ne pas se sentir capable de l’accomplir (C faible). A l’inverse, un-e étudiant-e peut trouver une tâche facile à accomplir (C élevée) mais n’y trouver aucun intérêt (V faible)… Comment dès lors faire en sorte que les étudiant-e-s soient intéressé-e-s par les tâches proposées et qu’en même temps ils/elles se sentent capables de relever les défis suscités par ces tâches?

Jacques Lanarès a résumé ainsi plusieurs pistes d’action:

Qu’est-il possible de faire pour que les étudiant-e-s accordent plus de valeur à un enseignement ou aspect/partie d’un enseignement?

  • « Contextualiser », c’est-à-dire partir d’une anecdote, d’un vécu possible des étudiant-e-s (même hypothétique), d’une résolution de problème, de quiz, tests, etc. pour que les étudiant-e-s se sentent concerné-e-s par ce qui va être abordé.
  • Partir de questions heuristiques. Les étudiant-e-s perçoivent mieux l’intérêt s’ils/elles voient que les thèmes traités répondent à des questions qu’ils/elles se posent ou dont ils/elles doivent connaître les réponses (on peut donc aussi partir d’une question d’examen par exemple).
  • Clarté sur l’aboutissement de l’enseignement et les bénéfices possibles.
  • Valoriser les résultats des étudiant-e-s.
  • Montrer la pertinence du cours dans le cursus ou par rapport aux besoins professionnels et personnels des étudiant-e-s.
  • Permettre aux étudiant-e-s de faire des choix, de travailler en groupe, s’assurer que ce qui est à faire est réaliste, donner du feedback , favoriser une utilisation rapide du contenu proposé (pour répondre aux besoins d’autonomie, d’appartenance et de compétence).
  • Varier les modalités de formation (méthodes, modes de présentation, etc.) pour  permettre aux personnes ayant des styles cognitifs différents de se sentir « chez eux » au moins à certains moments.
  • Demander aux étudiant-e-s de formuler leurs attentes.
  • Introduire une dimension de compétition ou de coopération.
  • Stimuler la curiosité.
  • Être motivé-e soi-même (dans les questionnaires d’évaluation de l’enseignement, les étudiant-e-s disent que c’est contagieux!).

Qu’est il possible de faire pour que les étudiant-e-s augmentent leur sentiment de compétence?

  • Faire les liens avec le connu (expériences, autres contenus déjà abordés, métaphores, etc).
  • Faire schématiser, résumer (leur permet de réaliser qu’ils/elles ont compris, retenu l’essentiel).
  • Permettre d’appliquer.
  • Doser la quantité d’informations nouvelles (fractionner, reformuler, faire des redondances).
  • Faire prendre conscience des stratégies utilisées (les étudiant-e-s ne sont pas toujours conscient-e-s de leurs compétences ou de celles qu’il faut exercer pour réussir une tâche).
  • Inciter/aider les étudiant-e-s à analyser leurs réussites et échecs (ce qui marche, ce qui ne marche pas).

Le document est téléchargeable ici en PDF (72 Ko).

En réfléchissant à ces pistes, il est possible d’imaginer quelques actions à mettre en œuvre dans un cours.

Brophy, J. E. (2004). Motivating students to learn. Routledge.

Viau, R. (2006). La motivation en contexte scolaire. Bruxelles: De Boeck Université.

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Que font les étudiant-e-s brillant-e-s pour réussir leurs études? Est-ce que connaître leurs stratégies d’apprentissage et d’étude permettrait d’aider les autres étudiant-e-s à développer les leurs? C’est autour de ces questions que Wendy McMillan a mené une étude récente dans une université sud-africaine. Elle a  travaillé avec 7 étudiant-e-s particulièrement brillant-e-s en études de dentisterie. Elle a procédé en trois temps: une première interview de deux heures dans laquelle les étudiant-e-s faisaient état de leurs stratégies habituelles d’étude, puis une observation de ces étudiant-e-s en train de réaliser une tâche d’apprentissage réaliste et enfin une seconde interview en forme de debriefing de la tâche réalisée.

Pour analyser les données, elle a utilisé le cadre de l’apprentissage auto-régulé (self-regulated learning) pour mettre en évidence les stratégies cognitives et métacognitives des étudiant-e-s ainsi que la façon dont ils/elles gèrent leur motivation dans leurs études. Dans la plupart des études sur le sujet, les chercheur-euse-s ont déjà mis en évidence que le meilleur prédicteur de la réussite dans les études supérieures était la qualité des stratégies cognitives d’apprentissage et le fait que ces stratégies soient rendues explicites (grâce à la métacognition entre autres). Dans son étude, McMillan met en évidence d’autres facteurs intéressants.

  1. Stratégies cognitives
    Trois stratégies s’avèrent particulièrement payantes ici pour les étudiant-e-s qui réussissent brillamment: l’identification et la répétition des principales idées d’un cours; la capacité à résumer et paraphraser ces idées principales; et l’organisation de ces idées dans une table des matières personnelle et cohérente. Il s’agit donc de bien s’approprier la matière d’un cours en étant capable de l’expliquer avec ses mots de façon fluide et articulée.
  2. Stratégies métacognitives
    On parle souvent de la métacognition comme de l’aptitude à être conscient de ses stratégies d’apprentissage. L’étude de McMillan permet de décortiquer la métacognition en une série de micro-compétences utiles autant lorsqu’on est en classe que lorsqu’on est à la bibliothèque en train d’étudier: la préparation de son planning d’étude, la relecture de ses notes, l’écoute attentive en classe et la prise de notes synthétiques, la rédaction de questions à poser à l’enseignant-e ou à rechercher dans la littérature en cas de mécompréhension, l’application d’une procédure de travail en cas de mécompréhension (lecture du cours, recherche de références complémentaires, relecture de ses notes, etc.), etc. Une stratégie très importante pour les étudiant-e-s qui ont participé à l’étude était aussi d’être bien au courant des modalités d’évaluation et de ce qui était attendu d’eux en termes de performance à l’examen.
  3. Stratégies de motivation
    Les étudiant-e-s interviewé-e-s accordaient beaucoup de valeurs aux tâches académiques qui leur étaient demandées. Ils/elles développaient aussi un fort sentiment de compétences dans ces tâches, notamment en se mettant personnellement au défi de réaliser telle ou telle tâche particulièrement difficile. Pour réaliser ces tâches, ils/elles persistaient aussi beaucoup dans leurs efforts et cherchaient toujours des solutions alternatives pour résoudre des problèmes d’apprentissage. Un autre point important par rapport à la motivation est que les étudiant-e-s ne considéraient pas les évaluations comme des moments de sanctions mais plutôt comme des étapes dans leur processus d’apprentissage, ce qui leur permet d’atténuer le stress habituel lié à l’évaluation.

Dans la discussion de sa recherche, McMillan insiste sur l’importance pour les enseignant-e-s de rendre explicites dans leur cours les idées maîtresses et la table des matières. Cela aide les étudiant-e-s à structurer leurs notes et à élaborer des stratégies d’étude efficaces. Elle suggère aussi de faire davantage parler les étudiant-e-s en classe (avec l’enseignant-e pour poser des questions) mais aussi en dehors de la classe (entre étudiant-e-s pour s’entraîner à s’approprier la matière du cours et à échanger leurs stratégies d’étude). McMillan explique aussi que dans un cours universitaire, il n’est pas très difficile d’aider les étudiant-e-s à développer des stratégies cognitives et métacognitives d’apprentissage. Par contre, il n’est pas évident d’agir directement sur la motivation. Cependant, en élaborant des tâches variées, en proposant aux étudiant-e-s de travailler en groupe ou en organisant des discussions en classe, il est possible de rendre l’environnement d’apprentissage motivant.

Personnellement, l’étude présentée ici m’encourage à continuer à discuter avec les enseignant-e-s à propos de l’explicitation du déroulement de leur cours aux yeux des étudiant-e-s: table des matières mais aussi attentes vis-à-vis des examens ou de la participation en classe. Cela donne des indices aux étudiant-e-s à propos de ce qu’ils/elles doivent être capables de réaliser tout au long du cours. A cette idée, certain-e-s enseignant-e-s rétorquent qu’ils/elles ont alors le sentiment de rendre leur cours trop « scolaire ». Ils/elles s’attendent à ce que les étudiant-e-s soient capables de développer leurs stratégies de façon autonome. De mon point de vue de conseiller pédagogique, c’est oublier que la population étudiante a beaucoup changé ces 20 ou 30 dernières années et que plus qu’avant, les étudiant-e-s ont besoin d’un peu de guidage dans leurs apprentissages. Ceci ne rend pas les cours plus « scolaires ». Il s’agit simplement de développer la qualité des cours et des programmes pour les adapter à de nouveaux publics.

McMillan, W. J. (2010). ‘Your thrust is to understand’ – how academically successful students learn. Teaching in Higher Education, 15(1), 1.

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Le présent texte donne suite à l’article « Réfléchir à son enseignement » du 24 mai 2009, qui est, de très loin, l’article le plus consulté de ce blog. J’aimerais raconter ici comment j’utilise le modèle de Kolb (PDF – 76Ko) pour animer des discussions de groupe avec des assistant-e-s.

Dans le cadre de la formation pédagogique pour assistant-e-s que nous organisons à Lausanne, le module 7, ou module d’application, est organisé « à la carte ». Pour appliquer ce qu’ils/elles ont appris lors des six premiers modules, les assistant-e-s peuvent choisir entre autres de participer à des groupes de discussion qui ont lieu trois fois par semestre. Les séances durent trois heures avec entre 4 et 10 participant-e-s.

  1. Une dizaine de jours avant la séance, chaque inscrit-e reçoit le questionnaire et m’envoie ses réponses par courrier électronique. Je lis les réponses et fais une synthèse des questions pédagogiques rencontrées. Cette synthèse est distribuée en début de séance et constitue l’ordre du jour de la discussion (exemple de la synthèse rédigée pour la séance du 13 octobre 2009 PDF – 60Ko). En même temps, je prépare de la documentation en lien avec les questions évoquées.
  2. Les objectifs de la séance sont présentés comme suit:
    Au terme de ce module, les participant-e-s devraient être en mesure de:

    1. Décrire leur expérience d’enseignement: leurs actions, celles des étudiant-e-s, le contexte de leur enseignement.
    2. Pratiquer une observation réflexive de leur expérience d’enseignement, en particulier identifier les éléments de leur expérience qui ont bien ou moins bien fonctionné.
    3. Conceptualiser leur expérience d’enseignement en la reliant à la théorie ou à des principes issus de la pratique.
    4. Être prêt-e à transférer dans leur enseignement des solutions conçues lors de l’observation réflexive de pratiques pédagogiques.
  3. Lors de la séance, chaque personne se présente et parle en quelques mots de la question pédagogique qu’elle a rencontrée en particulier. Nous prenons ensuite le temps de lire ensemble la synthèse que j’ai faite et chaque participant-e vérifie si ses questions s’y retrouvent effectivement. Auquel cas, j’ajoute ou modifie l’une ou l’autre question.
  4. Nous prenons ensuite un temps de discussion pour chaque question (mais au fur et à mesure, on se rend en général vite compte que beaucoup de questions se recoupent…). Mon rôle est alors de distribuer la parole, de demander à chacun-e de parler de son expérience de la question, de poser des questions d’approfondissement, de raconter éventuellement d’autres façons de procéder qui n’ont pas été évoquées, etc. Les échanges peuvent aussi sembler inépuisables à certains moments. J’essaye alors de centrer la discussion sur la question de départ ou de vérifier ma montre pour qu’on ait suffisamment de temps pour toutes les questions.
  5. A certains moments, je propose de faire des synthèses partielles. Pour ce faire, je note une thématique au tableau et nous faisons un tour de table pour formaliser les solutions ou réponses possibles aux questions que pose cette thématique. Quelques exemples: comment différencier son enseignement? ou comment organiser un débat constructif avec ses étudiant-e-s?
  6. Environ 20 minutes avant la fin de la séance, je propose qu’on fasse un tour de table pour que chacun-e explique ce qu’il/elle a trouvé le plus utile dans la discussion par rapport à sa propre pratique d’enseignement. C’est une façon d’évaluer ce qui a été retenu lors de la discussion.
  7. A la fin de la séance, je distribue une copie des ressources que j’ai trouvées sur les questions traitées en guise de synthèse formelle. J’encourage aussi les assistant-e-s à diffuser le message selon lequel je peux me déplacer pour organiser et animer des discussions pédagogiques sur des sujets précis avec des groupes d’enseignant-e-s et/ou d’assistant-e-s.

Pour mettre au point cette façon de faire, j’ai pu bénéficier de l’expérience du Centre de Didactique universitaire de l’Université de Fribourg qui organise des « communautés de pratique » avec les participant-e-s au diplôme Did@cTIC. Petit à petit, j’ai aussi noté plusieurs choses auxquelles je fais attention en animant ce type de séance:

  • Je trouve important que tout le monde prenne la parole, d’abord pour que je puisse savoir comment chaque personne se situe par rapport aux questions pédagogiques débattues et éventuellement creuser davantage les différentes conceptions et représentations, mais aussi pour que chacun-e s’exerce à décrire sa propre expérience et y réfléchir. J’essaye donc que tout le monde s’exprime sur chaque question abordée, sans pour autant faire des tours de table systématiques. L’idée est aussi que la discussion soit relativement informelle et conviviale.
  • Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises expériences, réponses ou conceptions personnelles. Le but n’est pas de juger ni de « corriger » des erreurs. Il s’agit plutôt d’identifier d’éventuels avis divergents et d’amener les participant-e-s à entrer dans une controverse constructive. Mon but est donc de faire naître des conflits sociocognitifs.
  • J’essaye de tout faire pour que la séance ne ressemble pas aux yeux de certain-e-s à un examen oral collectif. Même si je fais en sorte que tout le monde parle, j’essaye que la discussion reste relativement informelle, notamment en encourageant la discussion entre participant-e-s. Tous les échanges ne passent pas nécessairement par moi. Il faut donc que je me taise de temps en temps… Pour prévenir cette dérive possible, je prends un bon moment au début de la séance pour expliquer les objectifs, raconter comment cela se déroule et fixer le cadre des discussions.

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Comme annoncé il y a quelques temps, j’ai assisté le 29 mai dernier au Webinar eduhub consacré au portfolio électronique. L’enregistrement de cette conférence est accessible sur le site des événements eduhub.

Personnellement, voici deux choses que j’ai notées lors de la conférence et suite aux discussions avec les deux présentatrices (l’article où je présente une définition et quelques principes d’usages des portfolios se trouve ici):

  • Le portfolio (qu’il soit électronique ou pas) est un outil vraiment intéressant si l’on veut amener les étudiant-e-s à développer leurs compétences de métacognition. Ces compétences peuvent servir pendant les études pour que les étudiant-e-s développent des stratégies appropriées pour étudier, comprendre, mémoriser, etc. Elles sont aussi importantes après les études pour constituer un CV. Il semble en effet que beaucoup d’étudiant-e-s mettent en valeur dans leur CV le contenu des cours qu’ils/elles ont suivis plutôt que les compétences transversales qu’ils/elles ont appris à maîtriser, compétences qui sont davantage valorisées sur le marché de l’emploi, comme le travail en groupe, la rédaction de rapport, l’autonomie dans le travail, la présentation orale, etc.
    Un portfolio peut aussi amener les étudiant-e-s à faire des liens entre leurs cours et à porter une réflexion sur l’ensemble du cursus qu’ils/elles sont en train de suivre. Cela peut les aider à mieux comprendre les enjeux scientifiques des cours par exemple ou à utiliser ou reconsidérer des théories ou des méthodes dans d’autres contextes.
  • Au niveau des outils de portfolio électronique, plusieurs existent déjà, dont Mahara qui s’intègre assez bien avec la plate-forme Moodle. Cependant, aucun de ces outils ne semble utiliser un quelconque standard de format de document qui serait basé sur XML ou IMS-LD. Je me pose donc plusieurs questions: que faire si on veut changer de plate-forme de portfolio électronique (fonction import/export)? comment transférer les données ou partie des données à quelqu’un d’autre ou sous différentes formes (PDF, DOC, image, etc.)? comment facilement produire un document (PDF par exemple) qui reprendrait pour une personne donnée (un-e employeur-euse, un-e enseignant-e, etc.) un certain nombre d’informations pertinentes? Je pense que pour une institution d’enseignement supérieur qui voudrait se doter d’un outil de ce type, ça devrait être une question importante à prendre en compte. De même que pour une personne qui voudrait créer un portfolio en ligne.

La conférence que j’ai suivie apporte quelques réponses à ces questions. Mais cela reste un dossier à suivre. En tant que conseiller pédagogique, je m’interroge notamment sur des exemples concrets à proposer à des enseignant-e-s ou à une faculté qui chercheraient à soutenir leurs étudiant-e-s dans le développement de leurs compétences transversales et à valoriser celles-ci. Une piste possible est cette vidéo d’une conférence (10 petites minutes) où l’usage du portfolio électronique dans une faculté de médecine (Paris Descartes) est présenté. Cet outil est utilisé dans ce cas pour soutenir le développement des compétences métacognitives chez les étudiant-e-s mais aussi pour leur certification: le portfolio constitue une collection de « preuves » d’apprentissage des étudiant-e-s médecins (3ème cycle de médecine générale). Les étudiant-e-s peuvent aussi connecter leur portfolio avec celui de leurs collègues en créant des groupes. L’outil utilisé est la plate-forme de blogs de l’université.

Un autre exemple est celui du département d’archéologie et histoire de l’art de l’Université catholique de Louvain qui encourage ses étudiant-e-s à créer un portfolio électronique durant leurs 3 années de bachelor. Le but est ici de valoriser les activités extra-académiques des étudiant-e-s. L’outil utilisé est tout simplement la plate-forme Claroline.

Je finis avec une ressource très récente issue du blog de Tomorrow’s Professor qui présente l’usage du portfolio non seulement comme un soutien à l’apprentissage des étudiant-e-s mais aussi comme une source importante de feedback pour les enseignant-e-s et les facultés à propos de leurs cours et de leurs programmes:

Students generally use e-portfolios to collect their work, reflect upon strengths and weaknesses, and strive to improve. Equally beneficial are the data that faculty, departments, and institutions derive when they assess the work in portfolios, reflect upon it in curricular contexts, and use the data and reflections to plan for improvement. E-portfolios provide a rich resource for both students and faculty to learn about achievement of important outcomes over time, make connections among disparate parts of the curriculum, gain insights leading to improvement, and develop identities as learners or as facilitators of learning.

L’article s’articule ensuite autour de témoignages d’étudiant-e-s et d’enseignant-e-s à propos de l’usage de portfolios.

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Parmi les nombreuses façons d’apprendre à enseigner et de développer ses compétences en la matière, il en est une qui reste relativement méconnue. Il s’agit de la réflexion personnelle à propos de sa propre façon d’enseigner. En Sciences de l’Education, depuis les travaux de Schön (1983), un large courant de recherche s’est intéressé à la façon dont les enseignant-e-s développent leurs connaissances et leurs compétences en menant une réflexion personnelle rigoureuse et systématique à propos de leur enseignement.

En particulier, Kolb (1984) a développé un modèle de l’apprentissage « expérientiel », c’est-à-dire qui se fonde sur l’expérience (professionnelle par exemple) pour aller plus loin dans l’acquisition de connaissances et de compétences. Kolb présente cette forme d’apprentissage dans le schéma suivant:

Cycle de Kolb

Ce modèle en cycle a pour but de rendre compte de la démarche de questionnement et de réflexion d’un-e enseignant-e à propos de sa pratique. L’intérêt de ce modèle pour un-e enseignant-e est qu’il relie d’une part pratique et théorie et d’autre part réflexion et action. Le cycle part de l’expérience concrète (au-dessus) à partir de laquelle un-e enseignant-e peut identifier une question ou une problématique qu’il/elle a rencontrée. Une réflexion sur cette expérience permet de l’analyser et d’identifier les éléments qui posent plus particulièrement question. De cette analyse, il est possible d’en faire une généralisation, ou une théorie personnelle qui devrait pouvoir s’appliquer à toutes, ou en tout cas à la plupart des situations semblables. Cette généralisation peut ensuite être opérationnalisée et transférée dans la pratique afin de résoudre les questions identifiées au départ.

C’est sur la base de ce schéma que nous proposons aux enseignant-e-s et assistant-e-s de travailler, que ce soit lors de la formation pédagogique que nous organisons à leur intention ou pour susciter la réflexion et la discussion quand ils/elles viennent vers nous pour un conseil. Nous avons formalisé le processus de questionnement personnel et de réflexion sous la forme de 8 questions. Celles-ci sont reprises dans ce document (PDF, 76 Ko). Je consacrerai quelques prochains articles de ce blog à une description de la façon dont j’utilise ce questionnaire avec des assistant-e-s pour la formation pédagogique, lors d’observations en classe ou pour organiser des discussions de groupe.

Kolb, D. A. (1984). Experiential Learning – Experience as the source of learning and development. Englewoods Cliffs (NJ): Prentice-Hall.

Schön, D. A. (1983). The reflective practitioner: how professionals think in action. Basic Books.

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Dans l’introduction d’un ouvrage paru il y a un peu plus de 10 ans, Bernadette Noël et Philippe Parmentier proposaient une réflexion sur les nouvelles compétences et stratégies d’étude que les étudiant-e-s devaient développer lors de leur entrée dans l’enseignement supérieur. Pour eux/elles, beaucoup de choses changent: la vie sociale, les locaux scolaires, la relation avec les enseignant-e-s, la relation avec leurs collègues étudiant-e-s, etc. Et du point de vue des études, on passe d’un encadrement proche à très peu d’encadrement, d’une grande précision des consignes de travail à un ensemble d’informations parfois floues et sans cohérence d’un cours à l’autre.

Dans ce contexte de ruptures, passer du statut d’élève à celui d’étudiant, c’est changer de rôle social mais, c’est aussi nécessairement changer ses manières d’apprendre. L’étudiant-apprenant ne peut se satisfaire des routines et stratégies qu’il a mises en place tout au long de ses études secondaires. Pour répondre pleinement aux exigences d’une formation universitaire, notre hypothèse est que l’étudiant-apprenant doit au minimum considérer l’exécution de toute tâche d’apprentissage comme un acte intentionnel et personnel, s’inscrivant dans la réalisation d’un projet à plus long terme. En outre, pour être efficace, cet étudiant-apprenant doit adopter une approche stratégique de l’apprentissage, c’est-à-dire adopter des comportements adaptés aux exigences, souvent changeantes et implicites, du contexte académique auquel il est confronté. La perception que l’étudiant a de lui-même et du contexte est une dimension-clé du processus (Noël & Parmentier, 1997, p. 12).

Bien sûr, l’enseignement secondaire de second cycle (post-obligatoire en Suisse) est censé apporter à ces étudiant-e-s un certain nombre de compétences comme la prise de notes, l’étude de grandes quantités de matière, la synthèse, la présentation orale de travaux, la rédaction de réponses élaborées à des questions complexes, etc. Mais le changement reste assez rude pour bon nombre d’étudiant-e-s.

Bien sûr aussi, l’autonomie dans l’étude est une compétence clé que les étudiant-e-s doivent progressivement développer. Mais n’est-ce pas aussi dans une certaine mesure le rôle des enseignant-e-s de proposer des outils pour apprendre? Les recherches présentées dans ce livre montrent par exemple que les étudiant-e-s auront tendance à calquer leur façon d’apprendre sur la conception de l’enseignement que les enseignant-e-s mettent en oeuvre dans leurs cours. En d’autres mots, les étudiant-e-s développent des stratégies d’étude qu’ils/elles croient (à tort ou à raison) conformes aux exigences des enseignant-e-s. Les cours ex-cathedra auraient ainsi tendance à rendre les étudiant-e-s plus passif-ve-s alors que les cours où les étudiant-e-s sont amenés à discuter ou à collaborer développeraient chez eux/elles des compétences de questionnement et de réflexion.

Mais parmi les compétences-clés que les étudiant-e-s ont intérêt à développer pour réussir à l’université, c’est probablement la métacognition qui est la plus importante. La métacognition se rapporte de façon générale à la connaissance que nous avons de notre propre manière de fonctionner mentalement, en particulier de notre façon d’apprendre. La métacognition aide à développer ses propres stratégies d’apprentissage et d’étude. Pour aider les étudiant-e-s à développer cette compétence, une stratégie toute simple peut être de leur demander régulièrement (même anonymement par écrit) ce qu’ils/elles retiennent d’une séance de cours. Pour les étudiant-e-s, cela les aide à se poser la question au moins de temps en temps: que faut-il retenir de cette séance, quel était le message principal, que risque-t-on de me demander à l’examen, etc.? Pour l’enseignant-e, cela peut aider à savoir si les étudiant-e-s ont effectivement compris le message qu’il/elle voulait faire passer lors d’une séance, et de rectifier le message, le cas échéant, lors du cours suivant.

Noël, B., & Parmentier, P. (1997). Introduction. Dans M. Frenay, B. Noël, P. Parmentier, & M. Romainville (Éd.), L’étudiant-apprenant. Grilles de lecture pour l’enseignement universitaire (pp. 7-14). Bruxelles: De Boeck Université.

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