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Archive for the ‘Opinions’ Category

Récemment, j’ai participé au dernier colloque de l’Association Internationale de Pédagogie Universitaire (AIPU) à Mons en Belgique (http://www.aipu2014.be). L’organisation était impeccable et le comité scientifique avait réalisé un travail conséquent pour nous offrir un colloque de haute qualité.

Quelque chose m’a un peu surpris dans ce colloque, ou plutôt, est devenu plus clair dans mon esprit. Dans les sessions auxquelles j’ai assisté, j’ai constaté dans les présentations un usage parfois abusif de l’adverbe « vraiment »… Par exemple, dans des expressions comme « une pédagogie vraiment innovante », « une pédagogie vraiment active », « une évaluation vraiment formative », « un feed-back vraiment constructif », « une collaboration vraiment intéressante », « des activités pédagogiques qui développent vraiment les compétences des étudiant-e-s », etc. L’adjectif « véritable » est aussi beaucoup utilisé (« un véritable apprentissage », « une véritable collaboration », « une véritable participation des étudiant-e-s », etc.). Et l’adverbe « vraiment » peut aussi être avantageusement remplacé par ses synonymes « véritablement » ou « réellement ». J’ai même déjà entendu le superlatif « extrêmement »…

Il est bien sûr possible que j’utilise moi-même ces expressions 🙂 oralement ou même par écrit… Mais n’est-ce qu’un jeu de mots? Ou est-ce un abus de langage? Qu’est-ce que cela cache? Quelle est la différence entre un « apprentissage actif » et un apprentissage qui l’est vraiment? Dans la bouche des éminent-e-s collègues qui les utilisent, ces expressions sonnent parfois comme une tentative de convaincre l’assistance du bien-fondé d’un dispositif pédagogique qu’ils/elles ont mis en place. Cela sonne parfois comme un argument d’autorité… mais qui n’est pas tout à fait consolidé par des arguments scientifiques et pédagogiques. Il arrive que l’on doive d’ailleurs se contenter de cet argument, sans en savoir plus sur les critères de qualité pédagogique qui justifient l’élaboration de ce dispositif. Cela sonne parfois aussi comme un « raccourci » mental… il arrive que l’usage de ces expressions s’accompagne d’un sourire entendu qui signifie « nous, on sait bien ce que c’est qu’un dispositif vraiment innovant et formateur« … Mais les arguments pédagogiques restent plutôt dans l’ombre, non pas parce que les utilisateur/trice-s de ces expressions ne les connaissent pas, mais justement par manque de temps ou d’analyse des dispositifs selon des critères scientifiques. Ou parce qu’on pense « qu’entre nous », il n’est pas nécessaire de revenir sur tous ces arguments.

Cela peut prêter à sourire bien sûr. L’utilisation de certains mots par les pédagogues relève depuis toujours d’une forme de jargon dont il est nécessaire de détenir les codes (mais c’est comme le jargon de tou-te-s les spécialistes de toutes les professions). Cela donne d’ailleurs lieu à de nombreuses plaisanteries… Mais tout de même. Selon moi, du point de vue des conseiller/ère-s pédagogiques, cela décrédibilise notre discours et nos actions avec les enseignant-e-s. Cela ne valorise pas notre travail. Cela voudrait dire qu’on doit nous croire sur parole quand nous présentons les avantages d’un apprentissage « vraiment » actif… Il me paraît pourtant par exemple impensable de proposer à un-e enseignant-e de rendre son cours « réellement » interactif, sans une solide argumentation et une analyse du contexte pédagogique. Utiliser trop de raccourcis, selon moi, concourt à transmettre des messages confus aux enseignant-e-s à propos de la pédagogie dans l’enseignement supérieur. Il suffirait d’être convaincu que ce qu’on fait est interactif et innovant pour que cela le soit… et pouvoir dire ensuite que l’on est « vraiment » interactif et innovant… A ce sujet, je vois davantage le rôle des conseiller/ère-s pédagogiques comme des médiateur/trice-s entre les connaissances pédagogiques et la pratique des enseignant-e-s. Dialoguer, argumenter, comprendre…

Bien sûr, la situation de présentation d’une recherche dans un colloque n’est pas la même que celle du conseil pédagogique. Les objectifs et le type d’interaction sont différents. Mais dans une situation de formation pédagogique par exemple, je crois que je vais désormais faire davantage attention à mon discours. Vraiment.

Enfin bref, pour celles et ceux qui s’interrogent sur les arguments en faveur d’un apprentissage (vraiment) actif en enseignement supérieur, on peut consulter par exemple les pages du Center fo Teaching and Learning de l’Université du Minnesota (« What is Active Learning?« ) ou relire le texte de Sylviane Bachy, Marcel Lebrun et Denis Smidts (2010) « Un modèle-outil pour fonder l’évaluation en pédagogie active : impact d’une formation sur le développement professionnel des enseignants« . Je propose d’ailleurs un petit jeu avec cet article: repérer dans le texte le mot « réellement » et se demander s’il est indispensable… 🙂

Bachy, S., Lebrun, M., & Smidts, D. (2010). Un modèle-outil pour fonder l’évaluation en pédagogie active : impact d’une formation sur le développement professionnel des enseignants. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 26(1), http://ripes.revues.org/307.

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Cette année, j’ai rencontré trois situations de conseil pédagogique qui m’ont posé beaucoup de questions à propos de mon rôle et de la posture que j’occupe vis-à-vis des enseignant-e-s et assistant-e-s. Je résume ces trois situations en quelques mots (je me suis efforcé de rendre les situations les plus anonymes possible, sans référence aux facultés ou aux cours concernés et en modifiant dans certains cas le genre – hommes ou femmes –  des personnes impliquées):

  1. Un assistant me contacte car il va donner deux séances de cours devant environ 120 étudiant-e-s sur un sujet réputé « difficile ». C’est la première fois qu’il donne cours et il est assistant depuis un mois. On se rencontre, on parle de ce qu’il a préparé: dias, questions aux étudiant-e-s et exercices pratiques. Il paraît surtout inquiet par rapport à sa présentation orale, son accent, l’interaction avec les étudiant-e-s. Je lui propose de venir observer la séance et d’en rediscuter après pour pouvoir préparer le second cours. Lors de la première séance, l’enseignante responsable du cours est présente et vient me trouver (je l’avais déjà rencontrée auparavant dans une formation). Elle s’étonne un peu de ma présence et s’interroge sur ce que je peux bien donner comme conseil à son assistant: et si elle n’était pas d’accord avec ces conseils ou que ceux-ci n’étaient pas tout à fait appropriés à la situation ou à sa vision personnelle du cours?
  2. Un assistant me contacte car il est chargé d’organiser les Travaux Pratiques d’un cours auquel participent environ 500 étudiant-e-s. Les séances se passent en grand groupe, chaque semaine pendant tout un semestre. C’est la première fois qu’il donne cours, il a été engagé le premier septembre et l’enseignant responsable lui a dit à peu près: « Voici les exercices et tout le matériel pour les TP. Ils sont 500. Mais ils sont très gentils. Tu vas voir, ça va bien se passer, tu as carte blanche« … Il a très envie de bien faire, de faire participer les étudiant-e-s et il s’interroge sur ce qu’il peut faire pour vraiment aider les étudiant-e-s à réussir l’examen. Ensemble, nous avons réfléchi à des façons de faire participer les étudiant-e-s. J’ai ensuite observé une séance et nous en avons discuté pour ajuster les séances suivantes.
  3. Une assistante a en charge la correction d’un travail écrit que les étudiant-e-s d’un cours doivent remettre en fin de semestre. Elle ne participe pas au cours, uniquement à la correction des travaux. Elle me contacte pour que je l’aide à concevoir une grille d’évaluation critériée. A la fin de notre première rencontre, elle propose de travailler sur la grille et de me l’envoyer pour que je lui donne un feedback. Vers la fin du semestre, ne voyant rien venir, je lui envoie un mot pour savoir où elle en est. Elle me répond que le professeur responsable du cours n’était pas d’accord avec sa démarche de me contacter. Il a donc freiné le développement de sa grille. Finalement, elle a pu l’utiliser pour corriger les travaux mais elle n’a pas eu le temps de la tester au préalable ni de me la faire relire.

Le point commun entre ces trois anecdotes est que je me suis senti mal à l’aise, comme en porte-à-faux entre les missions institutionnelles que je remplis et les réactions de certaines personnes sur le terrain.

Qu’on s’entende bien: je n’ai absolument rien contre les personnes qui ne souhaitent pas travailler avec un conseiller pédagogique. Elles sont totalement libres, leur cours leur appartient et elles sont les plus compétentes pour savoir ce qu’il y a lieu de faire ou de ne pas faire dans leur cours. C’est leur liberté académique. D’autant plus que dans mon université, il n’y a pas « d’obligation pédagogique » de suivre des formations ou d’être accompagné par un-e conseiller-ère. Non, ce qui m’a mis mal à l’aise, ce sont ces deux choses:

  • Les difficultés rencontrées par les assistant-e-s avec l’impression qu’ils/elles étaient parfois un peu « livré-e-s à eux/elles-mêmes ». Se retrouver devant plus de 100 étudiant-e-s à peine plus âgé-e-s que soi n’est pas évident, d’autant plus si on n’est pas très sûr-e de ses compétences scientifiques et pédagogiques. J’ai eu le sentiment, surtout dans les exemples 1 et 2 ci-dessus qui concernaient deux nouveaux assistants, que leur encadrement pédagogique aurait pu être plus rassurant. Il me semble que dans les premiers mois, même s’ils/elles ne doivent intervenir que ponctuellement dans les cours, ils/elles devraient pouvoir être davantage accompagné-e-s pour apprendre petit à petit à intervenir devant un groupe et interagir avec celui-ci.
  • Dans ces trois exemples, la collaboration entre les assistant-e-s, les enseignant-e-s et moi-même ne s’est pas déroulée de la meilleure façon, en tout cas à mes yeux. Ma mission ne semblait pas claire, mon rôle paraissait se télescoper avec celui de l’enseignant-e et la limite de mon intervention n’avait pas été précisée explicitement pour tout le monde. Je dirais que ceci est en grande partie de mon ressort, de clarifier et préciser ce que je fais et pourquoi et comment je le fais. Ça permettrait d’éviter bien des malentendus et de collaborer avec plus de tranquillité.

Bien sûr, il ne s’agit ici que de trois exemples ponctuels (parmi les centaines d’assistant-e-s que compte mon université) et je ne les présente que de mon seul point de vue. Néanmoins, si je consulte un peu de littérature sur l’accompagnement pédagogique à l’université (par exemple Langevin, 2009 ou Frenay et al., 2010), un des défis du métier est justement celui-ci: de définir et redéfinir sans cesse ses actions pour les adapter à des personnes particulières et à la culture de leur milieu professionnel. Ce n’est donc pas étonnant ni inutile de parler avec les personnes qu’on accompagne pour délimiter et préciser ce qu’on va faire ensemble. Et justement, ce qu’on va faire ensemble, c’est toujours quelque chose qui se définit en contexte, en fonction de besoins particuliers et locaux, même si un cadre général englobe mes missions (qui sont d’ailleurs régulièrement outrepassées…). Il y a donc une forme de collaboration qui se crée à chaque fois… ce qui me fait réfléchir à la notion de « conseiller-ère pédagogique ». Cette expression sonne un peu trop parfois comme « hepdesk » ou fait référence à une personne qui réagirait uniquement à la demande. Je commence à préférer de plus en plus la notion de « collaborateur-trice pédagogique » qui me semble renfermer davantage des idées de proactivité, de développement de projet, d’accompagnement, etc.

En définitive, je retiens plusieurs choses de ces réflexions et j’ai commencé à les mettre en œuvre:

  • Quand un assistant-e me contacte pour un conseil, je vérifie que l’enseignant-e responsable du cours est au courant. Si ce n’est pas le cas, j’encourage l’assistant-e à en faire part à l’enseignant-e et le cas échéant, à ce qu’ils/elles viennent ensemble à une première rencontre. Si c’est un-e enseignant-e qui me contacte, je lui demande si l’assistant-e du cours pourrait bénéficier de la discussion. J’essaie donc de les encourager à travailler ensemble.
  • Dans tous les cas, si je rencontre une personne à propos d’un enseignement auquel d’autres personnes sont liées, j’encourage les discussions en groupe. De ces discussions, il est plus facile de définir des questions, des idées, voire un projet communs qui font sens pour eux/elles. Je définis aussi le plus possible mon rôle comme un rôle de collaboration ponctuelle pour aider à développer un enseignement plutôt que comme un rôle de conseil qui répondrait simplement à des questions posées.
  • Pour les cas de conseil ou d’accompagnement qui me posent ce genre de questions, j’en parle systématiquement à mes collègues pour obtenir leurs avis sur la situation. Les discussions que nous avons alors m’aident à clarifier l’intervention et à définir des stratégies de collaboration adaptées.
Frenay, M., Saroyan, A., Taylor, K. L., Bédard, D., Clement, M., Rege Colet, N., Paul, J.-J., et al. (2010). Accompagner le développement pédagogique des enseignants universitaires à l’aide d’un cadre conceptuel original. Revue française de pédagogie, 172(juillet-août-septembre 2010), 63-76.
Langevin, L. (2009). Accompagnement pédagogique: une expertise à développer. In D. Bédard & J.-P. Béchard (Eds.), Innover dans l’enseignement supérieur (pp. 139-150). Paris: PUF.

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Récemment, deux articles parus dans la presse en Suisse remettent en cause le processus de Bologne avec divers arguments. Le premier, signé par Maurice Baumann, professeur à l’Université de Berne, est intitulé « Bologne: quel gâchis! » (PDF – 616Ko) et est paru dans L’Express. Le second s’intitule « Bologne: un rêve brisé? » et est paru dans LausanneCités. Même si le titre de ce dernier finit par un point d’interrogation, son contenu, comme celui du premier, se centre sur la remise en question du système en pointant plusieurs de ses dérives pressenties.

J’ai déjà parlé à plusieurs reprises du processus de Bologne, ses intentions et son avenir. Je ne vais pas revenir sur cela ici. J’aimerais juste lister les arguments présentés dans les deux articles cités et essayer d’y apporter quelques réponses à discuter.

Maurice Baumann fait essentiellement trois reproches au système Bologne:

  1. « Bologne est un système d’étude à plein temps et présuppose un système de bourses efficace. Or celui-ci étant nettement insuffisant, il se trouve que plus de 60% des étudiants doivent travailler pour payer leurs études. […] Bologne représente un système réactionnaire en ce qui concerne la démocratisation des études. » Ces affirmations me semblent un peu curieuses. Tout d’abord parce les étudiant-e-s n’ont pas attendu Bologne pour travailler. En Suisse, c’est effectivement très répandu et surtout dans les disciplines de sciences humaines où les étudiant-e-s ont des horaires hebdomadaires plus souples qu’en sciences exactes (voir les résultats de l’enquête auprès des étudiant-e-s de l’UNIL réalisée par le Service d’Orientation et Conseil, PDF – 17,3Mo). Mais d’un autre côté, les coûts d’inscription sont très faibles par rapport à d’autres pays. Ensuite, la démocratisation des études n’est peut-être pas optimale mais elle n’a jamais été aussi large. Les universités et les hautes écoles suisses n’ont jamais accueilli autant d’étudiant-e-s… Et enfin, parmi tou-te-s ces étudiant-e-s, une très grande part fait un séjour à l’étranger grâce à Bologne: à Lausanne, plus de la moitié des diplômé-e-s de Master ont effectué un séjour à l’étranger durant leurs études. Il me semble donc que l’auteur attribue à la réforme Bologne les problèmes de démocratisation et de bourses qui sont récurrents en Suisse alors que c’est un problème de la Suisse elle-même…
  2. « Bologne est un système d’étude supprimant la liberté académique« . Ici, l’auteur considère que le système d’évaluation « imposé » par Bologne encourage les étudiant-e-s à répéter ce qu’on leur a dit au cours sans faire preuve d’esprit critique. Pour rappel, j’aimerais redire que Bologne n’impose aucun système d’évaluation particulier. C’est aux différents pays et instances académiques à réfléchir à cette question. Pour sa part, la Conférence des Recteurs des Universités Suisses (CRUS) recommande, sans l’imposer, de recourir davantage à des examens par modules (PDF – 107Ko, p. 7), c’est-à-dire à des épreuves portant sur les compétences à maîtriser dans plusieurs cours afin d’encourager les étudiant-e-s à faire des liens entre les matières et à rendre le temps consacré aux évaluations moins important et donc moins stressant. J’ai donc du mal à comprendre en quoi Bologne serait une menace pour la pensée critique et la liberté académique. Par contre, cela nous indique qu’il y a du travail à accomplir pour développer de nouvelles formes d’évaluation à l’université.
  3. « Bologne est un système d’étude confondant la mémorisation des savoirs avec la pensée vive« . Je dirais plutôt: au contraire! Un système qui encourage la mobilité et la rencontre d’autres systèmes d’enseignement et d’autres façons d’aborder les contenus d’enseignement serait plutôt bénéfique pour développer la pensée vive. Seulement, un problème qui se pose est que dans certaines sections d’enseignement, la même organisation des études perdure depuis toujours sans adaptation au contexte. Actuellement, la massification de l’enseignement supérieur et l’accès aux études de publics de plus en plus différents requièrent de nouvelles formes d’organisation et de gestion. Cela requiert aussi certaines adaptations pédagogiques, notamment pour la gestion des grands groupes mais aussi pour les évaluations qui devraient devenir plus souples et davantage centrées sur les apprentissages visés au départ.

Les deux articles de LausanneCités vont dans le même sens mais prennent soin de donner la parole à des personnes qui pilotent la réforme à l’Université de Lausanne. Celles-ci reconnaissent que la réforme a des effets structurants qui passent parfois mal dans certaines facultés. Par exemple, le fait de déterminer des objectifs d’apprentissage ou un cadre national de qualification est vu par certain-e-s étudiant-e-s comme une atteinte à la liberté de composer leur programme de formation comme ils/elles l’entendent et par certain-e-s enseignant-e-s comme une immixtion dans le contenu de leurs cours. Le problème est que cet ancien système rend très difficile la comparaison entre les programmes de différentes universités et pose de vraies questions d’employabilité une fois les études finies.

Ceci dit, ces questions qui se posent sur la réforme Bologne sont assez localisées dans un pays dont la population se méfie de l’Europe en général… Il suffit de lire les journaux belges par exemple pour voir que la réforme est considérée ailleurs comme une bonne opportunité pour améliorer la qualité des études universitaires, et cela, que ce soit du point de vue des étudiant-e-s ou de celui des enseignant-e-s et des autorités académiques. A mon avis, un article comme celui publié cette semaine par La Libre Belgique et intitulé Des études universitaires calibrées pour l’emploi passerait très mal en Suisse 🙂

Finalement, en tant que conseiller-ère pédagogique, nous avons probablement un rôle important à jouer par rapport aux changements qu’a apportés la réforme Bologne. Il s’agit surtout à mon avis d’un rôle de communication et d’explicitation des enjeux, mais aussi de démystification: le gâchis qu’on attribue parfois à Bologne est plutôt à chercher du côté de la façon dont cette réforme est mise en œuvre localement (trop d’examens, peu de cohérence au sein de certains programmes, etc.). Il s’agit aussi d’un rôle d’accompagnement, par exemple pour la mise en œuvre de nouveaux programmes, la réflexion sur leurs objectifs et leur cohérence, la compréhension du système ECTS, la mise en place du cadre national de qualification, etc.

Baumann, M. (janvier 2011). Bologne: quel gâchis! L’Express, Neuchâtel.

Kottelat, P. (février 2011). Bologne: un rêve brisé? LausanneCités, Lausanne.

Kottelat, P. (février 2011). Le système de Bologne en question à l’UNIL. LausanneCités, Lausanne.

Des études universitaires calibrées pour l’emploi. La Libre Belgique, 23/02/2011.

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Le RCFE est le réseau romand de conseil, formation et évaluation. Il rassemble les universités romandes et a pour mission principale de mutualiser les offres de formation pédagogique offertes par ces institutions. Concrètement, chaque université met à disposition du réseau environ trois formations d’une journée par semestre que les enseignant-e-s de chaque institution peuvent suivre. Le programme compte donc une quinzaine de journées de formation par semestre mais est un peu hétéroclite. Les thèmes abordés ne forment pas nécessairement un tout cohérent. C’est pourquoi, lors de notre réunion annuelle qui s’est tenue en juin, nous avons travaillé sur un cadre de référence commun qui a pris la forme d’une liste de compétences générales que nous visons à développer chez les enseignant-e-s universitaires et auxquelles se référeront nos formations à l’avenir. Sans vouloir développer à proprement parler un « référentiel de compétences », l’idée était surtout d’apporter davantage de cohérence à notre programme.

Nous avons d’abord consulté plusieurs référentiels existant que j’ai rassemblés à cette adresse. Le référentiel des universités anglaises a particulièrement attiré notre attention pour son côté structuré et pratique. Nous avons ensuite travaillé en sous-groupes et nous nous sommes retrouvés Bernadette Charlier, Jean-Louis Ricci et moi-même à lister 10 compétences représentatives des enseignant-e-s à l’université. Cet exercice en petit groupe m’a vraiment été utile pour mieux situer mes actions de conseiller pédagogique par rapport à l’apprentissage de l’enseignement à l’université.

Voici ces 10 compétences avec une brève description et un exemple de formation issu du programme RCFE. Elles ont ensuite été discutées avec l’ensemble du groupe pour trouver un cadre commun.

  1. Concevoir et planifier. Il s’agit ici de préparer et organiser des activités d’apprentissage pour les étudiant-e-s. Cela va de choisir les contenus à enseigner à articuler les objectifs de son enseignement avec le programme dans lequel il s’insère en passant par rédiger un syllabus ou un polycopié. Exemples de formations: « Diversifier ses stratégies pédagogiques », « Planifier et organiser son enseignement ».
  2. Donner cours en classe. On parle ici des compétences de présentation orale mais aussi d’animation de groupe et de motivation des étudiant-e-s. Exemple de formation: « Améliorer son expressivité et sa voix ».
  3. Reconnaître et susciter les apprentissages dans l’interaction. Il s’agit de guider ou d’accompagner les étudiant-e-s (individuellement ou en groupe) dans leur processus d’apprentissage en évaluant leurs performances et en leur fournissant du feedback au moment de l’interaction en classe. Exemple de formation: « Effective lecturing ».
  4. Gérer et accompagner les apprentissages. Cette compétence concerne la gestion des activités d’apprentissage et l’encadrement des étudiant-e-s tout au long du cours. Exemple de formation: « Encadrement des mémoires de master ».
  5. Concevoir et mener un dispositif d’évaluation des apprentissages. Ceci concerne la préparation et la mise en œuvre de stratégies d’évaluation valides et fiables. Exemples de formation: « Examen oral », « Trucs et combines sur les examens écrits ».
  6. Innover et expérimenter dans son enseignement. Il s’agit ici d’expérimenter, d’oser lancer de nouvelles activités avec les étudiant-e-s, que ce soit avec des technologies ou sans. Exemple de formation: « Diversifier ses stratégies pédagogiques ».
  7. Soutenir son enseignement avec des ressources. Les ressources pour l’enseignement peuvent être très variées. Cela va de la rédaction d’un polycopié aux usages de technologies multimédias en passant par l’utilisation de documentation de toute sorte. Exemples de formation: « Textes/ressources documentaires pour l’apprentissage », « Ce que Moodle peut apporter à mon enseignement ».
  8. Évaluer son enseignement, en faire un objet de réflexion et de communication. Il s’agit ici de prendre du temps pour analyser les forces et faiblesses de son enseignement pour développer sa pratique, la décrire et la transmettre. Exemple de formation: « Moi j’enseigne mais eux/elles apprennent-ils/elles? ».
  9. Intégrer son enseignement dans le cadre, les ressources et les valeurs institutionnelles et professionnelles. L’enseignement se déroule toujours dans un cadre pédagogique et institutionnel donné même si on l’oublie parfois un peu à l’université. Il s’agit de lier son cours avec un programme et être au courant des orientations pédagogiques de son institution. Exemple de formation: « Comprendre et agir dans le processus de Bologne ».
  10. Faire équipe avec ses assistant-e-s, collègues, etc. Contribuer à des projets d’enseignement. L’enseignant-e universitaire n’est pas nécessairement seul-e. Constituer une équipe pédagogique avec ses assistant-e-s et collègues peut être utile pour concevoir des programmes cohérents ou mener des projets pédagogiques dans un module de formation par exemple. Exemple de formation: « Mes assistant-e-s et moi. Quelle équipe pédagogique? ».

La raison d’être de cette liste est donc de constituer un cadre général qui donne une cohérence à un ensemble de formations provenant de différentes institutions. La discussion va continuer pour préciser davantage la description de ces compétences ainsi que les liens existant entre elles.

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Si de plus en plus de recteur-trice-s, doyen-ne-s et enseignant-e-s universitaires s’accordent à penser que la mission d’enseignement devrait être valorisée à l’université, il faut bien admettre que les moyens mis en œuvre pour y arriver sont très variés. Citons parmi ceux-ci la formation pédagogique (longue ou courte et portant sur différents aspects du métier d’enseignant-e universitaire), le soutien financier et logistique à des projets pédagogiques, l’organisation de rencontres courtes sur différents sujets (type ateliers sur la pause de midi), ou encore la mise en place d’un prix du/de la meilleur-e enseignant-e.

M. RomainvilleDans une conférence intitulée « Pourquoi concourir à un prix de l’innovation pédagogique? » donnée à Liège en 2006, Marc Romainville avait bien résumé les enjeux d’un tel prix. Les dias de cette conférence sont accessibles à cette adresse et la présentation en vidéo à cette adresse (attention, en cliquant sur ce lien, le site vous propose de télécharger plusieurs fichiers, ce sont les dias des conférenciers; annulez simplement leur téléchargement). Un des constats de base est que les étudiant-e-s qui entrent à l’université aujourd’hui sont très différent-e-s d’il y a vingt ou trente ans. La massification de l’enseignement supérieur a profondément modifié le contexte d’apprentissage des étudiant-e-s à l’université. Pour Romainville, ceci devrait amener les universités à s’interroger sur leurs méthodes pédagogiques: les cours ex-cathedra, très efficaces pour les étudiant-e-s issu-e-s de l' »élite » intellectuelle des années 60 sont-ils encore aussi efficaces pour les étudiant-e-s d’aujourd’hui issu-e-s de milieux sociaux et culturels beaucoup plus variés? comment répondre mieux aux demandes de l’économie actuelle de former des universitaires « compétent-e-s » et « employables »? comment prendre en compte les caractéristiques des étudiant-e-s actuel-le-s qui ont un rapport aux études et des compétences méthodologiques différentes d’avant? comment lutter contre l’échec massif dans les études supérieures? Ces questions justifient l’innovation pédagogique dans l’enseignement supérieur. Or l’enseignement étant traditionnellement peu valorisé à l’université par rapport à la recherche, les autorités académiques ont élaboré plusieurs moyens pour encourager les enseignant-e-s à s’interroger sur leurs méthodes pédagogiques et à en développer de nouvelles, parmi lesquels la mise en place de prix de l’enseignement ou de l’innovation pédagogique. Ces prix participeraient au développement d’une culture de la valorisation et de la qualité de l’enseignement.

Dans beaucoup d’universités, de tels prix sont organisés. Par exemple, la Colorado State University organise chaque année, grâce à l’association des ancien-ne-s, un Best Teacher Award. Les meilleur-e-s enseignant-e-s de l’année sont élu-e-s en avril par les étudiant-e-s et les ancien-ne-s étudiant-e-s. Un autre exemple est celui de l’Université Laval à Québec qui organise annuellement un prix d’excellence en enseignement. En Suisse, une grande banque finance un Award of Best Teaching. Le processus de sélection des lauréat-e-s est effectué par les universités (la mienne n’y participe pas).

Dans l’université où je travaille, de tels prix n’existent pas (et n’existeront pas dans un avenir proche). Personnellement, je vois trois problèmes à ce type d’initiative. Bien que j’adhère à l’argumentation de Marc Romainville, je m’interroge sur cette « solution », même si ce n’en est qu’une parmi d’autres:

  1. Si l’objectif annoncé (comme c’est le cas dans mon université) est de développer à l’intérieur d’une université une culture globale de développement de la qualité et de valorisation de l’enseignement, je me demande si les prix d’excellence touchent vraiment tout le monde et si tout le monde s’y intéresse. Vu la procédure à suivre par exemple à l’Université Laval, que se passerait-il si aucun-e enseignant-e ne soumettait sa candidature? Le message à comprendre par les autorités serait simplement que personne ne s’y intéresse… Que faire dans ce cas? Ou, autre exemple, si le prix était attribué (comme c’est proposé par certaines facultés de mon université) aux enseignant-e-s qui obtiennent les meilleures évaluations de leur cours par les étudiant-e-s, que se passerait-il si tou-te-s les enseignant-e-s obtenaient des moyennes inférieures à 50%? Faudrait-il se résoudre à décerner un prix d’excellence au moins mauvais ou à la moins mauvaise des enseignant-e-s? Bref, le rapport entre l’objectif et la solution ne me paraît pas très évident.
  2. Le processus d’évaluation pour choisir le/la meilleur-e enseignant-e (d’ailleurs est-ce l’enseignant-e ou son enseignement qui est visé?) ainsi que les critères d’évaluation me paraissent dans la plupart des cas assez opaques. Ou en tout cas, il ne me semble pas que ça soit publié sur les sites des universités. Bien sûr, comme le dit Marc Romainville, trouver les critères pertinents d’un bon enseignement (ou enseignant-e?) est très difficile. Il en existe, mais peu de débat a lieu à leur sujet, alors que pour la qualité de la recherche, un certain consensus s’est dégagé pour chaque discipline. Si les critères ne sont pas connus ni débattus par les enseignant-e-s, comment pourraient-ils/elles savoir dans quelle direction diriger les innovations qu’ils/elles envisagent dans leur enseignement?
  3. Où se trouve la notion « d’apprentissage », ou de « développement professionnel » des enseignant-e-s? Est-ce qu’un prix pousse le plus grand nombre (pas juste quelques-un-e-s) à réfléchir à leurs pratiques, à chercher à améliorer leurs enseignements, à s’interroger sur l’apprentissage des étudiant-e-s? Encore une fois, je n’en ai pas l’impression.

D’autres initiatives me paraissent davantage porteuses pour développer une culture globale d’innovation et de qualité pédagogique dans les universités. Par exemple:

  • la mise en place de « portfolios d’enseignement » (ou teaching portfolios) qui visent le développement professionnel des enseignant-e-s. A l’Université catholique de Louvain, le « dossier de valorisation pédagogique » existe depuis 2000 et à l’Université de Lausanne, les rapports d’auto-évaluation des enseignant-e-s comportent un volet « enseignement » (PDF, 76 Ko) aussi conséquent que le volet « recherche ».
  • un accompagnement particulier pour les nouveaux/nouvelles enseignant-e-s, comme par exemple à la University of British Columbia. Des activités spécifiques sont organisées et peuvent être valorisées dans le portfolio personnel.
  • enfin, un système que je connais beaucoup moins et qui semble exister outre-Atlantique, c’est le peer evaluation of teaching. Un dossier y est consacré à l’Office of Faculty Development de la Western Michigan University. Plusieurs modalités pratiques sont possibles mais le principe est de collaborer entre plusieurs collègues pour évaluer les enseignements de chacun-e, par exemple sur base d’observations en classe ou d’échange de portfolios d’enseignement. Le but est de faire de la pédagogie un sujet de discussion entre enseignant-e-s universitaires et de collaborer pour se développer professionnellement.

J’en termine ici pour cet article mais je me rends bien compte que le sujet (et le débat!) est loin d’être définitivement circonscrit. En l’absence d’études sur l’impact de la mise en place de prix d’enseignement sur la qualité globale de la pédagogie à l’université, il me semble qu’il est surtout important de se poser la question du but recherché. Pour valoriser la pédagogie à l’université et promouvoir une culture de la qualité de l’enseignement, il me semble simplement que d’autres moyens sont plus efficaces à long terme.

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De temps à autres, lors des formations que nous offrons, lorsque nous argumentons en faveur d’une méthode pédagogique particulière ou à propos de telle ou telle façon de considérer l’enseignement ou l’apprentissage, et que pour ce faire nous avons recours à des résultats de recherche en sciences de l’éducation, nous entendons parfois ce type de réflexion: « ah oui, mais moi j’y crois pas« . En général, les personnes qui nous répondent cela ont des représentations de leur rôle d’enseignant-e assez fortes et, pour une raison ou une autre, n’ont pas vraiment envie de faire évoluer leur façon de considérer l’enseignement et l’apprentissage. Je dirais que c’est bien sûr leur droit le plus strict. Mais ceci ne me met pas toujours à l’aise.

Cela m’est arrivé récemment dans deux situations où je discutais avec des assistant-e-s:

  • J’expliquais que les recherches à propos du conflit sociocognitif tendaient à montrer que lorsqu’un débat d’idées « dérapait » sur des arguments qui mettaient en cause les compétences des participant-e-s à la discussion (« mais non, tu n’y es pas du tout, tes arguments ne valent rien… » ou « ce que tu dis n’as vraiment pas de sens!« ), il y avait peu de chances pour que ceux/celles-ci décentrent leur point de vue, acceptent de considérer le point de vue de l’autre, et finalement fassent évoluer leur propre point de vue et apprennent. En tant qu’enseignant-e, il est donc important de centrer les débats autour des idées et de ne pas laisser les étudiant-e-s argumenter en dénigrant les compétences des autres. Il m’a été répondu: « ah oui, mais moi je crois pas à ça, il faut justement que les étudiants argumentent le plus possible pour faire valoir leur point de vue« .
  • J’argumentais en faveur des grilles d’évaluation critériées en expliquant que la recherche avait mis en évidence qu’avec ce type d’outils, l’évaluation des apprentissages était plus objective et plus juste. On m’a répondu: « alors ça, je n’y crois pas du tout!« .

Que répondre à cela? Ce sont des arguments scientifiques contre des représentations/croyances personnelles fortes. Il est donc difficile d’avoir un débat serein… Ce que je fais, c’est que je ne vais simplement pas plus loin dans la discussion.

Imaginons à présent ces deux situations fictives (et absurdes):

  • Je me sens malade, j’ai mal au ventre et à la tête. Je me rends chez un médecin à qui j’explique ces symptômes. Il me dit alors: « Relevez votre manche, je vais vous faire une saignée« . Je réponds: « Euh… vous êtes sûr? Il me semblait qu’il fallait d’abord prendre la tension et ausculter… La recherche a montré que la saignée n’était pas très efficace…« . J’obtiens pour réponse: « Ah oui, mais moi j’y crois pas du tout! Une bonne saignée, rien de tel!« .
  • Mes enfants vont à l’école et lors de la première réunion de parents, les enseignantes expliquent qu’elles ont dans leur classe de grandes règles en bois avec lesquelles elles frappent les doigts des enfants quand ils ne connaissent pas bien leurs leçons. J’ai beau expliquer que la recherche en pédagogie avait montré depuis longtemps que l’efficacité de ces méthodes était très aléatoire, on me répond systématiquement: « ah oui, mais ici, on n’y croit pas« .

Que faire? En ce début de troisième millénaire, rares sont les professions qui ne se basent pas sur un corpus de recherches scientifiques. On pense bien sûr à la médecine, à l’ingénierie civile, aux biotechnologies, à la pharmacie, à la psychologie, à l’économie, etc. Pourquoi pas à l’enseignement (à l’université)? Est-ce un métier qui ne se base que sur l’intuition et sur « ce qui se fait d’habitude »? Une des compétences professionnelles les plus importantes, et souvent citées lors de la conception de programmes de formation dans toutes les disciplines, est la capacité à s’approprier et à mettre en œuvre les résultats de la recherche dans le domaine. Pourquoi serait-ce différent pour le métier d’enseignant-e?

Selon un article récent de Scott Webster (2009), c’est effectivement un peu différent pour ce métier. En effet, selon lui, le courant de pensée que les anglo-saxon-ne-s appellent le « evidence-based teaching« , bien que basé sur les résultats de recherches en sciences de l’éducation, est un courant qui a souvent un discours non pas scientifique mais plutôt managérial et politique. Il s’agit en fait d’un discours assez normatif dans un domaine qui ne l’est par définition pas, et dont la plupart des enseignant-e-s se méfient. On peut comprendre qu’un discours normatif et standardisé soit important en médecine ou en ingénierie pour s’assurer que les praticien-ne-s appliquent les dernières découvertes scientifiques. Mais en éducation, ça paraît en fait plutôt utopique… Webster propose plutôt aux enseignant-e-s non pas « d’appliquer » les résultats de la recherche (ce qui aurait relativement peu de sens dans la mesure où les résultats des recherches en pédagogie ont une généralisabilité souvent limitée) mais plutôt d’adopter une « attitude scientifique » que ce soit face à la recherche ou par rapport à leur pratique quotidienne. Comment? D’abord en faisant connaître des résultats de recherche variés et en invitant les enseignant-e-s à réfléchir à l’opportunité de les mettre en oeuvre dans leur classe en fonction des besoins de leurs étudiant-e-s. Ensuite en réfléchissant régulièrement à leurs propres pratiques d’enseignement et en les analysant.

Dans l’avenir, en fonction des circonstances, je crois que je vais aborder la question avec humour, en racontant des situations fictives et absurdes et en essayant d’amener les participant-e-s à nos formations à s’interroger sur les apports possibles de la recherche pour le développement de pratiques pédagogiques. Je ne pense pas qu’il faille affronter de front les représentations personnelles (qui sont parfois fondées sur une réelle réflexion personnelle), mais plutôt inviter à réfléchir, questionner et donner des outils pour développer les pratiques.

Scott Webster, R. (2009). How evidence-based teaching practices are challenged by a Deweyan approach to education. Asia-Pacific Journal of Teacher Education, 37(2), 215.

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En juillet 2007, sous le titre « La pédagogie universitaire reste à rénover« , Gilles Pinte signait une carte blanche dans Le Monde où il soulignait les changements actuels que vivent les universités et en particulier leurs publics. La massification actuelle des études universitaires semble différente de celle observée dans les années 70. Les étudiant-e-s ne sont plus des « héritier-ère-s » dans le sens de Bourdieu, mais des pionnier-ère-s, dans le sens où ils/elles sont de plus en plus souvent les seul-e-s de leur famille où de leur entourage à tenter l’expérience universitaire. Gilles Pinte analyse ainsi les nouveaux publics d’étudiant-e-s à l’université et fait un constat plutôt défavorable à la pédagogie « traditionnelle »:

[…], beaucoup d’enseignants-chercheurs à l’université estiment que le fait d’enseigner suffit à ce que les étudiants apprennent. Est-ce le cas dans les amphis bondés de première année de droit ou de psychologie ? Il n’y a rien de moins interactif qu’un cours d’amphi. L’enseignement traditionnel basé sur la transmission de savoirs vers des publics homogènes d’étudiants ne va plus de soi lorsque l’hétérogénéité des profils scolaires se retrouve à l’université. Même pour un groupe d’étudiants provenant d’une même filière de baccalauréat, les motivations, les origines sociales et culturelles, les domaines d’intérêt sont très variables.

L’auteur propose finalement de s’interroger sur les méthodes pédagogiques à l’université en suggérant d’introduire le travail par projets ou le monitorat entre étudiant-e-s.

Plus que l’article lui-même, les commentaires postés par les lecteurs sont assez révélateurs de l’état d’esprit assez dubitatif qui règne autour de la pédagogie à l’université. Je reprends ici quelques exemples qui sont emblématiques de la plupart des idées reçues qui circulent à son propos et que j’entends assez souvent:

Au lycée les programmes ont été fortement allégés; dans certains secteurs géographiques les copies du bac sont souvent surnotées. Les gamins arrivent à l’université avec des lacunes, sans savoir s’organiser alors que l’encadrement y étant faible, c’est essentiel.

Opinion assez classique qui consiste à reporter la faute sur l’enseignement qui a précédé l’université. Faut-il encore rappeler que l’enseignement secondaire n’a pas pour but unique de préparer à l’enseignement supérieur? Il s’agit surtout d’une solide formation de base dans de nombreux domaines de connaissances qui privilégie aussi le développement de méthodes d’étude et de travail personnel. Voici par exemple le plan d’étude de l’école de maturité du canton de Vaud (PDF, 497k) (cela correspond plus ou moins au bac français sauf qu’ici, c’est de l’école post-obligatoire). Dire que c’est la faute au prédécesseur est assez facile, cela permet en général de ne pas avoir besoin de faire d’examen de conscience 🙂

A-t-on vraiment besoin, à l’Université, de « pédagogues » pour prendre les étudiants par la main ? Une personne qui connaît son domaine et qui sait répondre aux questions qu’on lui pose suffit pour un public majeur, non ?

Autre opinion très classique, avec celle du « on a toujours fait comme ça » et celle du « moi, je n’ai pas eu besoin de pédagogie pour réussir mon doctorat ». Ma réponse est non bien sûr. On ne peut plus se contenter de juste connaître sa matière, vu l’hétérogénéité actuelle des publics d’étudiant-e-s. Les personnes qui affirment cela ne se rendent en général pas compte qu’elles sont des exceptions: seul-e-s environ 5% des étudiant-e-s d’une classe de 1ère BAC arrivent au doctorat, encore moins deviennent enseignant-e-s à l’université… L’immense majorité des étudiant-e-s que nous avons actuellement en face de nous n’ont pas du tout cette ambition et n’ont pas les facilités d’apprentissage de ces 5%. En plus, les pouvoirs publics qui financent les universités n’ont pas pour but que seul-e-s quelques-un-e-s fassent un doctorat… mais que le plus possible obtiennent un diplôme. Et comme nous sommes tou-te-s d’accord pour dire qu’il ne faut pas baisser le niveau universitaire, je pense que la pédagogie peut être un bon moyen pour y arriver.

Evolution des publics étudiants certes, mais inadaptation voire médiocrité d’un certain nombre d’enseignants(?) chercheurs(?), recrutés trop souvent par népotisme plus que sur leurs compétences et dépourvus parfois des connaissances fondamentales qu’ils sont censés transmettre.

Encore un lieu commun: les profs sont nul-le-s et ne s’occupent que de leurs recherches. Je dirais que c’est possible dans les universités qui ne valorisent pas l’enseignement mais axent leur recrutement uniquement sur les CV de recherche. Il me semble que c’est en train de changer petit à petit. L’évaluation des enseignements, la valorisation des expériences pédagogiques au même (oui oui) titre que l’expérience de recherche pour le recrutement et les nominations des enseignant-e-s, la constitution de fonds pour encourager les innovations pédagogiques, l’organisation de réflexions régulières avec les enseignant-e-s sur des thématiques pédagogiques ou la formation (oui oui) pédagogique sont à mon avis des moyens pour répondre à ces opinions encore très répandues.

Une lecture complémentaire qui éclaire assez bien le changement de public que connaît l’université, c’est l’introduction par Marc Romainville de l’ouvrage collectif « La pratique enseignante en mutation à l’université« .

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Voici un sujet bien délicat… 🙂 L’objet de cet article est simplement de mentionner le petit tableau comparatif cité dans la définition de Professor de l’encyclopédie Wikipedia qui cite un rapport de l’association allemande des professeur-e-s d’université (Deutscher Hochschulverband – DHV). On y apprend par exemple que les salaires des professeur-e-s américain-e-s sont les plus élevés du monde mais que les suisse-sse-s ne sont pas si loin.

En Communauté européenne, étonnamment, le Portugal tient le haut du classement et la Suède plutôt le bas… Le salaire n’accompagne pas non plus nécessairement le prestige de la fonction… regardez les chiffres français…

Mais comme le mentionne justement l’auteur de l’article, ces chiffres sont très difficilement comparables dans la mesure où les missions des professeur-e-s peuvent être très différentes d’un pays à l’autre (ou… d’un canton à l’autre!) et que les prestations sociales et impôts sont aussi très différents d’un pays (ou d’un canton!) à l’autre.

Plus intéressant est de consulter l’article Professur (en allemand). Une large section de cet article est consacrée à l’égalité homme/femme parmi les professeur-e-s d’université… En Suisse, en 2006, 9,2% des Professeurs étaient des Professeures, selon l’article Wikipedia. 14% selon la CRUS (Conférence des Recteurs des Universités Suisses), avec un objectif de 25% en 2012.

Question subsidiaire: y a-t-il égalité dans les salaires des Professeurs et des Professeures? Ca, l’histoire ne le dit pas. Mais je reviendrai sur ce sujet de temps en temps!

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