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Le 8 novembre 2017, le cours « Se former pour enseigner dans le supérieur » débutera sur la plate-forme FUN-MOOC. Il m’a été demandé dans ce cadre d’enregistrer une vidéo, sous la forme d’une interview avec Saïda Mraihi (« Une journée avec… la responsable du service pédagogie numérique d’Arts et Métiers » sur EducPros.fr), à propos des « Techniques de Rétroaction en Classe ». Le présent article reprend par écrit les grandes lignes de cette interview.

Vous avez publié plusieurs articles sur le thème de rendre actif les étudiant·e·s et en particulier les techniques de rétroactions en classe. Pour commencer, est-ce que vous pouvez nous expliquer qu’est-ce que sont les TRC?

Les TRC, ou CATs en anglais (Classroom Assessment Techniques), sont de courtes activités à mener en classe avec les étudiant·e·s (voir quelques ressources et exemples ici). Elles durent entre 5 et 20 minutes pour la plupart. On peut les situer à peu près entre les méthodes d’évaluation formative des apprentissages et les méthodes actives d’enseignement. L’idée principale est qu’en cours d’apprentissage, les étudiant·e·s aient l’opportunité d’obtenir des informations pour savoir dans quelle mesure ils/elles sont en train d’atteindre les objectifs d’apprentissage visés dans un cours et qu’en même temps les enseignant·e·s aient une idée de là où en sont les étudiant·e·s afin, le cas échéant, d’apporter des explications complémentaires.

On peut résumer la philosophie de Thomas Angelo et Patricia Cross, les auteurs du livre qui a popularisé le concept en 1988 (2ème édition en 1993), par la formule « Teaching without learning is just talking« . Pour s’assurer qu’il y ait bien apprentissage chez les étudiant·e·s dans un cours, il faut une certaine interaction avec eux/elles. Car on sait bien que ça ne suffit pas de voir « qu’ils/elles ont l’air d’écouter » ou de leur demander « est-ce que vous avez compris? ».

Les TRC se définissent par sept grandes caractéristiques communes :

  • Centrées sur l’apprenant·e : le but premier est de conduire les apprenant·e·s vers une amélioration de leur apprentissage et de leurs stratégies d’apprentissage;
  • Conduites par l’enseignant·e : c’est l’enseignant·e, en toute autonomie, qui organise la mise en œuvre de TRC dans sa classe;
  • Soutenant un bénéfice mutuel : utile autant pour l’étudiant·e pour améliorer ses stratégies d’apprentissage que pour l’enseignant·e pour améliorer ses stratégies d’enseignement;
  • Formatives : il n’y a pas de note associée à ces activités. La plupart du temps, les TRC sont anonymes, le but étant éventuellement de préparer au mieux les étudiant·e·s à une épreuve notée;
  • Spécifiques au contexte : le choix d’une TRC dépend de l’enseignant·e, des besoins des étudiant·e·s, des objectifs de l’enseignement, du matériel ou de l’espace à disposition, etc.;
  • Basées sur un processus permanent d’aller et retour entre l’enseignant·e et les étudiant·e·s pour développer l’apprentissage et l’enseignement;
  • Ancrées dans une pratique enseignante cohérente et planifiée sur un certain nombre de séances de cours.

Ceci dit, il y a une grande variété de TRC (50 dans le livre d’Angelo & Cross) et une multitude de variantes possibles que chaque enseignant·e peut adapter à son contexte et à ses étudiant·e·s. Elles peuvent être des activités écrites ou orales, individuelles ou collectives, avec un grand ou un petit groupe, basées sur une auto-évaluation ou une évaluation entre pairs, et certaines peuvent combiner ces différentes options.

Quels peuvent être les intérêts à les utiliser pour les enseignant·e·s et pour les étudiant·e·s ?

Le plus souvent, ce qui est mis en avant, c’est un bénéfice mutuel. Avec les TRC, les enseignant·e·s d’une part, connaissent mieux les besoins des étudiant·e·s et développent leurs enseignements et les étudiant·e·s d’autre part, peuvent voir où ils/elles en sont par rapport à l’atteinte des objectifs et apprennent à mieux se connaître en tant qu’apprenant·e.

Plus largement, les TRC sont en fait basées sur sept présupposés issus de la recherche dans le domaine de la pédagogie:

  1. La qualité de l’apprentissage des étudiant·e·s dépend en grande partie de la qualité de l’enseignement;
  2. Pour accroître leur efficacité, les enseignant·e·s devraient définir des objectifs pédagogiques puis fournir du feedback aux étudiant·e·s à propos de la façon dont ils/elles sont en train de les atteindre;
  3. Pour améliorer leur apprentissage, les étudiant·e·s ont besoin de recevoir un feedback approprié, rapide et régulier mais ils/elles doivent aussi apprendre à évaluer eux/elles-mêmes leur propre apprentissage;
  4. Le type d’évaluation des enseignements qui permet le plus d’améliorer l’enseignement est celui qui correspond aux problèmes et aux questions que l’enseignant·e se posent à lui/elle-même, ce qui veut simplement dire que le mieux est que l’enseignant·e puisse interagir directement avec les étudiant·e·s à ce sujet;
  5. Le défi intellectuel et systématique constitue un moteur important de motivation, de développement et d’innovation chez les étudiant·e·s, et l’évaluation formative en classe peut y contribuer;
  6. Les TRC ne demandent pas une formation particulière et elles peuvent être mises en place en classe par des enseignant·e·s de toutes les disciplines;
  7. En collaborant avec des collègues et en impliquant activement les étudiant·e·s dans les TRC, les enseignant·e·s peuvent développer leurs compétences et leur satisfaction à enseigner.

Ce qui est un peu paradoxal, c’est que, si les TRC ont été au départ imaginées et développées sur base de recherches en pédagogie, elles n’ont fait que relativement peu l’objet d’études une fois le livre publié en 1988… Ceci dit, comme je le mentionnais juste avant, les TRC relèvent à la fois des méthodes actives et de l’évaluation formative en classe. Sur ces deux thèmes, il existe par contre beaucoup de recherches. Par exemple, Coe et al. (2014) ont mis en évidence six éléments importants d’une bonne évaluation formative:

  1. L’objectif est clairement et explicitement centré sur l’apprentissage des étudiant·e·s (pas sur les notes);
  2. Le feedback est lié à des objectifs des étudiant·e·s qui sont clairs, spécifiques et qui représentent un défi particulier ; le rôle explicite de l’enseignant·e est de les amener à atteindre ces objectifs;
  3. L’attention est portée sur l’apprentissage et pas sur la personne de l’étudiant·e ou sur la comparaison entre eux/elles;
  4. Les enseignant·e·s sont encouragé·e·s à être aussi en continu des apprenant·e·s ;
  5. Le feedback est délivré par un·e « mentor » (enseignant·e, pair ou expert·e) dans un environnement positif basé sur la confiance ; ceci renvoie à la notion d’ »amitié critique »;
  6. Un environnement de support à l’apprentissage est promu par la direction (du programme ou de l’institution).

Quand l’enseignant·e peut-il/elle utiliser les TRC et pour quoi faire?

La première question à se poser est vraiment de savoir pourquoi on veut mettre en œuvre des TRC dans sa classe. Dans son étude, Steadman (1998) en liste cinq principales:

  • Obtenir un feedback à propos de la satisfaction des étudiant·e·s et de leur perception de l’efficacité des activités pédagogiques organisées en classe;
  • Améliorer son enseignement;
  • Monitorer l’apprentissage des étudiant·e·s;
  • Améliorer les résultats d’apprentissage des étudiant·e·s (mémorisation par exemple, ou stratégies d’apprentissage);
  • Améliorer la communication et la collaboration entre étudiant·e·s

Un conseil souvent donné est de clarifier son ou ses objectifs personnels et de les expliciter aux étudiant·e·s dès la première séance de cours (et de le rappeler régulièrement).

Du point de vue des enseignant·e·s, les avantages des TRC mentionnées par Steadman sont:

  1. Donner le sentiment aux étudiant·e·s de pouvoir s’exprimer en classe à propos de leur compréhension et de leur satisfaction, ce qui rend l’ambiance de classe plus agréable;
  2. S’engager dans un processus continu de réflexion à propos de leur enseignement;
  3. Voir à quel point les étudiant·e·s peuvent s’impliquer dans leur apprentissage;
  4. Rejoindre une communauté d’enseignant·e·s impliqué·e·s dans leur enseignement.

Il y a aussi des désavantages potentiels : le manque de temps et la gestion des feedback négatifs sur l’enseignement.

Une fois ces objectifs définis, les TRC peuvent être utilisées quand on veut au cours d’un enseignement. Par exemple :

  • Au début d’un cours avec une activité de collecte des connaissances ou des conceptions préalables des étudiant·e·s;
  • Pendant le cours avec une activité de compréhension ou d’application comme un tableau logique ou l’exercice de résumer en une seule phrase un élément du cours;
  • A la fin d’un cours avec le Minute paper (« Écrivez en 3-5 lignes les éléments les plus importants que vous avez retenus du cours.« ) ou l’invention par les étudiant·e·s de questions qui pourraient constituer des questions d’examen.

Quelles sont les clés de participation des étudiant·e·s en classe ?

Les étudiant·e·s de l’enseignement supérieur sont de jeunes adultes. Ils/elles ne croient pas tout sur parole. Ils/elles ont besoin de pouvoir se projeter dans les enseignements qu’on leur propose, donc d’y retrouver un écho à leurs objectifs personnels. Ils/elles ont besoin de savoir ce qu’on attend d’eux/elles et de savoir où ils/elles en sont par rapport à ce que l’enseignant·e attend d’eux/elles. Ils/elles ont besoin de développer leur autonomie mais en même temps de conseils pour la développer et pour développer leurs stratégies d’apprentissage en autonomie. Ils/elles sont aussi friands de développer des compétences variées autres que liées directement aux contenus enseignés: expression orale, écriture, collaboration, réflexion personnelle, analyse critique, argumentation, etc. Ils/elles ont aussi plus globalement besoin de développer leur sentiment d’affiliation au programme dans lequel ils/elles sont inscrits et à l’institution.

Steadman (1998) cite plusieurs avantages des TRC du point de vue des étudiant·e·s:

  • Sentiment d’avoir un certain contrôle sur ce qui se passe en classe et sur la prise de parole en classe, le sentiment de ne pas subir le rythme du cours et la transmission de connaissances. Ce sentiment de contrôle est directement lié à la motivation.
  • Sentiment d’être davantage impliqué·e·s dans leur propre processus d’apprentissage.
  • Sentiment de mieux profiter d’un cours amélioré et innovant, sentiment que le cours est plus efficace pour leur apprentissage.
  • Meilleure métacognition et meilleure conduite de leur propre apprentissage.

Il y a aussi des désavantages : l’impression que, s’il y a trop d’exercices, la classe est « lente » et que les TRC prennent trop de temps. Certain·e·s trouvent cela inutile car il n’y a pas de note à la clé. Certain·e·s préféreraient aussi rester passif/ve·s au fond de la classe: leur conception de l’apprentissage est plutôt passive et réceptive. Mais ces conceptions de l’apprentissage peuvent évoluer tout au long d’un enseignement…

Si un·e enseignant·e veut se lancer dans l’intégration des TRC dans son cours, qu’est-ce que vous lui conseilleriez?

Ces conseils sont autant issus de ma pratique que des lectures que j’ai pu faire sur le sujet et dont les références sont mentionnées ci-dessous.

  • Expliquer pourquoi on fait ça en classe et que les bénéfices sont mutuels. Pour les étudiant·e·s, cela concerne autant l’apprentissage que les stratégies d’apprentissage;
  • Commencer avec des TRC simples (minute paper, muddiest point…);
  • Ne pas utiliser trop de TRC différentes, c’est important qu’il y ait une certaine forme d’activité régulière avec les étudiant·e·s qui balise les cours;
  • Ne pas utiliser des TRC qui ne correspondent pas à son style ou ses conceptions personnelles de l’enseignement;
  • Préparer soigneusement le timing (prévoir trop de temps, surtout les premières fois…) et répéter. Noter les consignes éventuelles sur une dia, préparer le matériel ou s’assurer que les étudiant·e·s ont le matériel nécessaire (papier, stylo, ordi…). S’assurer que la salle est adaptée.
  • Aller jusqu’au bout : expliquer aux étudiant·e·s ce qu’on a appris soi-même suite à un exercice, ou comment on va faire évoluer son enseignement;
  • Donner la parole aux étudiant·e·s à propos des TRC en classe.

Références

Quelques ressources en ligne (mes bookmarks sur Diigo)

Angelo, T. A., & Cross, K. P. (1993). Classroom assessment techniques: a handbook for college teachers (2nd ed). San Francisco: Jossey-Bass Publishers.

Coe, R., Aloisi, C., Higgins, S., & Major, L. E. (2014). What makes great teaching? Review of the underpinning research. Durham University: Centre for Evaluation & Monitoring. Consulté à l’adresse https://www.suttontrust.com/research-paper/great-teaching/

Steadman, M. (1998). Using Classroom Assessment to Change Both Teaching and Learning. New Directions for Teaching and Learning, 1998(75), 23‑35. https://doi.org/10.1002/tl.7503

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C’est une question assez fréquemment posée de la part des enseignant-e-s à l’université. Quatre éléments m’amènent à aborder le sujet aujourd’hui.

  1. Tout d’abord une anecdote. Une enseignante avec qui j’ai travaillé au début du semestre pour préparer un nouveau séminaire m’a appelé récemment pour me faire part d’un conflit qu’elle rencontrait avec une étudiante. Cette enseignante avait décidé de demander aux étudiant-e-s de réaliser une lecture d’article avec synthèse et commentaire écrits en remplacement des séances auxquelles ils/elles n’avaient pas assisté. C’était une manière pour elle d’une part d’encourager les étudiant-e-s à venir au séminaire régulièrement et d’autre part de s’assurer que chacun-e d’entre eux/elles réalisent tous les apprentissages requis pour valider l’enseignement (il n’y a pas de note chiffrée à l’issue de ce séminaire mais une validation « réussi ou échoué »). Son conflit avec l’étudiante portait justement sur le travail de lecture « en plus » à réaliser par l’étudiante qui trouvait ce traitement injuste. Avec l’enseignante, nous avons surtout discuté de l’argument qui consiste à dire: « Si les étudiant-e-s ne viennent pas en classe et ne réalisent pas les travaux demandés, comment s’assurer qu’ils/elles ont développé les apprentissages visés par le séminaire, et dès lors comment valider pour eux/elles cet enseignement? ». Aux dernières nouvelles, il ne semble pas que l’étudiante ait été pleinement convaincue par cet argument… 🙂
  2. Ensuite un changement de règlement interne à l’Université de Lausanne. Depuis le début de ce semestre, le nouveau règlement général des études (PDF – 176Ko), dans son article 30, stipule que « Le contrôle de la fréquentation d’un enseignement par les étudiants, par exemple par le biais d’une « liste de présence », n’est pas un mode de validation. Ce contrôle n’est en principe pas autorisé« . Ceci a interpelé un certain nombre d’enseignant-e-s qui se demandent dès lors comment procéder pour faire venir les étudiant-e-s en classe. En réalité, la raison d’être de cette règle est d’encourager les enseignant-e-s à davantage tenir compte de critères pédagogiques pour valider un séminaire plutôt qu’en se basant sur le seul critère de la présence physique en classe…
  3. Une particularité culturelle lausannoise. A l’Université de Lausanne, beaucoup d’étudiant-e-s considèrent que la notion de « liberté académique » se définit par le fait de pouvoir organiser ses études en toute liberté, notamment en choisissant ses cours ou en décidant d’assister ou non aux séances. Cette définition très localement ancrée n’existe dans aucune autre université (à ma connaissance) et n’est validée dans aucun document officiel ou règlement interne quelconque. Mais cela reste l’argument principal des étudiant-e-s quand les enseignant-e-s cherchent à leur expliquer qu’il peut s’avérer utile de venir au moins de temps en temps assister aux cours… Donc même si cette définition est un peu « exotique », elle fait partie du contexte lausannois et se retrouve souvent au centre des débats lorsque l’on aborde la question de l’absentéisme des étudiant-e-s en classe.
  4. Enfin, une lecture récente. Celle de l’article de Joyce Barlow et de Stephanie Fleischer « Student absenteeism: whose responsibility? » (2011). Ces deux chercheuses de l’Université de Brighton ont réalisé une revue de littérature et une étude dans leur institution pour comprendre les représentations des enseignant-e-s et des étudiant-e-s à propos de l’absentéisme en classe.

Cette recherche justement essaie de mettre en lumière les « responsabilités » de l’absentéisme des étudiant-e-s. A priori, on pourrait penser que enseignant-e-s et étudiant-e-s se renvoient cette responsabilité. Mais les causes de l’absentéisme sont plus complexes que cela. Cela pose aussi de nombreuses questions: faut-il rendre les cours obligatoires? Faut-il permettre aux étudiant-e-s de suivre les cours en différé grâce à la vidéo? Faut-il leur proposer d’autres travaux complémentaires lorsqu’ils/elles ne sont pas présent-e-s?… La revue de littérature de Barlow et Fleischer apporte plusieurs informations pertinentes pour répondre à ces questions. Tout d’abord, les auteures admettent que la présence au cours n’est pas une garantie que les étudiant-e-s vont apprendre. Néanmoins, dans les recherches consultées, il y a un lien positif entre présence au cours et réussite. Ensuite, l’absence d’un certain nombre d’étudiant-e-s à une séance peut provoquer un sentiment de malaise chez l’enseignant-e mais aussi chez les autres étudiant-e-s, ce qui peut conduire à une dynamique de classe moins favorable à l’apprentissage. Enfin, la mise à disposition de séquences vidéo du cours peut donner un faux sentiment de sécurité aux étudiant-e-s qui n’assistent pas aux séances (ceci peut d’ailleurs être mis en lien avec les recherches sur l’usage des podcasts). Cependant, les recherches ne montrent pas de différence de réussite entre les étudiant-e-s qui assistent au cours et ceux/celles qui se contentent du matériel mis à disposition en ligne.

Au vu de ces constatations, nous serions en droit de nous interroger sur la plus-value des cours à l’université (sans vouloir être inutilement provocant). A quoi peuvent servir les séances en classe s’il est possible d’apprendre tout autant sans y venir et de réussir ses examens?

Barlow et Fleischer mentionnent une notion que je trouve fort intéressante et qui témoigne très bien de la transformation des publics d’étudiant-e-s depuis une quinzaine d’années. Il s’agit de « l’engagement négocié« . Cette notion suggère que la présence et l’implication des étudiant-e-s dans les cours n’est pas (ou n’est plus) un comportement qui va de soi. Actuellement, il y a un besoin de donner davantage de sens à la formation universitaire vis-à-vis de l’utilité des connaissances et compétences qui y sont développées, que ce soit dans une perspective professionnelle ou non.

La recherche menée par les auteures de l’article explore cet engagement négocié grâce à l’analyse des réponses à un questionnaire envoyé aux enseignant-e-s de leur université et à l’interview de 25 étudiant-e-s des deux premières années universitaires à propos de leur présence ou absence aux cours. Plusieurs résultats méritent d’être pointés ici:

  • Dans certaines sections, les cours sont rendus obligatoires (en médecine notamment ou dans les formations à visée professionnalisante) mais le contrôle des présences est quasiment impossible avec de grands groupes. Dès lors, un des enjeux pour les enseignant-e-s est de diminuer le plus possible le sentiment d’anonymat des étudiant-e-s (ceci est un conseil d’ailleurs souvent donné quand on enseigne à de grands groupes) en demandant aux étudiant-e-s de transmettre leur photo d’identité et leurs attentes vis-à-vis du cours en début d’année, en faisant intervenir le plus possible les étudiant-e-s en classe ou en insistant régulièrement sur le lien entre présence au cours et réussite.
  • D’un point de vue pédagogique, il est aussi possible de faire en sorte qu’il soit difficile de réussir l’examen sans être venu au cours, par exemple en basant les questions d’évaluation sur des exercices réalisés en classe, ou des discussions conduites avec les étudiant-e-s, ou des présentations faites par des expert-e-s invité-e-s, etc. Les travaux de groupe semblent être aussi un bon moyen d’impliquer les étudiant-e-s: ils/elles ressentent assez fortement une responsabilité vis-à-vis de leurs collègues pour la réussite du travail collectif.
  • Selon plusieurs enseignant-e-s, il n’est pas bon de rendre la formation universitaire trop « scolaire ». Les étudiant-e-s ont besoin aussi d’apprendre l’autonomie et la responsabilité qui l’accompagne. Mais cet apprentissage constitue un vrai défi pour certain-e-s étudiant-e-s qui doivent apprendre à gérer leurs études mais aussi toute leur vie quotidienne. Sans compter que certain-e-s travaillent parallèlement à leurs études pour les financer. Ceci est une réalité dont les universités devraient peut-être davantage tenir compte.
  • Pour certain-e-s enseignant-e-s, la présence au cours n’est qu’une partie de l’expérience d’apprentissage des étudiant-e-s. Ils/elles cherchent aussi à proposer des travaux individuels ou de groupe intéressants à réaliser en dehors de la classe, ou des formes d’interactions variées, notamment par le biais d’une plate-forme d’enseignement en ligne.

Dès lors, pour répondre à la question « qui est responsable », Barlow et Fleischer citent entre autre certaines politiques institutionnelles qui peuvent être parfois trop laxistes ou trop contraignantes. Quelques règles souples, adaptables selon les types de cours et de contextes, pourraient aider à constituer un cadre général à la présence des étudiant-e-s en classe. L’exemple du nouveau règlement de l’université de Lausanne ne semble donc pas mauvais, même s’il mériterait d’être un peu plus explicite d’un point de vue pédagogique (en proposant des pratiques qui fonctionnent bien par exemple). D’un point de vue institutionnel, l’accompagnement des étudiant-e-s dans leurs premières années universitaires mériterait aussi davantage d’attention. Les auteures citent aussi comme responsables certaines pratiques d’enseignement, notamment celles qui proposent des usages peu réfléchis des technologies (la simple mise à disposition d’enregistrements ou de documents de cours par exemple qui n’apportent pas toujours une réelle plus-value pédagogique). Elles citent finalement les étudiant-e-s eux/elles-mêmes ainsi que leurs familles qui n’anticipent peut-être pas assez les difficultés d’apprentissage de l’indépendance et de l’entrée dans la vie adulte.

En définitive, tout le monde a une part de responsabilité… et les conseiller-ère-s pédagogiques aussi peut-être, même si Barlow et Fleischer n’en parlent pas… Nous pouvons notamment sensibiliser les enseignant-e-s à cette question et aux actions qu’ils/elles peuvent entreprendre dans leurs enseignements: se questionner sur la plus-value des cours en présence et de leur complémentarité avec des ressources et activités en ligne, réfléchir à des stratégies d’évaluation qui prennent en compte les activités réalisées en classe, ou développer des pratiques qui aident les étudiant-e-s à apprendre l’autonomie, surtout lors de la première année universitaire, pour travailler régulièrement, pour lire efficacement, pour collaborer avec les autres étudiant-e-s, etc.

Barlow, J., & Fleischer, S. (2011). Student absenteeism: whose responsibility? Innovations in Education and Teaching International, 48, 227-237.

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J’ai déjà écrit plusieurs articles sur la question de l’enseignement à de grands groupes et plusieurs ressources ont été rassemblées par ailleurs. Lors d’une formation récente, nous avons rédigé, mon collègue Emmanuel Sylvestre et moi-même un document de synthèse qui est téléchargeable sur le site du Centre de Soutien à l’Enseignement (PDF – 582Ko). En voici l’introduction:

L’enseignement à un grand groupe constitue un mode d’enseignement relativement courant à l’université, en tout cas dans les premières années des programmes. Il tend d’ailleurs à se développer de plus en plus depuis les années 90, en lien avec une massification de l’enseignement supérieur en Suisse, mais aussi en Europe et dans le monde (le nombre d’étudiant-e-s dans les Hautes Écoles universitaires suisses a augmenté de plus de 30% entre 1995 et 2010 – Source : OFS – http://www.bfs.admin.ch). De nombreuses représentations sont associées à cette pratique, tant chez les enseignant-e-s que chez les étudiant-e-s, selon lesquelles enseigner à un grand groupe se résumerait à un enseignement magistral, favoriserait la passivité des étudiant-e-s et leur absentéisme ou encouragerait chez ceux/celles-ci une approche d’apprentissage en surface. D’un certain point de vue, il est vrai que la taille d’un groupe influe sur le climat social de ce groupe. Cependant, selon une revue de littérature récente sur le sujet (Mulryan-Kyne, C. (2010). Teaching large classes at college and university level : challenges and opportunities. Teaching in Higher Education, 15(2), 175-185.), le rôle de l’enseignant-e est bien plus crucial par rapport à l’apprentissage des étudiant-e-s que les variables contextuelles. Bien plus, la taille de la classe n’aurait pas d’influence négative sur l’apprentissage si l’enseignant-e adopte des stratégies d’enseignement adaptées.

L’objectif de ce document consiste justement à présenter et discuter des stratégies variées d’enseignement face à un grand groupe d’étudiant-e-s. Ces stratégies peuvent viser à faire participer les étudiant-e-s en classe ou à les faire interagir entre eux/elles ; elles peuvent aussi recourir aux usages de technologies en classe ou pas mais font toutes appel à des compétences d’animation de groupe de la part de l’enseignant-e universitaire.

Un point important que nous avons voulu souligner entre autres dans ce document est l’utilité pour les enseignant-e-s de s’interroger sur leurs conceptions de l’enseignement face à un grand groupe ainsi que sur les objectifs que l’on vise quand on veut faire participer un grand groupe. « Maintenir l’attention des étudiant-e-s » peut être une intention de l’enseignant quand il/elle fait interagir les étudiant-e-s mais quelle est la plus-value pour l’apprentissage des étudiant-e-s? Retiendront-ils/elles davantage la matière abordée? La comprendront-ils/elles mieux? Pourront-ils/elles utiliser les concepts vus au cours pour les appliquer à la résolution de problème ou à l’analyse d’une situation réelle?… Les enjeux de l’apprentissage sont peut-être à garder en tête au-delà du désir de « rendre le cours plus intéressant » ou « attirer l’attention des étudiant-e-s ».

Par ailleurs, nous avons aussi distribué aux participant-e-s à la formation un « carnet de bord » (PDF – 57Ko) qui propose une série de questions qu’il est possible de se poser pour préparer un enseignement à un grand groupe. Ces questions touchent aux objectifs, aux consignes données aux étudiant-e-s et à l’organisation de la classe.

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Dans le forum général d’un cours sur Moodle dans mon université, j’ai vu récemment passer l’annonce suivante:

Salut,

A vendre polycopié du cours complet de XXX ! Ce document, basé sur des enregistrements audio, est une retranscription complète du programme en 220 pages.

Il contient tous les chapitres avec graphiques, explications et définitions. Tu pourras suivre le cours sans avoir à prendre des notes!

Grâce à ce polycopié, tu gagneras un temps précieux dans tes révisions et mettras toutes les chances de réussite de ton côté. Tu sais certainement que XXX est un des examens le plus difficile. De plus, le cours se termine à Noël.

Grâce à ce polycopié, tu pourras commencer rapidement tes révisions sans perte de temps, avec un document fiable et le plus complet en vente.

Prix : 25 CHF

Adresse contact : XXX@hotmail.com ou répondre à ce message

délais de réponse : 1jour.

J’ai laissé le message tel quel, il n’y a que le nom du cours que j’ai masqué. C’est un cours de première année auquel assistent plus de 500 étudiant-e-s. Un livre est recommandé aux étudiant-e-s en début de semestre.

Que penser d’un tel message? On pourrait bien sûr saluer l’esprit d’entreprise de l’étudiant-e qui l’a posté (si son business plan table sur 250 ou 300 client-e-s, le chiffre d’affaire pourrait avoisiner les 7’500 CHF… mais combien de temps lui a-t-il fallu pour produire le polycopié?). On pourrait bien sûr aussi se questionner sur la démarche. Le cours n’est pas fini puisqu’il se donne jusqu’à Noël, le polycopié n’est donc peut-être pas complet (ou se base sur le cours de l’année précédente). De plus, l’étudiant-e en question fait preuve d’un fameux culot pour venir faire cette annonce dans le forum du cours lui-même (je ne sais pas si cette pratique est courante dans cette faculté). Mais c’est sûr que les client-e-s doivent prendre un risque car il n’y a apparemment pas de garantie de qualité. On peut aussi se poser la question des droits d’auteurs… l’enseignant-e (et/ou son université) n’est-il/elle pas le/la propriétaire des droits sur le cours et auquel cas, est-il simplement légal d’enregistrer un cours (« public », il est vrai) et de diffuser son contenu? Et au-delà, les enregistrements (audio ou vidéo) du cours pourraient-ils être diffusés et/ou vendus sur Internet?

Au-delà de ces considérations (je ne vais pas les aborder dans cet article), et si on se place d’un point de vue strictement pédagogique, ce message me pose plusieurs questions:

  • Sans connaître les modalités d’examen liées à ce cours, il est difficile de savoir si ce polycopié « pirate » pourra vraiment être utile aux étudiant-e-s. Si par exemple l’examen consiste en une liste de questions à choix multiple, peut-être qu’il vaudrait mieux pour les étudiant-e-s se fier au livre recommandé par l’enseignant-e plutôt qu’à des enregistrements a priori peu fiables. Et si l’examen consiste en des réponses à des questions ouvertes demandant une élaboration conséquente, ce n’est pas sûr que le polycopié soit plus utile: la retranscription du discours de l’enseignant-e ne donnera pas d’indication sur ce qu’il/elle a dit de plus important ou sur les « tuyaux » qu’il/elle aurait donnés pour se préparer à l’examen. Ceci apparaîtrait en tout cas mieux dans un enregistrement audio.
  • L’utilité n’est donc pas garantie, mais l’efficacité non plus. Relire 220 pages de retranscription d’un discours risque de prendre un certain temps. Et comment le relire? Si on n’a pas assisté au cours, on pourrait avoir des difficultés à se représenter ce qui est important ou à remettre en contexte les explications données ou les exemples présentés en classe par l’enseignant-e. Mieux vaudrait alors avoir les enregistrements audio plutôt que la retranscription écrite…
  • Cependant, il est probable qu’obtenir un tel polycopié soit rassurant pour bon nombre d’étudiant-e-s, surtout en première année. Certain-e-s n’ont peut-être pas encore de bonne méthode pour prendre des notes et pouvoir retourner à ce qui a été dit au cours peut aider à les compléter.
  • On peut se demander ce que l’enseignant-e a dit aux étudiant-e-s au début du cours à propos de la prise de notes, de la participation au cours, de l’utilité et de l’usage du livre qu’il/elle recommande et du lien entre tout ceci et la forme de l’examen final. Quelle est la cohérence entre tous ces éléments? Comment les étudiant-e-s ont-ils/elles été informé-e-s à propos de l’état d’esprit dans lequel ils/elles devraient assister au cours puis se préparer à l’examen? On peut bien sûr répondre à ces questions en disant que c’est aux étudiant-e-s à le savoir eux/elles-mêmes. L’ennui c’est qu’on se retrouve alors souvent confronté-e à des groupes d’étudiant-e-s peu motivé-e-s qui cherchent uniquement à retenir par cœur ce qui a été dit au cours. Si par contre on donne quelques indications aux étudiant-e-s sur la façon dont il vaut mieux s’y prendre pour participer au cours, utiliser le matériel à disposition, se préparer à l’examen et en expliquant pourquoi, les étudiant-e-s comprennent mieux le sens de ce qui leur est proposé et ont tendance à s’impliquer davantage dans le cours.
  • Si certain-e-s étudiant-e-s éprouvent le besoin d’enregistrer le cours oral intégralement et de le retranscrire, en tant qu’enseignant-e, on pourrait se poser la question de savoir pourquoi… et comment faire en sorte qu’ils/elles ne perdent pas leur temps à réaliser ce genre de travail? Des activités potentiellement utiles pour les étudiant-e-s pourraient par exemple consister en la lecture d’articles et en la discussion de ceux-ci en petits groupes, la rédaction d’exemples pratiques des concepts ou théories abordées au cours, la recherche de références bibliographiques sur des thématiques très ciblées liées au cours, des séances de questions-réponses (pendant une séance de cours ou à distance), des séances consacrées à des « examens blancs » où les étudiant-e-s seraient confronté-e-s à des exercices très semblables à ce qu’ils auront à faire à l’examen, etc. Ce type d’activités pourrait les amener à entrer plus en profondeur dans la matière et à se préparer plus sérieusement à l’examen, plutôt qu’en retranscrivant simplement le discours de l’enseignant-e.

Il est toujours aussi possible bien sûr de concevoir son propre polycopié… Mais ce n’est pas un exercice facile. Dans les pays anglo-saxons, de nombreux/ses enseignant-e-s universitaires se lancent dans l’aventure du textbook, même si ce n’est pas valorisé énormément d’un point de vue académique. Prenons pour exemple Greg Mankiw, professeur d’économie à Harvard, connu par des dizaines, voire des centaines de milliers d’étudiant-e-s dans le monde pour son cours de macro-économie (ré-édité très régulièrement) et surtout son cours de Principles of Economics, traduit en 17 langues. Il explique sur son blog pourquoi et comment se lancer dans la rédaction d’un livre de cours. Il explique surtout très bien que ce travail est non seulement une aide précieuse pour l’enseignement mais aussi pour faire le point sur la recherche dans un domaine.

J’ai trouvé vraiment peu de ressources sur la rédaction de polycopiés (ou textbooks, édités ou non). Il y a quelques années, Daniel Schneider, de l’Université de Genève, avait tenté de faire le point sur le sujet en rassemblant une série de ressources. Mais peut-être qu’une des solutions est de faire travailler les étudiant-e-s eux/elles-mêmes. Après tout, c’est de leur apprentissage qu’il s’agit avant tout! C’est pourquoi, j’ai trouvé l’expérience toute récente des étudiant-e-s des sciences criminelles de l’Université de Dundee absolument originale et intéressante. Sous la supervision de leur enseignant, ils/elles ont développé un livre pour le cours « Forensic Anthropology » qui sera bientôt publié… et utilisé comme base de cours par les étudiant-e-s qui vont leur succéder. Si un polycopié dédié est utile pour un cours, pourquoi ne pas faire participer les étudiant-e-s? Avec un objectif pédagogique précis, avec l’idée de valoriser leur travail dans un exercice qui donne du sens à l’étude de la matière et en leur donnant l’occasion de s’impliquer dans le cours pour aborder la matière non plus « en surface » (en retranscrivant mot à mot ce que l’enseignant a dit) mais plutôt « en profondeur » (en cherchant à l’expliquer avec leurs mots et à faire apprendre cette matière à d’autres étudiant-e-s).

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Il y a quelques mois, j’avais fait le point sur l’enseignement aux grands groupes en présentant un article et plusieurs ressources. J’ai mis à jour ma liste de liens sur le sujet et j’ai organisé le mois dernier un atelier d’1h30 à destination des enseignant-e-s et assistant-e-s. Une douzaine de personnes ont participé et je leur ai proposé de visionner en vidéo un exemple d’interaction avec un grand groupe (d’environ 1200 étudiant-e-s…). Nous avons tourné cette vidéo avec quelques collègues en septembre dernier. Juste avant la rentrée académique, le Service Orientation et Conseil (SOC) de mon université organise l’accueil des nouveaux et nouvelles étudiant-e-s. Cette année, ils/elles étaient plus de 1200… Mon collègue Denis Berthiaume intervient au tout début de ces journées d’accueil pour leur parler des méthodes de travail et réfléchir avec eux/elles aux stratégies qu’ils/elles pourraient mettre en œuvre pour réussir leur première année. La vidéo de son intervention dure un peu plus d’une heure et se trouve sur le site du SOC.

Pour l’atelier que j’ai organisé, j’avais réalisé un montage de 15 minutes environ (je ne mets pas cette version en ligne pour des raisons de droits). J’avais aussi préparé quelques dias:

Sur la dia 3, je propose trois questions pour guider la réflexion lors du visionnement du film (à expérimenter vous-même si vous êtes tenté-e par l’expérience…):

  • Comment fait l’animateur pour inciter les étudiant-e-s à participer?
  • Par rapport à votre expérience d’enseignement, quels sont les éléments les plus intéressants dans cet exemple?
  • Quelles questions vous posez-vous à propos de cet exemple d’animation de grand groupe?

Ensuite, une discussion a eu lieu avec les participant-e-s. J’ai relevé plusieurs points que les personnes présentes lors de l’atelier ont trouvé vraiment intéressants et utiles (bon, pour pouvoir en tirer parti, je conseille de regarder la vidéo bien sûr… 😉 ):

  • Au tout début de la séance, Denis accueille les étudiant-e-s en les invitant à venir occuper les places libres. La salle peut accueillir plus de 1200 personnes et au début, beaucoup restaient debout au fond. La façon dont il s’y prend n’est pas « coercitive » mais plutôt sympathique…
  • Dès le début de la séance, il annonce de quoi il va parler et il avertit (à plusieurs reprises) qu’il y aura des moments d’interaction. Cela contraste avec de nombreux cours universitaires où on prend peu de temps pour expliquer aux étudiant-e-s comment se déroule le cours et ce qui est attendu de leur part. Rendre explicite le processus pédagogique que les étudiant-e-s vont vivre a été considéré par les participant-e-s à l’atelier comme bénéfique. Pour ceux/celles-ci, ça vaut la peine de s’y attarder pour installer dès le départ une façon de fonctionner dans le cours.
  • Denis fait preuve de beaucoup d’humour, ce qui contribue certainement à rendre les étudiant-e-s attentif-ve-s. L’humour porte sur le monde universitaire, sur les enseignant-e-s, sur les étudiant-e-s et sur… lui-même!
  • Pour avertir que la séance sera interactive, Denis demande au début aux étudiant-e-s s’ils/elles ont des questions. Personne ne réagit. Denis prévient alors directement: « Ok, vous n’avez pas de question pour l’instant. Mais attention, tout à l’heure, c’est moi qui vous poserai des questions… ». Une façon de prévenir les étudiant-e-s pour ne pas les prendre au dépourvu lorsque des moments de véritable interaction arriveront. Par la suite, il interpelle à plusieurs reprises les étudiant-e-s du fond de la salle. Il profite aussi de la répartition de ses assistant-e-s dans la salle pour encourager des questions et des interventions en provenance de partout et pas uniquement de la part des quelques étudiant-e-s les plus attentif-ve-s du premier rang.
  • Denis utilise beaucoup de questions rhétoriques, c’est-à-dire des questions générales qui n’attendent pas nécessairement une réponse, comme « Vous avez déjà sûrement remarqué que… », « Est-ce que vous vous êtes déjà posé la question de savoir… » ou « Est-ce qu’il y en a parmi vous qui… ». Le but de ces questions est d’impliquer les étudiant-e-s et de mobiliser leur attention. Cela contribue à préparer les moments de véritable interaction qui vont survenir.
  • Il présente les objectifs d’apprentissage en insistant beaucoup sur l’utilité de la séance et pourquoi les activités qui vont être organisées vont contribuer à l’atteinte de ces objectifs.
  • Les consignes des activités sont affichées clairement dans une dia. Ceci peut paraître tout bête mais cela permet aux étudiant-e-s d’avoir en permanence les consignes sous les yeux lorsqu’ils/elles travaillent individuellement ou en groupe. Cela permet d’éviter les moments de flottement généralement observés au début des travaux en classe où les étudiant-e-s se regardent en se demandant: « Euh, il faut faire quoi déjà? ». Il prend aussi beaucoup de temps pour expliciter ce qui est attendu de la part des étudiant-e-s: d’abord un moment individuel chronométré, puis discussions à deux ou trois, etc. Puis lors de la mise en commun, il réexplique comment on va procéder via les trois personnes dans la salle qui tendent les microphones.
  • Il encourage, félicite, remercie, explique pourquoi c’est important de participer au cours, notamment en congratulant l’étudiante qui pose une question à propos du concept d’assimilation.
  • Pour faciliter la prise de notes, Denis ralentit son débit de parole. Il insiste sur les mots importants (« assimilation » et « accommodation » par exemple) et laisse le temps de noter.
  • Quand des étudiant-e-s interviennent, Denis reformule ce qu’ils/elles ont dit et donne éventuellement d’autres exemples. Même quand une réponse semble un peu décalée par rapport à la question ou quand un-e étudiant-e exprime un avis contraire au sien, il accueille l’intervention de l’étudiant-e, reformule et répond en encourageant.
  • A de nombreuses reprises, Denis explicite aux étudiant-e-s ce qui est en train de se passer, pourquoi il explique certaines choses, pourquoi il propose telle ou telle activité, etc. Il donne du sens à ce qu’il propose aux yeux des étudiant-e-s.

Il ne s’agit bien sûr ici que d’un exemple parmi d’autres. Ce n’est pas non plus un cours universitaire à proprement parler où il y a beaucoup de contenus et de matières à transmettre. Ce qu’on peut retirer du visionnement de cette vidéo, c’est surtout quelques idées d’activités et d’organisation d’interactions dans un amphithéâtre. A chacun-e ensuite d’adapter ces idées à son contexte particulier. Pour les conseiller-ère-s pédagogiques en particulier, cette vidéo peut servir éventuellement d’outil de formation.

Dans les dernières dias de ma présentation, quelques activités types qu’il est possible de mettre en œuvre avec un grand groupe sont brièvement décrites. Pour d’autres idées, je recommande en particulier la visite du site australien « Teaching large classes » qui propose entre autres des exemples d’enseignement dans différentes disciplines.

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La question suivante est probablement l’une des plus posées aux conseiller-ère-s pédagogiques dans l’enseignement supérieur: comment rendre actif-ve-s les étudiant-e-s dans un grand groupe? Cette question en appelle deux autres:

  1. Qu’est-ce qu’un grand groupe? On pense plutôt à un groupe de cent à plusieurs centaines d’étudiant-e-s. Mais le sentiment de donner cours à un grand groupe peut tout aussi bien se ressentir quand on a en face de soi 50 étudiant-e-s dans une salle qui contient seulement 25 chaises ou 20 étudiant-e-s dans un laboratoire conçu autour de 10 postes de travail. L’expérience d’apprentissage des étudiant-e-s en grand groupe à l’université a certainement aussi une influence sur leur sentiment de faire partie d’un « grand » groupe.
  2. Que signifie « rendre les étudiant-e-s actif-ve-s »? D’abord quelles pourraient être les raisons pour lesquelles un-e enseignant-e voudrait rendre ses étudiant-e-s actif-ve-s? Ensuite, quand peut-on dire que les étudiant-e-s sont effectivement actif-ve-s? Quand ils/elles « écoutent activement » en prenant des notes? Ou quand ils/elles interagissent, participent, travaillent en groupe, répondent à des questions, etc.? Avec quelle régularité et à quelle fréquence?

Grand groupeAu-delà de toutes les ressources que l’on peut trouver sur le sujet (j’en ai rassemblé quelques-unes à cette adresse), j’aimerais partager dans cette note deux choses: une lecture récente (Mulryan-Kyne, 2010) et le compte-rendu de ma participation à un atelier de formation de Siara Isaac (Université Lyon 1) et Sophie Abry (Institut Polytechnique de Grenoble) auquel j’ai participé dans le cadre de la conférence AIPU 2010 à Rabat (Association Internationale de Pédagogie Universitaire).

L’article de Catherine Mulryan-Kyne est paru en avril dernier dans la revue Teaching in Higer Education et s’intitule Teaching large classes at college and university level: challenges and opportunities. Il s’agit d’une revue de littérature sur le sujet. L’auteure rappelle tout d’abord que depuis les années 90, la plupart des pays de l’OCDE ont vu leur population étudiante augmenter énormément. Des pays comme la Grèce, la Hongrie ou la Corée du Sud ont doublé leur population étudiante entre 1995 et 2002. Sur la même période, l’Espagne, le Portugal, le Mexique ou le Royaume-Uni ont enregistré une progression de 20%. Ces nouveaux et nouvelles étudiant-e-s proviennent d’horizons beaucoup plus divers qu’auparavant. Les enseignant-e-s sont donc face à des classes très hétérogènes (expériences, connaissances, âges, milieux socio-culturels, etc.). Parallèlement, le développement d’une culture de la qualité dans l’enseignement supérieur apporte une forme de pression sur les établissements et les enseignant-e-s qui, d’une manière ou d’une autre, sont évalués. Cette évolution de l’enseignement supérieur implique entre autres de s’interroger sur les pratiques d’enseignement pour tenir compte des nouveaux publics fréquentant l’université et participer à la qualité des institutions universitaires.

On se fait souvent beaucoup d’idées à propos de l’enseignement en grand groupe. Les recherches consultées par Mulryan-Kyne suggèrent que beaucoup d’enseignant-e-s et d’étudiant-e-s pensent que plus le groupe est large, plus il est difficile d’interagir avec le groupe. S’il y a peu de participation des étudiant-e-s dans un grand groupe, ce serait parce que les étudiant-e-s se sentent isolé-e-s et qu’il n’y a pas assez de ressources humaines pour la susciter et la gérer. Un grand groupe encouragerait aussi les arrivées tardives, les départs anticipés, les bavardages ou les sujets de distraction. Ces conceptions partagées par les enseignant-e-s et les étudiant-e-s ont tendance à faire en sorte que tout le monde se désinvestit dans une grande classe. D’un certain point de vue, il est vrai que la taille de la classe influe sur le climat social dans le groupe. Cependant, selon la revue de littérature de Mulryan-Kyne, le rôle de l’enseignant-e est bien plus crucial par rapport à l’apprentissage des étudiant-e-s que les variables contextuelles. Bien plus, la taille de la classe n’aurait pas d’influence négative sur l’apprentissage si l’enseignant-e adopte des stratégies d’enseignement adaptées. Il ne s’agit donc pas ici de faire le procès du cours ex-cathedra mais plutôt de resituer cette méthode par rapport à des objectifs précis d’apprentissage. Par exemple, le cours magistral est très adapté à un grand groupe lorsqu’il s’agit de présenter des informations à organiser dans une structure précise, pour susciter l’intérêt des étudiant-e-s pour un sujet, lorsque l’enseignant désire transmettre son expérience de chercheur-euse ou de praticien-ne, ou si les informations ne sont pas facilement accessibles autrement pour les étudiant-e-s. En fait, le problème du cours magistral, comme l’indique Mulryan-Kyne, c’est qu’on en voit trop, pour tout et dans tous les contextes. Si cette stratégie est efficace quand on vise des objectifs de rétention, elle peut l’être beaucoup moins pour des objectifs de compréhension ou de réflexion de la part des étudiant-e-s.

L’auteure cite alors une série de stratégies pour rendre les cours magistraux plus interactifs et susciter chez les étudiant-e-s davantage de formes d’apprentissage. Citons en vrac le brainstorming, des activités courtes d’écriture suivies de discussion, des enquêtes, des discussions par deux, les quizz, le jeu de rôle, les présentations d’étudiant-e-s, etc. Mulryan-Kyne s’attarde en particulier sur ce que les anglo-saxons appellent les one minute papers où l’enseignant-e demande aux étudiant-e-s de répondre par écrit rapidement à une ou deux questions de synthèse à la fin d’un cours puis d’en discuter. Ceci permet aux étudiant-e-s de savoir où ils en sont par rapport à la maîtrise de la matière et à l’enseignant-e pour savoir si des points devraient être réexpliqués. Par ailleurs, pour montrer qu’il ne s’agit pas nécessairement de révolutionner totalement un enseignement, Mulryan-Kyne cite plusieurs recherches qui montrent qu’interrompre tout simplement un cours de 60 minutes par 3 périodes de 2 minutes pour permettre aux étudiant-e-s de consolider leurs notes est tout à fait bénéfique en termes d’apprentissage.

Pour aller plus loin dans ces stratégies d’animation, j’ai participé à l’atelier « Comment (mieux) utiliser les stratégies d’enseignement interactives dans mon cours ? » (PDF – 17 Ko) organisé par Siara Isaac et Sophie Abry à Rabat pendant la conférence AIPU 2010. Elles ont partagé avec les participant-e-s (et leur ont fait vivre!) quelques techniques d’animation de groupe qui peuvent être facilement adaptées à des grands groupes. Un document de synthèse se trouve à cette adresse (PDF – 567 Ko). Nous avons donc vécu une « Quescussion », un « Buzz groupe », un « Penser, comparer, partager », une activité « Petit papier » et un brainstorming. Ces activités permettent de varier l’enseignement, même avec un grand groupe, de susciter la réflexion des étudiant-e-s, de même que la motivation. On trouvera aussi dans les ressources que j’ai rassemblées un article à propos des méthodes CAMEL et LQRT (Lecture, Questions, Réponses, Test) (PDF – 168 Ko), méthodes développées et étudiées à l’Université de Liège en Belgique et qui visent à rendre les cours magistraux davantage interactifs.

En conclusion de son article, Mulryan-Kyne souligne que dans toutes ces méthodes, la responsabilité de l’apprentissage est placée sur les étudiant-e-s, l’enseignant-e étant surtout un-e concepteur-trice d’activités d’apprentissage. Si les conceptions de l’enseignement à l’université sont appelées progressivement à évoluer chez les enseignant-e-s, les conceptions de l’apprentissage devraient suivre le même mouvement chez les étudiant-e-s…

Mulryan-Kyne, C. (2010). Teaching large classes at college and university level: challenges and opportunities. Teaching in Higher Education, 15(2), 175-185. doi:10.1080/13562511003620001

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