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Posts Tagged ‘stratégies d’étude’

Depuis 2006, le Service Orientation et Conseil de mon université réalise chaque automne une large enquête téléphonique auprès des nouveaux/nouvelles étudiant-e-s pour leur demander « Comment allez-vous? ». Le sondage porte sur leur adaptation à leur nouvelle vie d’étudiant-e-s universitaires ainsi que sur leurs premières impressions à propos des cours qu’ils/elles suivent. Parmi tous les résultats très riches de cette enquête, il y a un graphique qui nous a interpellé, mes collègues et moi. C’est celui des difficultés d’apprentissage rencontrées par les nouveaux/nouvelles étudiant-e-s. Dans l’enquête 2011, 293 commentaires (émis parmi les 1’227 étudiant-e-s interrogé-e-s) ont porté sur les difficultés d’apprentissage qu’ils/elles rencontraient au cours des premiers mois de leurs études. 27% de ces 293 commentaires ont porté sur la gestion du temps. D’autres commentaires ont porté sur la mémorisation, la prise de notes, la préparation aux examens, la lecture d’ouvrage de références, etc.

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Voici quelques commentaires représentatifs de ces difficultés:

« C’est très difficile de se motiver pour travailler quand on sait que le taux de réussite n’est que de 20%. » – « En philosophie on va trop vite. » – « Ce serait bien de mettre en place des cours de soutien car c’est dur de poser des questions car il y a trop de personnes après les cours. » – « Il y a trop de documents des cours sur internet et il y a des doublons. La qualité des documents laisse à désirer. Il faudrait une uniformisation des documents à travers toute la faculté. Même type de structure, etc. Manque résumé des documents. Dire si c’est important. La manière de s’exprimer. »

Le Service Orientation et Conseil fournit beaucoup d’aide aux étudiant-e-s en ce qui concerne les méthodes de travail: conseil individuel, cours d’introduction aux études universitaires, ateliers en petits groupes et nouveau portail web « Réussir ses études à l’Université de Lausanne » qui propose de nombreuses ressources en ligne pour développer ses méthodes de travail. Moi-même, j’ai déjà consacré plusieurs articles de ce blog sur le sujet: la prise de notes, les étudiant-e-s (soi-disant) multi-tâches ou les étudiant-e-s stratégiques.

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Par ailleurs, de nombreuses autres ressources existent pour les étudiant-e-s, notamment l’ouvrage récent « Réussir sa première année » de Mireille Houart, paru en août 2013 aux éditions De Boeck (petite publicité pour une ancienne collègue de Namur! 🙂 ).

Mais qu’en est-il du côté des enseignant-e-s? Que peuvent-ils/elles faire pour encourager et favoriser l’acquisition de méthodes de travail efficaces par les étudiant-e-s? Avec nos collègues du Service Orientation et Conseil, nous proposons une ou deux fois par an un atelier-midi sur le sujet à destination des enseignant-e-s, histoire de faire passer un message simple: « Si vos étudiant-e-s semblent démotivés ou n’ont pas l’air très efficaces dans leurs études, ça n’est pas une fatalité, ni une caractéristique particulière des étudiant-e-s actuel-le-s! Plusieurs choses peuvent être mises en place dans les cours pour y remédier! ».

A cette occasion, je présente entre autres les éléments principaux du texte de Weinstein et al. (2011) à propos des façons d’amener les étudiant-e-s à devenir des apprenant-e-s stratégiques. Selon ces auteur-e-s, un-e étudiant-e stratégique, c’est un-e étudiant-e qui:

  • Est confiant-e dans ses chances de succès;
  • A une idée relativement claire de ce qu’il faut faire pour réussir ses études, que ça soit en termes de méthode de travail ou en termes de gestion de son temps;
  • Fait preuve de ténacité: il/elle n’abandonne pas facilement face à une difficulté d’apprentissage;
  • Contrôle en grande partie ses activités d’apprentissage et d’étude;
  • Sait quand il/elle comprend le contenu d’un cours ou ne le comprend pas;
  • Développe des stratégies face aux difficultés d’apprentissage: il/elle demande de l’aide à l’enseignant-e, se renseigne, discute avec ses collègues, etc.

Pour que les étudiant-e-s développent ces attitudes, de nombreuses actions peuvent être entreprises par les enseignant-e-s dans leurs cours, sans pour autant y consacrer spécifiquement du temps. Dans les dias suivantes, les enseignant-e-s trouveront quelques pistes pour que leurs étudiant-e-s développent des intérêts personnels, comprennent leur propre façon de fonctionner en tant qu’étudiant-e (métacognition), opèrent des liens entre leurs connaissances, développent des stratégies d’apprentissage spécifiques à leur domaine d’étude, etc.

Par ailleurs, les enseignant-e-s pourraient plus systématiquement guider les étudiant-e-s vers les ressources disponibles à ce sujet dans leur université, surtout dans la première année d’étude.

Weinstein, C. E., Meyer, D. K., Husman, J., McKeachie, W. J., & King, C. A. (2011). Teaching students how to become more strategic and self-regulated learners. In M. Svinicki & W. J. McKeachie (Eds.), McKeachie’s teaching tips. Strategies, research, and theory for college and university teachers (13th ed., pp. 292–307). Belmont, CA: Wadsworth.

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Il y a trois ans, j’ai publié ici une note intitulée « Motiver les étudiant-e-s? » qui reprenait quelques pistes pédagogiques pour influencer la motivation des étudiant-e-s. La réflexion s’est poursuivie et est devenue collective puisque depuis le mois d’avril 2013, j’anime avec quelques enseignant-e-s de l’Université de Lausanne, des rencontres pédagogiques (sur le mode des communautés de pratique) sur le thème de la motivation des étudiant-e-s à l’université.

Un compte rendu de notre première rencontre (PDF – 528Ko) est disponible en ligne. Plusieurs questions ont constitué le coeur de la discussion: qu’est-ce que la motivation? à quoi reconnaît-on un-e étudiant-e motivé-e? quelles peuvent être les causes de la démotivation des étudiant-e-s? comment soutenir leur motivation?

Voici un bref extrait du compte rendu à propos des éléments qui peuvent causer la démotivation des étudiant-e-s:

Quelles peuvent être les causes de la démotivation des étudiant·e·s?

Les étudiant·e·s peuvent se démotiver pour plusieurs raisons plus ou moins subjectives :

  • Perception floue de l’utilité de l’enseignement qu’ils/elles suivent;
  • Enseignements paraissant trop complexes ou trop théoriques par rapport à leurs connaissances préalables ou par rapport à leurs projets professionnels;
  • Conceptions des étudiant·e·s à propos de leurs apprentissages. Certain·e·s considèrent qu’apprendre à l’université est une activité passive dans laquelle il faut peu s’impliquer.
  • Sentiment que les attentes, questions ou intérêts personnels sont peu pris en compte dans l’enseignement;
  • Impression de redondance ou de monotonie entre les enseignements;
  • Mauvaise compréhension des consignes de travail ou de ce qui est attendu précisément par l’enseignant·e;
  • Impression que les efforts fournis ne sont pas « récompensés » (par rapport aux notes d’examen ou aux crédits obtenus) ou ne conduisent pas à des apprentissages significatifs.

Comment comprendre cette (dé)motivation? Que faire en tant qu’enseignant-e? La réflexion s’est en partie basée sur deux références:

Lors de la seconde rencontre, en novembre 2013, nous avons discuté de ces deux textes, présentés dans un diaporama de synthèse:

Nous avons ensuite essayé de résoudre deux cas (PDF – 65Ko) qui peuvent être utilisés dans une formation ou pour animer une discussion avec des enseignant-e-s. La discussion de ces cas a fait émerger plusieurs éléments à prendre en compte:
  • pour encourager la participation des étudiant-e-s en classe (par ex. organiser des activités variées où les étudiant-e-s peuvent participer directement ou indirectement, préparer les temps de parole des étudiant-e-s, etc.),
  • pour leur donner des feed-backs motivants (par ex. centrer le feed-back sur des éléments concrets qu’ils peuvent modifier dans leurs travaux ou dans leur participation en classe, clarifier les critères d’évaluation de la participation, etc.),
  • pour les encourager à développer leurs méthodes de travail (par ex. donner du feed-back sur les présentations orales en classe, donner au début de l’année de courts travaux écrits puis plus conséquents, etc.),
  • pour les impliquer davantage dans les enseignements (par ex. leur laisser la possibilité de poser des choix personnels sur les thèmes de travail, leur permettre de s’impliquer selon différentes formes de participation, leur laisser la possibilité de proposer des thèmes de discussion ou d’animer eux/elles-mêmes des discussions, etc.),
  • etc.

Pour les conseiller/ère-s pédagogiques, ces deux cas et ces quelques pistes de solution peuvent aider à animer une discussion intéressante à propos de la motivation. Une publication récente peut aussi être utilisée comme référence et propose d’autres pistes:

Rege Colet, N., & Lanarès, J. (2013). Comment soutenir la motivation des étudiants ? In D. Berthiaume & N. Rege Colet (Eds.), La pédagogie de l’enseignement supérieur: repères théoriques et applications pratiques (Vol. 1, pp. 73–86). Berne: Peter Lang.

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La mise en oeuvre progressive de la réforme Bologne (voir les précédentes notes sur le sujet ici) a eu une conséquence qu’il n’est pas toujours facile de gérer pour les enseignant-e-s (et pour les équipes d’enseignant-e-s qui conçoivent de nouveaux programmes). Il s’agit d’estimer le temps d’apprentissage des étudiant-e-s. Habituellement, on compte que pour obtenir 1 crédit ECTS, l’étudiant-e doit fournir en moyenne 25 à 30 heures de travail (en classe et en dehors de la classe). Par exemple, pour un cours d’un semestre crédité de 3 ECTS, environ 1 crédit se déroulera en classe (2h de cours par semaine pendant 13 ou 14 semaines). Les 2 autres crédits seront obtenus par les étudiant-e-s en dehors de la classe avec des lectures, des travaux et des exercices à réaliser et la préparation à l’examen. Estimer au mieux le temps de travail des étudiant-e-s en fonction des objectifs d’apprentissage et des travaux qui leur seront demandés n’est pas une chose facile. 25 à 30 heures de travail par ECTS n’est qu’une estimation basée sur de grandes enquêtes européennes auprès des étudiant-e-s de l’enseignement supérieur (voir sur ce site les principaux éléments à connaître à propos du processus de Bologne). Pour une même activité, certain-e-s étudiant-e-s prendront plus de temps que d’autres… Et l’estimation n’est évidemment pas objective: tout dépend aussi de leur motivation à accomplir les tâches demandées.

Par ailleurs, les associations étudiant-e-s mentionnent aussi souvent aux autorités universitaires que la charge de travail dans les programmes n’est pas toujours bien calculée. Il n’y a pas toujours une bonne coordination entre les enseignements d’un même programme pour que les travaux demandés dans les différents cours n’aient pas tous la même date d’échéance. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles les documents officiels de Bologne encouragent l’évaluation des apprentissages par module d’enseignement plutôt que par cours. De cette façon, certains travaux ou examens couvrent plusieurs enseignements différents. Cela contribue à intégrer davantage les cours entre eux et à rationaliser le nombre d’évaluations.

Ces considérations posent ainsi plusieurs questions: comment estimer la charge de travail des étudiant-e-s, comment estimer la charge de travail que peut prendre telle ou telle activité d’apprentissage, comment les étudiant-e-s estiment-ils/elles eux/elles-mêmes leur propre charge de travail, quelles sont les difficultés au sein de l’université liées à la charge de travail des étudiant-e-s…? C’est à toutes ces questions que nous avons tenté de répondre en menant une enquête au sein de l’Université de Lausanne avec mes collègues Denis Berthiaume, Jean-Moïse Rochat et Emmanuel Sylvestre. Le rapport de cette étude (PDF – 1,1 Mo) se trouve à présent en ligne sur le site du Centre de Soutien à l’Enseignement. Voici quelques extraits du résumé qui présentent les résultats principaux:

Tout d’abord l’enquête auprès des décanats et des associations étudiant-e-s nous laisse entrevoir qu’il existe des différences parfois importantes entre les facultés en ce qui concerne les conceptions et les pratiques en matière de charge de travail des étudiant-e-s. Certaines facultés par exemple évoquent cette question dans leurs règlements facultaires, alors que d’autres mettent plutôt l’accent sur les plans d’études pour le faire. Dans certaines situations, les étudiant-e-s sont invité-e-s à donner leur avis lors de la création ou de la refonte des programmes d’études ; ce qui ne semble pas le cas pour toutes les facultés. Il est également possible de constater que les instances aptes à prendre des décisions sur la charge de travail ne sont pas toujours identiques dans les différentes facultés, et que parfois plusieurs instances sont compétentes simultanément sur cette question. […]

Dans les évaluations de l’année 2009 – 2010, les étudiant-e-s ont fréquemment rédigés des commentaires relatifs à la charge de travail. Les trois idées principales qui ressortent de ces textes font état de situations problématiques. Elles sont rencontrées lorsque :

  • des enseignements (cours, TP, séminaires et cours de langue) couvrent une trop grande quantité de matière, ce qui demande ensuite un effort conséquent pour la préparation des examens, notamment lorsqu’il s’agit d’un apprentissage par cœur ;
  • des activités d’apprentissage (exercices, cas, lectures) demandant un investissement conséquent sont associées à un enseignement ;
  • le temps de travail demandé par un enseignement tend à réduire de manière trop importante le temps disponible pour les activités d’apprentissage des autres enseignements.

Les données quantitatives issues de ces mêmes évaluations nous montrent que le nombre d’heures hebdomadaires consacrées à un cours ex-cathedra se situe majoritairement entre 0 et 2 heures ; une donnée qui varie toutefois de manière assez importante entre les différentes facultés. Ces données nous indiquent également que les étudiant-e-s trouvent globalement que la charge de travail demandée par les séminaires, travaux pratiques et cours de langue est adéquate (plus de 90% d’accord à la question portant sur cette dimension).

[…] En considérant les quelques 600 réponses obtenues auprès des étudiant-e-s, il est possible de constater que s’ils/elles semblent globalement satisfait-e-s de la répartition de la charge de travail sur le semestre et du lien entre charge de travail et crédits ECTS, ils/elles sont moins enchanté-e-s de l’information donnée par leurs enseignant-e-s sur la charge de travail demandée par un cours. Dans leurs commentaires, ils/elles se sont fréquemment prononcé-e-s pour dire que la charge de travail de ces dix cours était adéquate. Toutefois, dans la grande majorité des cours évalués une partie des étudiant-e-s considèrent que la charge de travail est adéquate, alors que d’autres pensent le contraire, ils/elles n’ont donc pas toutes la même perception sur cet aspect important de leur expérience d’apprentissage. Plusieurs recherches – présentées dans la revue de littérature – montrent que cette dimension est fortement corrélée à la motivation des étudiant-e-s et à leurs objectifs en termes d’apprentissage (par exemple lors d’un apprentissage en surface).

[…] Les conceptions des huit enseignant-e-s interrogé-e-s sur la charge de travail peuvent être résumées ainsi : ils/elles considèrent que l’activité d’apprentissage principale réalisée par leurs étudiant-e-s concerne la révision ou l’approfondissement (travail sur les notes). Ils/elles semblent également considérer que la charge de travail de leurs étudiant-e-s varie d’un individu à l’autre et qu’elle dépend du niveau d’implication de chacun et/ou de l’activité à réaliser.

Au niveau des pratiques enseignant-e-s, il est possible d’affirmer qu’ils/elles communiquent presque tou-te-s des informations sur la charge de travail à leurs étudiant-e-s, mais qu’ils/elles semblent manquer d’outils pour estimer plus objectivement la quantité de travail qu’ils/elles leur demandent.

Nous avons présenté les résultats de notre travail à la conférence 2012 de l’Association Internationale de Pédagogie Universitaire (2012). Je partage ici les dias de la présentation. Cela donne un résumé général de l’étude.

Pour la suite, je m’apprête à rencontrer dans les prochaines semaines les représentants des 11 associations étudiantes de l’Université de Lausanne pour leur présenter ces résultats et obtenir d’elles un retour. Cela nous donnera, à mes collègues et moi, des pistes pour informer et aider les enseignant-e-s sur ces questions.

Daele, A., Rochat, J.-M., Sylvestre, E., & Berthiaume, D. (2012). Évaluer la charge de travail des étudiants : enjeux, méthode et propositions pour l’organisation des cursus universitaires. Communication au colloque de l’AIPU 2012, 14-18 mai 2012, Trois-Rivières, Québec.

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Que font les étudiant-e-s brillant-e-s pour réussir leurs études? Est-ce que connaître leurs stratégies d’apprentissage et d’étude permettrait d’aider les autres étudiant-e-s à développer les leurs? C’est autour de ces questions que Wendy McMillan a mené une étude récente dans une université sud-africaine. Elle a  travaillé avec 7 étudiant-e-s particulièrement brillant-e-s en études de dentisterie. Elle a procédé en trois temps: une première interview de deux heures dans laquelle les étudiant-e-s faisaient état de leurs stratégies habituelles d’étude, puis une observation de ces étudiant-e-s en train de réaliser une tâche d’apprentissage réaliste et enfin une seconde interview en forme de debriefing de la tâche réalisée.

Pour analyser les données, elle a utilisé le cadre de l’apprentissage auto-régulé (self-regulated learning) pour mettre en évidence les stratégies cognitives et métacognitives des étudiant-e-s ainsi que la façon dont ils/elles gèrent leur motivation dans leurs études. Dans la plupart des études sur le sujet, les chercheur-euse-s ont déjà mis en évidence que le meilleur prédicteur de la réussite dans les études supérieures était la qualité des stratégies cognitives d’apprentissage et le fait que ces stratégies soient rendues explicites (grâce à la métacognition entre autres). Dans son étude, McMillan met en évidence d’autres facteurs intéressants.

  1. Stratégies cognitives
    Trois stratégies s’avèrent particulièrement payantes ici pour les étudiant-e-s qui réussissent brillamment: l’identification et la répétition des principales idées d’un cours; la capacité à résumer et paraphraser ces idées principales; et l’organisation de ces idées dans une table des matières personnelle et cohérente. Il s’agit donc de bien s’approprier la matière d’un cours en étant capable de l’expliquer avec ses mots de façon fluide et articulée.
  2. Stratégies métacognitives
    On parle souvent de la métacognition comme de l’aptitude à être conscient de ses stratégies d’apprentissage. L’étude de McMillan permet de décortiquer la métacognition en une série de micro-compétences utiles autant lorsqu’on est en classe que lorsqu’on est à la bibliothèque en train d’étudier: la préparation de son planning d’étude, la relecture de ses notes, l’écoute attentive en classe et la prise de notes synthétiques, la rédaction de questions à poser à l’enseignant-e ou à rechercher dans la littérature en cas de mécompréhension, l’application d’une procédure de travail en cas de mécompréhension (lecture du cours, recherche de références complémentaires, relecture de ses notes, etc.), etc. Une stratégie très importante pour les étudiant-e-s qui ont participé à l’étude était aussi d’être bien au courant des modalités d’évaluation et de ce qui était attendu d’eux en termes de performance à l’examen.
  3. Stratégies de motivation
    Les étudiant-e-s interviewé-e-s accordaient beaucoup de valeurs aux tâches académiques qui leur étaient demandées. Ils/elles développaient aussi un fort sentiment de compétences dans ces tâches, notamment en se mettant personnellement au défi de réaliser telle ou telle tâche particulièrement difficile. Pour réaliser ces tâches, ils/elles persistaient aussi beaucoup dans leurs efforts et cherchaient toujours des solutions alternatives pour résoudre des problèmes d’apprentissage. Un autre point important par rapport à la motivation est que les étudiant-e-s ne considéraient pas les évaluations comme des moments de sanctions mais plutôt comme des étapes dans leur processus d’apprentissage, ce qui leur permet d’atténuer le stress habituel lié à l’évaluation.

Dans la discussion de sa recherche, McMillan insiste sur l’importance pour les enseignant-e-s de rendre explicites dans leur cours les idées maîtresses et la table des matières. Cela aide les étudiant-e-s à structurer leurs notes et à élaborer des stratégies d’étude efficaces. Elle suggère aussi de faire davantage parler les étudiant-e-s en classe (avec l’enseignant-e pour poser des questions) mais aussi en dehors de la classe (entre étudiant-e-s pour s’entraîner à s’approprier la matière du cours et à échanger leurs stratégies d’étude). McMillan explique aussi que dans un cours universitaire, il n’est pas très difficile d’aider les étudiant-e-s à développer des stratégies cognitives et métacognitives d’apprentissage. Par contre, il n’est pas évident d’agir directement sur la motivation. Cependant, en élaborant des tâches variées, en proposant aux étudiant-e-s de travailler en groupe ou en organisant des discussions en classe, il est possible de rendre l’environnement d’apprentissage motivant.

Personnellement, l’étude présentée ici m’encourage à continuer à discuter avec les enseignant-e-s à propos de l’explicitation du déroulement de leur cours aux yeux des étudiant-e-s: table des matières mais aussi attentes vis-à-vis des examens ou de la participation en classe. Cela donne des indices aux étudiant-e-s à propos de ce qu’ils/elles doivent être capables de réaliser tout au long du cours. A cette idée, certain-e-s enseignant-e-s rétorquent qu’ils/elles ont alors le sentiment de rendre leur cours trop « scolaire ». Ils/elles s’attendent à ce que les étudiant-e-s soient capables de développer leurs stratégies de façon autonome. De mon point de vue de conseiller pédagogique, c’est oublier que la population étudiante a beaucoup changé ces 20 ou 30 dernières années et que plus qu’avant, les étudiant-e-s ont besoin d’un peu de guidage dans leurs apprentissages. Ceci ne rend pas les cours plus « scolaires ». Il s’agit simplement de développer la qualité des cours et des programmes pour les adapter à de nouveaux publics.

McMillan, W. J. (2010). ‘Your thrust is to understand’ – how academically successful students learn. Teaching in Higher Education, 15(1), 1.

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J’avais parlé il y a quelques mois du soutien qu’il était possible de proposer aux étudiant-e-s pour leur prise de notes en classe. J’avais proposé quelques conseils aux enseignant-e-s, issus de la thèse de Mireille Houart. Par la suite, j’ai été amené à collaborer avec le Service Orientation et Conseil de mon université pour préparer une demi-journée de formation sur la prise de notes pour les étudiant-e-s de première année en Sciences Politiques. Cette formation s’est faite à la demande des enseignant-e-s de sciences politiques.

Je partage ici la démarche que nous avons suivie pour impliquer les enseignant-e-s et les étudiant-e-s ainsi qu’un questionnaire d’auto-évaluation que nous avons distribué aux étudiant-e-s pour les aider dans le développement de leur façon de prendre des notes.

  1. Dans un premier temps, nous avons demandé à un enseignant d’être filmé pendant un cours de première année. C’était un cours ex-cathedra avec un groupe d’environ 100 étudiant-e-s. J’ai visionné le film en notant tout ce que l’enseignant-e faisait pour aider les étudiant-e-s à prendre des notes en me basant sur les conseils proposés par Mireille Houart. Nous avons alors rencontré cet enseignant et un de ses collègues et nous avons pu discuter de la prise de notes des étudiant-e-s en visionnant l’enregistrement. Il s’agissait de formaliser des pratiques pédagogiques que les enseignants faisaient déjà et de réfléchir ensemble aux développements possibles de ces pratiques.
  2. Nous avons ensuite préparé la séance pour les étudiant-e-s à laquelle l’enseignant filmé a participé. Cela s’est déroulé de la façon suivante, avec un groupe d’une trentaine d’étudiant-e-s de première année:
    • Après avoir présenté les objectifs de la séance, nous avons diffusé aux étudiant-e-s un extrait du cours enregistré, cours qu’ils avaient déjà suivi pour la plupart trois mois auparavant. Pendant le visionnement (5 minutes), la consigne était qu’ils/elles devaient prendre des notes pour pouvoir répondre ensuite à une question de connaissance sur la matière enseignée. Ils/elles avaient à disposition en version papier les dias présentées par l’enseignant dans l’extrait.
    • A la fin de l’extrait, une question de connaissance leur était posée et un questionnaire d’auto-évaluation de leur prise de notes (PDF – 48Ko) leur était distribué. Ils/elles avaient une quinzaine de minutes pour répondre par écrit individuellement.
    • Nous avons alors donné la réponse à la question de connaissance et nous leur avons proposé de travailler par deux pour comparer leur prise de notes et s’expliquer l’un-e l’autre leurs stratégies (15 minutes).
    • Une mise en commun a ensuite eu lieu centrée autour des quelques questions suivantes: dans le discours du professeur, à quoi avez-vous été attentif-ve-s? comment organisez-vous vos notes sur votre feuille? reformulez-vous le discours ou écrivez-vous mot à mot? à quels moments avez-vous le sentiment qu’il (ne) faut (pas) prendre note de ce que dit le professeur et pourquoi? si vous avez le sentiment de ne pas avoir pris correctement les notes, que faudrait-il faire pour corriger votre stratégie? vos notes sont-elles correctes, complètes et comprises et pourquoi? quels indices du discours du professeur vous incitent à prendre des notes ?
      Le but était de partager les stratégies et d’amener les étudiant-e-s à questionner l’efficacité et la pertinence de leurs propres stratégies.
    • Un second extrait a alors été présenté en demandant aux étudiant-e-s d’essayer d’améliorer leur prise de notes sur base de la discussion. Une question de connaissance leur était soumise également à la fin de l’extrait.
    • Une discussion a suivi le second extrait en essayant de mettre en évidence ce que les étudiant-e-s avaient changé dans leur prise de notes et comment ils/elles allaient s’y prendre pour prendre des notes lors du second semestre.
  3. Pour conclure, nous avons insisté auprès des étudiant-e-s sur les « 5 C » de la prise de notes, tels que proposés par Mireille Houart. Nous les avons résumés dans une dia:

En même temps, nous avons insisté aussi sur l’importance pour eux/elles d’être conscient-e-s de leurs propres stratégies pour pouvoir les adapter en fonction du contexte de cours et les développer au cours de leurs études.

A la fin, nous avons demandé aux étudiant-e-s de remplir un questionnaire d’évaluation de l’atelier. Si la majorité des étudiant-e-s se sont montrés satisfait-e-s des activités proposées, certain-e-s auraient préféré que les extraits vidéo portent sur un cours sans support PowerPoint car selon eux/elles, les problèmes de prise de notes arrivent surtout dans ces cours-là. Par contre, ils/elles ont beaucoup apprécié l’implication de l’enseignant et les échanges assez libres dans les discussions pour parler de leurs stratégies de prise de notes.

De mon point de vue de conseiller pédagogique, j’ai trouvé vraiment important d’impliquer les enseignant-e-s dans le processus (mais c’était loin d’être évident au départ) pour que les étudiant-e-s puissent dialoguer avec eux/elles sur un sujet touchant à leurs stratégies de travail plutôt qu’uniquement aux contenus des cours. La démarche a consisté finalement à formaliser quelque chose de très implicite à l’université: comment les étudiant-e-s travaillent et apprennent, c’est-à-dire le processus d’étude plutôt qu’uniquement l’objet d’étude.

Référence: le questionnaire d’auto-évaluation que nous avons proposé aux étudiant-e-s se base en partie sur l’article suivant: Romainville, M., & Noël, B. (2003). Métacognition et apprentissage de la prise de notes à l’université. Arob@se, 1-2, 87-96.

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En 1993, Michel Saint-Onge a publié un livre qui faisait suite à une série d’articles (1987; « La tâche des élèves se limite-t-elle à l’enregistrement d’informations?« , 1988; « Les élèves ont-ils vraiment besoin des professeurs?« , 1989) maintenant célèbres dont l’idée centrale est résumée par la formule « Moi j’enseigne, mais eux, apprennent-ils? ». L’auteur entendait ainsi attirer l’attention des enseignant-e-s sur une conception bien ancrée dans la profession qui consiste à supposer que les étudiant-e-s apprennent du simple fait qu’ils/elles ont reçu un enseignement. Dans le numéro de Juin 1987 de « Pédagogies collégiales », une revue québécoise, Saint-Onge traduisait les grandes lignes d’un article de Marilla Svinicki paru deux ans plus tôt aux États-Unis. Ce court article est articulé autour de 8 postulats ou conceptions de certain-e-s enseignant-e-s à propos de l’apprentissage de leurs élèves. Je présente ici ces 8 postulats et je propose une réflexion autour des spécificités de l’enseignement supérieur car Saint-Onge s’est surtout intéressé aux enseignements primaire et secondaire. La formulation de ces 8 affirmations peut paraître un peu caricaturale. Il est évident que les enseignant-e-s ne disent pas ce genre de choses telles quelles… Elles sont simplement formulées pour attirer l’attention sur certains aspects de l’apprentissage qui ne sont pas toujours remis en question à l’université.

  1. « La matière que j’enseigne est assez intéressante pour capter l’attention des étudiant-e-s« . Certain-e-s enseignant-e-s du supérieur pensent que leurs étudiant-e-s ont choisi leurs études en toute connaissance de cause et sont motivé-e-s dès le départ par tous les cours de leur programme. Même si le contenu des cours est bien sûr essentiel, il ne suffit pas dans la perspective d’un enseignement. Selon Saint-Onge, l’intérêt et la motivation ne sont pas inhérentes au contenu enseigné mais bien davantage à la façon de l’enseigner. L’auteur propose dès lors de s’interroger sur la pertinence des contenus enseignés au regard de l’expérience des étudiant-e-s, aux techniques d’éveil de la curiosité (comme les advanced organizers) et à la variété des styles d’enseignement quand on s’adresse aux étudiant-e-s.
  2. « Les étudiant-e-s sont capables d’enregistrer et d’intégrer un flot continu d’information pendant plus de 50 minutes« . Enseigner, ça devrait d’abord être organiser les informations en les hiérarchisant et en les adaptant au niveau des étudiant-e-s , rappelle Saint-Onge. C’est ensuite varier les styles et les activités d’apprentissage, idéalement de 20 en 20 minutes.
  3. « Les étudiant-e-s apprennent en écoutant« . Certain-e-s étudiant-e-s privilégient d’autres façons d’apprendre que l’écoute, même active, comme la lecture, la discussion, la résolution de problèmes, etc. Cela vaut dès lors la peine de varier les styles d’enseignement quand on a face à soi un groupe important d’étudiant-e-s.
  4. « Les étudiant-e-s sont des auditeur-trice-s averti-e-s et habiles à prendre des notes« . Apprendre à prendre des notes dans l’enseignement secondaire n’est pas toujours directement utile dans l’enseignement supérieur. Les enseignant-e-s à l’université ont davantage d’exigences et s’attendent souvent à ce que leurs étudiant-e-s sachent prendre des notes de façon adaptée à leur discipline. Or cette compétence demande un certain temps d’apprentissage et une adaptation à la réalité de l’enseignement supérieur (notamment pour la quantité de matière). J’en avais déjà parlé dans une autre note: il est possible de soutenir les étudiant-e-s de première année dans leur apprentissage de la prise de notes.
  5. « Les étudiant-e-s ont les connaissances préalables et le vocabulaire suffisant pour arriver à suivre les exposés« . Les prérequis attendus par les enseignant-e-s à l’université sont parfois un peu trop élevés par rapport à ce que les étudiant-e-s ont réellement appris dans l’enseignement supérieur. Ils/elles ont appris à prendre des notes, à organiser leur travail, à étudier, à rédiger des textes, etc. mais de façon « généraliste ». Il faut en général un certain temps pour qu’ils/elles s’adaptent aux exigences spécifiques de chaque enseignant-e et de chaque discipline. De plus, les enseignant-e-s universitaires n’ont pas toujours le réflexe d’encourager leurs étudiant-e-s à établir des liens entre la matière vue au cours et leurs connaissances préalables.
  6. « Les étudiant-e-s sont capables de diriger seul-e-s leur propre compréhension« . Il n’est aisé pour personne de s’auto-évaluer et d’identifier soi-même des lacunes dans son apprentissage. Cela demande un apprentissage en soi. C’est pour quoi il est vraiment important pour les étudiant-e-s d’avoir des occasions de s’exercer et de tester leurs connaissances avant les examens. Le rôle des enseignant-e-s est alors d’organiser des exercices et de donner du feedback oralement ou par écrit.
  7. « Les étudiant-e-s sont assez sûr-e-s d’eux/elles-mêmes pour le dire lorsqu’ils/elles ne comprennent pas« . En lien avec le postulat précédent, il faudrait non seulement que les étudiant-e-s identifient leurs lacunes et qu’en plus, ils/elles osent l’exprimer (de façon compréhensible) à un-e enseignant-e qui va les évaluer. Cela reste peu évident pour la plupart des étudiant-e-s d’autant plus si les séances de questions/réponses sont collectives. La timidité de certain-e-s les empêche de s’exprimer en groupe. Des discussions en petit groupe, des questions écrites, l’organisation d’enseignement mutuel entre étudiant-e-s, etc. peuvent être mises en place pour amener les étudiant-e-s à poser leurs questions.
  8. « Les étudiant-e-s peuvent traduire ce qu’ils/elles entendent en action« . Les informations verbales reçues au cours ne sont pas nécessairement directement transférées dans des actions pratiques sur un terrain professionnel. Les étudiant-e-s, rappelle Saint-Onge, ont besoin de moments d’exercices pour s’approprier les matières enseignées et les transférer dans d’autres contextes.

Au bout du compte, le message est finalement toujours le même dans les articles de Saint-Onge: ça vaut vraiment la peine de s’intéresser à l’apprentissage des étudiant-e-s et d’essayer de comprendre leurs difficultés pour améliorer son enseignement. De mon point de vue de conseiller pédagogique, ces textes sont assez pratiques à utiliser et me donnent quelques arguments quand je discute avec les  enseignant-e-s à propos de leurs questions sur l’apprentissage des étudiant-e-s.

Saint-Onge, M. (1987). Moi j’enseigne, mais eux, apprennent-ils ? Pédagogie collégiale, 1(1), 13-15.

Saint-Onge, M. (1988). La tâche des élèves se limite-t-elle à l’enregistrement d’informations ? Pédagogie collégiale, 1(3), 13-16.

Saint-Onge, M. (1989). Les élèves ont-ils vraiment besoin des professeurs ? Pédagogie collégiale, 3(2), 9-13.

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Lors d’activités de formation avec des enseignant-e-s ou des assistant-e-s, il y a un sujet de discussion qui est souvent abordé mais qu’on n’arrive jamais à bien traiter parce qu’on n’en connaît pas bien la portée et qu’on se sent un peu impuissant-e face aux questions qu’il soulève. Il s’agit du fait que dans beaucoup de cours à l’université, de plus en plus d’étudiant-e-s viennent accompagné-e-s de leur ordinateur portable… Les personnes qui abordent ce sujet se sentent un peu dérangées par ce phénomène quand elles donnent cours en auditoire: que font les étudiant-e-s exactement? sont-ils/elles en train de prendre des notes, de consulter le site du cours, de répondre à leurs mails, de lire le journal, de ‘chatter’ avec un-e ami-e ou de mettre à jour leur profil facebook? sont-ils/elles attentif-ve-s à ce que l’enseignant-e dit ou fait? sont-ils/elles attentif-ve-s si d’autres étudiant-e-s font une présentation?… Bref, cela met mal à l’aise certain-e-s enseignant-e-s.

Par ailleurs, on entend aussi certain-e-s étudiant-e-s déclarer que cela ne leur pose pas de problème d’accomplir deux tâches en même temps (voire plus) comme rédiger un email en écoutant un-e enseignant-e parler, étudier en écoutant de la musique, lire un article scientifique et répondre à des messages instantanés, etc. Certain-e-s se considèrent presque comme appartenant à une nouvelle génération d’apprenant-e-s « multi-tâches » capables de réaliser plusieurs choses en même temps de façon efficace.

Mais quel est le problème exactement? Il semble surtout que les représentations de certain-e-s enseignant-e-s ne sont pas compatibles avec celles de leurs étudiant-e-s. D’un côté, les premier-ère-s s’imaginent que pour étudier et travailler efficacement sur une tâche, il faut être concentré-e exclusivement sur cette tâche. De l’autre côté, les second-e-s considèrent qu’il est tout à fait possible d’être efficace quand on est sollicité-e par différentes informations en même temps. Qu’en est-il exactement? C’est à cette question qu’ont tenté de répondre par une étude expérimentale récente quatre chercheur-e-s américain-e-s (Bowman, Levine, Waite & Gendron, 2010).

Bowman et ses collègues se sont en particulier intéressé-e-s à l’usage des messageries instantanées par les étudiant-e-s. Leur revue de littérature paraît tout d’abord sans appel tant tous les résultats de recherche semblent aller dans le même sens: malgré que certain-e-s étudiant-e-s prétendent le contraire, travailler sur plusieurs tâches en même temps est en général préjudiciable à l’accomplissement de chacune des tâches et à la concentration. Par exemple, utiliser une messagerie instantanée tout en réalisant une tâche académique a, selon les études consultées, un impact négatif sur la performance et sur l’attention. En outre, la messagerie instantanée a ceci de particulier qu’elle distrait non seulement lorsqu’il faut écrire un message mais en plus lorsque le cerveau est « en attente » d’un message qui « va arriver ». La distraction est donc continue. Par ailleurs, passer d’une tâche à une autre demande souvent un temps de réaction important au moment où l’on se remet à travailler sur une des deux tâches: il faut se reconcentrer et se rappeler de quoi il s’agissait avant de s’y mettre.

Plusieurs explications à la difficulté de travailler sur plusieurs tâches en même temps sont avancées dans les recherches citées. Une des plus plausibles semble être le fait qu’en mode « multi-tâche », plusieurs zones du cerveau doivent être activées et cela prend davantage de temps pour traiter les informations reçues et accomplir les différentes tâches.

Beaucoup d’études sur le sujet ont exploré les effets de la télévision sur l’attention mais très peu ont testé expérimentalement les effets de l’usage de messageries instantanées. C’est pourquoi Bowman et ses collègues ont réparti en trois groupes 89 étudiant-e-s de première et deuxième année d’université provenant de différentes facultés. Dans le premier groupe, les étudiant-e-s devaient répondre à des messages instantanés avant de se lancer dans une tâche de lecture d’un texte scientifique à l’écran. Dans le second groupe, ils/elles recevaient et répondaient à des messages pendant leur lecture. Dans le dernier groupe, aucun message instantané ne leur était envoyé mais ils/elles étaient prévenu-e-s qu’il était possible qu’ils/elles en reçoivent. Selon les étudiant-e-s eux/elles-mêmes, les messages envoyés par les chercheur-e-s étaient suffisamment réalistes et proches d’une vraie conversation qu’ils/elles pourraient avoir avec un-e ami-e. Par ailleurs, deux tiers environ des étudiant-e-s ont déclaré au début de l’étude qu’ils/elles rédigeaient et recevaient souvent des messages instantanés en étudiant.

Les résultats ne confirment qu’en partie les hypothèses. D’une part, comme attendu, les étudiant-e-s qui recevaient et répondaient à des messages pendant la tâche ont pris davantage de temps que les autres pour la réaliser. Ce sont les étudiant-e-s du groupe qui avait reçu des messages avant la tâche qui ont travaillé le plus rapidement, probablement grâce au fait qu’une fois avoir reçu et répondu aux messages, ils/elles savaient qu’ils/elles ne seraient plus dérangé-e-s ensuite. D’autre part, et c’est plus surprenant, aucune différence significative entre les trois groupes n’a été observée en ce qui concerne les performances au test final à propos de la lecture du texte. Mais aucune contrainte de temps n’avait été donnée aux étudiant-e-s pour lire le texte…

Au final, l’étude se révèle intéressante mais ne propose aucun conseil ni aux étudiant-e-s en matière de méthodes de travail, ni aux enseignant-e-s en matière d’animation de groupes. Il me semble pourtant que plusieurs pistes pourraient être retirées de cette réflexion. Pour les étudiant-e-s, il s’agit comme toujours de réfléchir à son organisation personnelle dans son travail de manière à pouvoir être concentré à certains moments sur des tâches académiques et se laisser du temps par ailleurs pour la détente. Une ressource assez connue sur le sujet est le livre de Marc Romainville (1993) Savoir parler de ses méthodes: métacognition et performance à l’université qui propose un travail de réflexion personnelle sur ses méthodes d’apprentissage pour développer l’autonomie des étudiant-e-s. Pour les enseignant-e-s, une question centrale me semble être celle de l’organisation des activités d’apprentissage des étudiant-e-s. Quelles sont les raisons pour lesquelles les étudiant-e-s flânent sur leur ordinateur plutôt que d’être attentif-ve-s au cours? La question peut paraître provocante mais il y a peut-être lieu de réfléchir à des méthodes d’animation de cours qui mettent davantage les étudiant-e-s en activité: lectures, questions-réponses, discussions par paires ou en groupes, réflexions individuelles, etc. peuvent se marier très bien avec des moments de présentation d’informations. Ces activités pourraient même recourir à certains moments à l’usage d’un ordinateur portable en classe, par exemple pour un travail de groupe ou pour initier des discussions virtuelles ou des activités de production de documents qui se prolongeront en dehors de la classe. La question n’est donc plus « pourquoi est-ce que les étudiant-e-s ne sont pas attentif-ve-s à mon cours? » mais « quelles activités puis-je proposer aux étudiant-e-s pour qu’ils/elles développent leur autonomie, leur proactivité et leur motivation par rapport à leur apprentissage? ».

Bowman, L. L., Levine, L. E., Waite, B. M., & Gendron, M. (2010). Can students really multitask? An experimental study of instant messaging while reading. Computers & Education, 54(4), 927-931. doi:10.1016/j.compedu.2009.09.024

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Il y a bientôt 20 ans qu’est sorti le livre d’Annie Bireaud « Les méthodes pédagogiques dans l’enseignement supérieur » (Bireaud, 1990). Outre ce livre, elle avait publié la même année un article sur le même sujet (PDF – 1,4Mo) dans la Revue française de pédagogie. En relisant l’article 20 ans après, je me dis que son analyse est encore tout à fait actuelle mais en même temps, je me demande parfois ce qui a vraiment changé depuis. En 1990, je commençais moi-même des études universitaires (en philosophie et sciences de la communication) et d’un certain point de vue, j’ai un peu de mal à voir ce qui a changé depuis cette époque en termes de méthodes pédagogiques. C’est peut-être un peu pessimiste de ma part, je l’admets, car je sais bien que l’apprentissage par problème a fait son entrée dans les facultés de médecine et d’ingénieur-e-s, que des formations pédagogiques ont vu le jour, que de nombreux-ses enseignant-e-s s’interrogent sur la façon d’animer un grand groupe, que l’évaluation des enseignements s’est répandue partout, que les innovations pédagogiques sont valorisées, que des services de soutien à l’enseignement existent à présent un peu partout, que les usages des technologies font partie du paysage pédagogique, que la pédagogie universitaire se développe peu à peu en tant que discipline à part entière, que des colloques sont organisés, qu’une littérature abondante s’est développée, etc. Mais d’un autre côté, je vois parfois un grand attachement à la tradition universitaire issue de la philosophie de von Humboldt et un manque d’habitude à se poser des questions pédagogiques (sur ce point, je ne demande qu’à être contredit bien sûr…). En d’autres mots, dans les recoins des universités, la pédagogie reste peut-être un sujet un peu tabou ou quelque chose qui « va de soi » et qui ne demande pas à être remis en cause.

Mais voici plutôt quelques notes que j’ai prises en lisant l’article d’Annie Bireaud. Le texte tente de répondre à trois questions: comment le modèle pédagogique traditionnel est remis en cause (en 1990), quelles évolutions peut-on observer dans les pratiques pédagogiques et quels nouveaux modèles d’enseignement conduisent à l’émergence de nouvelles pratiques?

Pour Annie Bireaud, le modèle traditionnel (les étudiant-e-s apprennent en étant baigné-e-s dans un environnement de recherche et de développement de connaissances scientifiques) est remis en cause essentiellement par deux phénomènes qui ont changé le contexte et les missions de l’enseignement supérieur: la massification et la connexion des formations supérieures avec de nouveaux débouchés professionnels. D’une part, le modèle traditionnel était bien adapté à une certaine catégorie d’étudiant-e-s qui étaient capables d’apprendre seul-e-s et de comprendre par eux/elles-mêmes ce qui était attendu d’eux/elles. Avec la massification, cette catégorie d’étudiant-e-s qui peut prétendre à la réalisation d’un doctorat ne représente plus que 5 à 10% des étudiant-e-s de première année. Il s’agit donc d’adapter la pédagogie aux 90% d’étudiant-e-s qui ont davantage besoin de soutien. D’autre part, les besoins parfois très spécialisés du monde professionnel demandent des formations universitaires qui développent davantage ou qui mettent davantage en évidence des compétences valorisables sur le marché du travail. Les Hautes Écoles se sont ainsi positionnées différemment des Universités dans leur offre de formation supérieure. Les compétences multi-disciplinaires sont aussi mises en évidence dans de très nombreux cursus. Ces deux changements, s’ils sont bien réels, ne vont pas pour autant de soi dans des institutions qui ont fonctionné sur un certain mode pendant… plusieurs siècles.

Pour réduire les taux d’échec (puisqu’en Europe le choix est de laisser l’accès à l’enseignement supérieur le plus ouvert possible) et s’adapter à des publics de plus en plus variés (jeunes étudiant-e-s ayant des parcours dans l’enseignement secondaire parfois très différents ou adultes en reprise d’études), Annie Bireaud insiste sur l’intérêt de diversifier les méthodes pédagogiques. Depuis les années 90, c’est effectivement ce que l’on peut observer. Pour l’auteure, trois grands groupes de méthodes se sont développés: le soutien méthodologique aux étudiant-e-s (pour l’organisation de leurs études, la prise de notes, la mémorisation, etc.), l’apprentissage en groupe soutenu ou non par des technologies et l’individualisation (par exemple, la modularisation en formation continue).

Enfin, Annie Bireaud propose deux modèles pédagogiques sur base desquels de nouvelles pratiques d’enseignement pourraient voir le jour à l’université: la pédagogie par objectifs et la pédagogie du projet. Elle esquissait ainsi vers quoi devrait se développer la pédagogie universitaire dans les années à venir. 20 ans après, je dirais que beaucoup de travail reste à faire (si je considère ce qui se fait dans ma propre université) mais en même temps que ces deux modèles, sous des formes très variées et de façon pas toujours consciente, ont tendance effectivement à se développer dans les universités.

Pour finir, j’ai été un peu surpris par le fait que l’auteure ne mentionne la formation ou le soutien pédagogique aux enseignant-e-s que dans la toute dernière phrase de l’article et sous forme de question: « Si l’on envisage une formation pédagogique des enseignants du supérieur, comment la définir? en fonction de quels modèles?… » (Bireaud, 1990b, p. 20). Quand on considère les progrès qui ont été faits en la matière, en particulier dans les universités anglo-saxonnes, j’ai trouvé étonnant que ce point ne soit qu’abordé de façon marginale. Mais d’un autre côté, cela montre aussi que la pédagogie universitaire a pris de plus en plus ses marques dans l’enseignement supérieur depuis 1990. Et ça c’était pour finir sur une touche d’optimisme 🙂

Bireaud, A. (1990a). Les méthodes pédagogiques dans l’enseignement supérieur. Paris: Éd. d’organisation.

Bireaud, A. (1990b). Pédagogie et méthodes pédagogiques dans l’enseignement supérieur. Revue française de pédagogie, 91(avril-mai-juin), 13-23. Retrouvé de http://www.inrp.fr/publications/edition-electronique/revue-francaise-de-pedagogie/INRP_RF091_2.pdf.

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Le 24 septembre dernier, j’étais à Fribourg pour assister à la conférence de Mireille Houart qui présentait plusieurs parties de sa recherche doctorale en didactique des sciences « Impact de la communication pédagogique sur les notes et les acquis des étudiant-e-s à l’issue d’un cours magistral » (Facultés Universitaires de Namur – FUNDP). Parmi les compétences méthodologiques que les étudiant-e-s doivent apprendre rapidement à développer lors de leur entrée à l’université, la prise de notes est probablement une des plus « techniques ». Il faut être capable en même temps d’écouter un-e enseignant-e qui parle, de lire le contenu des dias projetées, d’en faire un résumé personnel mentalement et d’écrire ce résumé. La charge cognitive qui en découle est pour beaucoup d’étudiant-e-s difficile à gérer. Quand on sait par ailleurs que le taux de réussite en première année universitaire dans les filières scientifiques aux Facultés de Namur est de seulement 40%, on comprend mieux pourquoi cette problématique mérite d’être étudiée.

Les dias de cette conférence, ainsi que les articles relatifs sont disponibles sur le blog du Centre de Didactique universitaire de l’Université de Fribourg. Je fais ici un résumé des quelques points essentiels que j’ai notés.

  1. L’hypothèse centrale de la recherche est que « La qualité de la communication pédagogique est un facteur déterminant pour l’apprentissage ». L’intérêt de cette hypothèse est qu’elle permet de s’interroger sur un facteur en partie contrôlable par les enseignant-e-s. Pour vérifier cette hypothèse, deux éléments ont été observés: la qualité des notes des étudiant-e-s et les acquis de ceux/celles-ci. Le but était d’émettre ensuite des suggestions pour améliorer la communication pédagogique lors de cours ex-cathedra. En résumé, la méthodologie consistait à comparer les informations données par les enseignant-e-s au cours (enregistrement vidéo des séances, notes écrites au tableau, contenus des dias présentées) avec le contenu des notes écrites par les étudiant-e-s et leur note à l’examen de fin d’année.
  2. Il est possible de décrire la communication pédagogique au moyen de 7 caractéristiques:
    • le niveau de l’énoncé oral (les notions expliquées par l’enseignant-e ainsi que les commentaires métalinguistiques ou expressions à propos des notions comme « Vous savez, nous avions vu ça au cours précédent« );
    • le niveau hiérarchique de l’énoncé (sa place dans la table des matières du cours ou l’importance relative des informations données);
    • les caractères de reprise (répétitions ou reformulations);
    • les indices inhibiteurs ou déclencheurs de la prise de notes (« Attention, ceci est important » ou « Prenez bien note de cette définition« );
    • les canaux utilisés (énoncé oral, dias, notes au tableau);
    • le nombre de canaux utilisés pour transmettre l’information;
    • les divers modes de représentation symbolique propres à la discipline concernée (ici, en chimie, il s’agissait de tableaux, schémas, symboles, etc.).
  3. Il est possible de décrire la qualité de la prise de notes des étudiant-e-s selon 4 critères:
    • l’ampleur (exhaustivité ou non de la prise de notes);
    • la fidélité du sens respectée ou non;
    • la pertinence (informations utiles ou non);
    • le choix du canal utilisé par l’enseignant-e (énoncé oral, tableau, dias).
  4. L’analyse des données met en lumière plusieurs constats très éclairants sur la façon dont les étudiant-e-s prennent des notes lors des cours ex-cathedra. Voici plusieurs de ces constats, assez emblématiques:
    • Les étudiant-e-s adaptent leurs notes en fonction de la nature et du nombre de canaux utilisés par l’enseignant-e. Par exemple, si l’enseignant-e n’utilise que le canal oral, il y a 8% de chances que ce qu’il/elle dise se retrouve dans les notes des étudiant-e-s. Alors que s’il/elle utilise les 3 canaux (explications orales soutenues par une dia et un schéma au tableau par exemple), il y a 100% de chances que l’information soit notée… En d’autres mots, les étudiant-e-s ne trouvent pas utile de noter les commentaires que l’enseignant-e fait si ceux-ci ne se retrouvent ni sur les dias ni au tableau…
    • Si la hiérarchie des informations (importantes ou moins importantes, titres, définitions) n’est pas perçue par les étudiant-e-s, leur prise de note est aléatoire. Dans bien des cas, la prise de notes se résume à recopier le matériel de cours (dias ou notes écrites au tableau) car c’est ce qui paraît le plus important.
    • Les informations trop symboliques ou certaines définitions qui recourent à des termes très spécifiques comme (ici en chimie) « solution », « saturation », « solvant », « précipitation », etc. sont partiellement notées. Certain-e-s étudiant-e-s disent notamment « C’est impossible de noter et comprendre en même temps!« . En première année d’université, il faut en effet comprendre que le mot « précipitation » en chimie n’a pas le même sens qu’en météorologie… Et ceci n’est pas toujours explicitement expliqué par les enseignant-e-s, ce qui fait que nombre d’étudiant-e-s notent sans comprendre et ne comprennent pas nécessairement mieux lorsqu’ils/elles relisent leurs notes en vue de l’examen.

La prise de notes et son exploitationSur base de ces constats, Mireille propose de travailler sur deux plans: avec les étudiant-e-s et avec les enseignant-e-s. Pour les étudiant-e-s, des formations propédeutiques peuvent être organisées. Un exemple est celui présenté sur Canal-U. Il s’agit d’un cours d’une heure environ proposé par Régine Acquier et qui s’intitule « La prise de notes et son exploitation« . Au programme, exercices et documentation pour prendre conscience de ses stratégies de prise de notes et les améliorer. De nombreuses universités proposent par ailleurs aux étudiant-e-s des modules de formation ou des guides pour développer leurs méthodes de travail (un exemple à l’Université d’Ottawa, un autre à l’Université de Clermont-Ferrand).

Pour les enseignant-e-s, Mireille Houart propose plusieurs pistes d’actions:

  • Il peut être vraiment efficace de ralentir le rythme de la présentation orale lorsque des notions nouvelles sont exposées. Si des notes sont prises au tableau, il est utile de ne pas parler en écrivant (c’est d’ailleurs un conseil donné en général à tout-e enseignant-e qui utilise le tableau noir).
  • Un support écrit, polycopié ou copie des dias, peut être distribué aux étudiant-e-s avant le cours pour rendre claire la structure hiérarchique du cours et les liens existant entre les différentes notions. Ce support peut aussi contenir les schémas, tableaux, graphiques, etc. vus et commentés pendant le cours oral. En tout cas, il est utile de s’interroger sur le besoin ou non de faire recopier aux étudiant-e-s ces éléments: cela prend en général du temps et détourne l’attention des étudiant-e-s des explications orales.
  • Même si cela peut paraître « scolaire », il peut vraiment être utile d’utiliser des déclencheurs explicites de la prise de notes, surtout en première année d’université: « prenez note de ceci » ou le fameux « attention, ceci est vraiment important pour l’examen« … Relativement peu d’étudiant-e-s prennent spontanément des notes de façon intelligente. Un petit coup de pouce en première année peut vraiment aider les autres.
  • Même si, encore une fois, cela peut paraître « scolaire », ce n’est jamais une perte de temps de rappeler quelques règles de fonctionnement de base des cours universitaires: comment utiliser les documents de cours, quel est leur statut par rapport au cours oral, comment préparer le cas échéant le cours suivant, quel est le statut de la prise de notes par rapport aux documents de cours et aux séances de cours, etc. A nouveau, ceci peut vraiment aider les étudiant-e-s de première année.

Houart, M. (2009). Étude de la communication pédagogique à l’université à travers les notes et les acquis des étudiants à l’issue du cours magistral de chimie. Thèse de doctorat en Sciences, Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix, Namur.

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Dans l’introduction d’un ouvrage paru il y a un peu plus de 10 ans, Bernadette Noël et Philippe Parmentier proposaient une réflexion sur les nouvelles compétences et stratégies d’étude que les étudiant-e-s devaient développer lors de leur entrée dans l’enseignement supérieur. Pour eux/elles, beaucoup de choses changent: la vie sociale, les locaux scolaires, la relation avec les enseignant-e-s, la relation avec leurs collègues étudiant-e-s, etc. Et du point de vue des études, on passe d’un encadrement proche à très peu d’encadrement, d’une grande précision des consignes de travail à un ensemble d’informations parfois floues et sans cohérence d’un cours à l’autre.

Dans ce contexte de ruptures, passer du statut d’élève à celui d’étudiant, c’est changer de rôle social mais, c’est aussi nécessairement changer ses manières d’apprendre. L’étudiant-apprenant ne peut se satisfaire des routines et stratégies qu’il a mises en place tout au long de ses études secondaires. Pour répondre pleinement aux exigences d’une formation universitaire, notre hypothèse est que l’étudiant-apprenant doit au minimum considérer l’exécution de toute tâche d’apprentissage comme un acte intentionnel et personnel, s’inscrivant dans la réalisation d’un projet à plus long terme. En outre, pour être efficace, cet étudiant-apprenant doit adopter une approche stratégique de l’apprentissage, c’est-à-dire adopter des comportements adaptés aux exigences, souvent changeantes et implicites, du contexte académique auquel il est confronté. La perception que l’étudiant a de lui-même et du contexte est une dimension-clé du processus (Noël & Parmentier, 1997, p. 12).

Bien sûr, l’enseignement secondaire de second cycle (post-obligatoire en Suisse) est censé apporter à ces étudiant-e-s un certain nombre de compétences comme la prise de notes, l’étude de grandes quantités de matière, la synthèse, la présentation orale de travaux, la rédaction de réponses élaborées à des questions complexes, etc. Mais le changement reste assez rude pour bon nombre d’étudiant-e-s.

Bien sûr aussi, l’autonomie dans l’étude est une compétence clé que les étudiant-e-s doivent progressivement développer. Mais n’est-ce pas aussi dans une certaine mesure le rôle des enseignant-e-s de proposer des outils pour apprendre? Les recherches présentées dans ce livre montrent par exemple que les étudiant-e-s auront tendance à calquer leur façon d’apprendre sur la conception de l’enseignement que les enseignant-e-s mettent en oeuvre dans leurs cours. En d’autres mots, les étudiant-e-s développent des stratégies d’étude qu’ils/elles croient (à tort ou à raison) conformes aux exigences des enseignant-e-s. Les cours ex-cathedra auraient ainsi tendance à rendre les étudiant-e-s plus passif-ve-s alors que les cours où les étudiant-e-s sont amenés à discuter ou à collaborer développeraient chez eux/elles des compétences de questionnement et de réflexion.

Mais parmi les compétences-clés que les étudiant-e-s ont intérêt à développer pour réussir à l’université, c’est probablement la métacognition qui est la plus importante. La métacognition se rapporte de façon générale à la connaissance que nous avons de notre propre manière de fonctionner mentalement, en particulier de notre façon d’apprendre. La métacognition aide à développer ses propres stratégies d’apprentissage et d’étude. Pour aider les étudiant-e-s à développer cette compétence, une stratégie toute simple peut être de leur demander régulièrement (même anonymement par écrit) ce qu’ils/elles retiennent d’une séance de cours. Pour les étudiant-e-s, cela les aide à se poser la question au moins de temps en temps: que faut-il retenir de cette séance, quel était le message principal, que risque-t-on de me demander à l’examen, etc.? Pour l’enseignant-e, cela peut aider à savoir si les étudiant-e-s ont effectivement compris le message qu’il/elle voulait faire passer lors d’une séance, et de rectifier le message, le cas échéant, lors du cours suivant.

Noël, B., & Parmentier, P. (1997). Introduction. Dans M. Frenay, B. Noël, P. Parmentier, & M. Romainville (Éd.), L’étudiant-apprenant. Grilles de lecture pour l’enseignement universitaire (pp. 7-14). Bruxelles: De Boeck Université.

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