Le 24 septembre dernier, j’étais à Fribourg pour assister à la conférence de Mireille Houart qui présentait plusieurs parties de sa recherche doctorale en didactique des sciences « Impact de la communication pédagogique sur les notes et les acquis des étudiant-e-s à l’issue d’un cours magistral » (Facultés Universitaires de Namur – FUNDP). Parmi les compétences méthodologiques que les étudiant-e-s doivent apprendre rapidement à développer lors de leur entrée à l’université, la prise de notes est probablement une des plus « techniques ». Il faut être capable en même temps d’écouter un-e enseignant-e qui parle, de lire le contenu des dias projetées, d’en faire un résumé personnel mentalement et d’écrire ce résumé. La charge cognitive qui en découle est pour beaucoup d’étudiant-e-s difficile à gérer. Quand on sait par ailleurs que le taux de réussite en première année universitaire dans les filières scientifiques aux Facultés de Namur est de seulement 40%, on comprend mieux pourquoi cette problématique mérite d’être étudiée.
Les dias de cette conférence, ainsi que les articles relatifs sont disponibles sur le blog du Centre de Didactique universitaire de l’Université de Fribourg. Je fais ici un résumé des quelques points essentiels que j’ai notés.
- L’hypothèse centrale de la recherche est que « La qualité de la communication pédagogique est un facteur déterminant pour l’apprentissage ». L’intérêt de cette hypothèse est qu’elle permet de s’interroger sur un facteur en partie contrôlable par les enseignant-e-s. Pour vérifier cette hypothèse, deux éléments ont été observés: la qualité des notes des étudiant-e-s et les acquis de ceux/celles-ci. Le but était d’émettre ensuite des suggestions pour améliorer la communication pédagogique lors de cours ex-cathedra. En résumé, la méthodologie consistait à comparer les informations données par les enseignant-e-s au cours (enregistrement vidéo des séances, notes écrites au tableau, contenus des dias présentées) avec le contenu des notes écrites par les étudiant-e-s et leur note à l’examen de fin d’année.
- Il est possible de décrire la communication pédagogique au moyen de 7 caractéristiques:
- le niveau de l’énoncé oral (les notions expliquées par l’enseignant-e ainsi que les commentaires métalinguistiques ou expressions à propos des notions comme « Vous savez, nous avions vu ça au cours précédent« );
- le niveau hiérarchique de l’énoncé (sa place dans la table des matières du cours ou l’importance relative des informations données);
- les caractères de reprise (répétitions ou reformulations);
- les indices inhibiteurs ou déclencheurs de la prise de notes (« Attention, ceci est important » ou « Prenez bien note de cette définition« );
- les canaux utilisés (énoncé oral, dias, notes au tableau);
- le nombre de canaux utilisés pour transmettre l’information;
- les divers modes de représentation symbolique propres à la discipline concernée (ici, en chimie, il s’agissait de tableaux, schémas, symboles, etc.).
- Il est possible de décrire la qualité de la prise de notes des étudiant-e-s selon 4 critères:
- l’ampleur (exhaustivité ou non de la prise de notes);
- la fidélité du sens respectée ou non;
- la pertinence (informations utiles ou non);
- le choix du canal utilisé par l’enseignant-e (énoncé oral, tableau, dias).
- L’analyse des données met en lumière plusieurs constats très éclairants sur la façon dont les étudiant-e-s prennent des notes lors des cours ex-cathedra. Voici plusieurs de ces constats, assez emblématiques:
- Les étudiant-e-s adaptent leurs notes en fonction de la nature et du nombre de canaux utilisés par l’enseignant-e. Par exemple, si l’enseignant-e n’utilise que le canal oral, il y a 8% de chances que ce qu’il/elle dise se retrouve dans les notes des étudiant-e-s. Alors que s’il/elle utilise les 3 canaux (explications orales soutenues par une dia et un schéma au tableau par exemple), il y a 100% de chances que l’information soit notée… En d’autres mots, les étudiant-e-s ne trouvent pas utile de noter les commentaires que l’enseignant-e fait si ceux-ci ne se retrouvent ni sur les dias ni au tableau…
- Si la hiérarchie des informations (importantes ou moins importantes, titres, définitions) n’est pas perçue par les étudiant-e-s, leur prise de note est aléatoire. Dans bien des cas, la prise de notes se résume à recopier le matériel de cours (dias ou notes écrites au tableau) car c’est ce qui paraît le plus important.
- Les informations trop symboliques ou certaines définitions qui recourent à des termes très spécifiques comme (ici en chimie) « solution », « saturation », « solvant », « précipitation », etc. sont partiellement notées. Certain-e-s étudiant-e-s disent notamment « C’est impossible de noter et comprendre en même temps!« . En première année d’université, il faut en effet comprendre que le mot « précipitation » en chimie n’a pas le même sens qu’en météorologie… Et ceci n’est pas toujours explicitement expliqué par les enseignant-e-s, ce qui fait que nombre d’étudiant-e-s notent sans comprendre et ne comprennent pas nécessairement mieux lorsqu’ils/elles relisent leurs notes en vue de l’examen.
Sur base de ces constats, Mireille propose de travailler sur deux plans: avec les étudiant-e-s et avec les enseignant-e-s. Pour les étudiant-e-s, des formations propédeutiques peuvent être organisées. Un exemple est celui présenté sur Canal-U. Il s’agit d’un cours d’une heure environ proposé par Régine Acquier et qui s’intitule « La prise de notes et son exploitation« . Au programme, exercices et documentation pour prendre conscience de ses stratégies de prise de notes et les améliorer. De nombreuses universités proposent par ailleurs aux étudiant-e-s des modules de formation ou des guides pour développer leurs méthodes de travail (un exemple à l’Université d’Ottawa, un autre à l’Université de Clermont-Ferrand).
Pour les enseignant-e-s, Mireille Houart propose plusieurs pistes d’actions:
- Il peut être vraiment efficace de ralentir le rythme de la présentation orale lorsque des notions nouvelles sont exposées. Si des notes sont prises au tableau, il est utile de ne pas parler en écrivant (c’est d’ailleurs un conseil donné en général à tout-e enseignant-e qui utilise le tableau noir).
- Un support écrit, polycopié ou copie des dias, peut être distribué aux étudiant-e-s avant le cours pour rendre claire la structure hiérarchique du cours et les liens existant entre les différentes notions. Ce support peut aussi contenir les schémas, tableaux, graphiques, etc. vus et commentés pendant le cours oral. En tout cas, il est utile de s’interroger sur le besoin ou non de faire recopier aux étudiant-e-s ces éléments: cela prend en général du temps et détourne l’attention des étudiant-e-s des explications orales.
- Même si cela peut paraître « scolaire », il peut vraiment être utile d’utiliser des déclencheurs explicites de la prise de notes, surtout en première année d’université: « prenez note de ceci » ou le fameux « attention, ceci est vraiment important pour l’examen« … Relativement peu d’étudiant-e-s prennent spontanément des notes de façon intelligente. Un petit coup de pouce en première année peut vraiment aider les autres.
- Même si, encore une fois, cela peut paraître « scolaire », ce n’est jamais une perte de temps de rappeler quelques règles de fonctionnement de base des cours universitaires: comment utiliser les documents de cours, quel est leur statut par rapport au cours oral, comment préparer le cas échéant le cours suivant, quel est le statut de la prise de notes par rapport aux documents de cours et aux séances de cours, etc. A nouveau, ceci peut vraiment aider les étudiant-e-s de première année.
Houart, M. (2009). Étude de la communication pédagogique à l’université à travers les notes et les acquis des étudiants à l’issue du cours magistral de chimie. Thèse de doctorat en Sciences, Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix, Namur.