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Posts Tagged ‘stratégies d'enseignement’

Le 8 novembre 2017, le cours « Se former pour enseigner dans le supérieur » débutera sur la plate-forme FUN-MOOC. Il m’a été demandé dans ce cadre d’enregistrer une vidéo, sous la forme d’une interview avec Saïda Mraihi (« Une journée avec… la responsable du service pédagogie numérique d’Arts et Métiers » sur EducPros.fr), à propos des « Techniques de Rétroaction en Classe ». Le présent article reprend par écrit les grandes lignes de cette interview.

Vous avez publié plusieurs articles sur le thème de rendre actif les étudiant·e·s et en particulier les techniques de rétroactions en classe. Pour commencer, est-ce que vous pouvez nous expliquer qu’est-ce que sont les TRC?

Les TRC, ou CATs en anglais (Classroom Assessment Techniques), sont de courtes activités à mener en classe avec les étudiant·e·s (voir quelques ressources et exemples ici). Elles durent entre 5 et 20 minutes pour la plupart. On peut les situer à peu près entre les méthodes d’évaluation formative des apprentissages et les méthodes actives d’enseignement. L’idée principale est qu’en cours d’apprentissage, les étudiant·e·s aient l’opportunité d’obtenir des informations pour savoir dans quelle mesure ils/elles sont en train d’atteindre les objectifs d’apprentissage visés dans un cours et qu’en même temps les enseignant·e·s aient une idée de là où en sont les étudiant·e·s afin, le cas échéant, d’apporter des explications complémentaires.

On peut résumer la philosophie de Thomas Angelo et Patricia Cross, les auteurs du livre qui a popularisé le concept en 1988 (2ème édition en 1993), par la formule « Teaching without learning is just talking« . Pour s’assurer qu’il y ait bien apprentissage chez les étudiant·e·s dans un cours, il faut une certaine interaction avec eux/elles. Car on sait bien que ça ne suffit pas de voir « qu’ils/elles ont l’air d’écouter » ou de leur demander « est-ce que vous avez compris? ».

Les TRC se définissent par sept grandes caractéristiques communes :

  • Centrées sur l’apprenant·e : le but premier est de conduire les apprenant·e·s vers une amélioration de leur apprentissage et de leurs stratégies d’apprentissage;
  • Conduites par l’enseignant·e : c’est l’enseignant·e, en toute autonomie, qui organise la mise en œuvre de TRC dans sa classe;
  • Soutenant un bénéfice mutuel : utile autant pour l’étudiant·e pour améliorer ses stratégies d’apprentissage que pour l’enseignant·e pour améliorer ses stratégies d’enseignement;
  • Formatives : il n’y a pas de note associée à ces activités. La plupart du temps, les TRC sont anonymes, le but étant éventuellement de préparer au mieux les étudiant·e·s à une épreuve notée;
  • Spécifiques au contexte : le choix d’une TRC dépend de l’enseignant·e, des besoins des étudiant·e·s, des objectifs de l’enseignement, du matériel ou de l’espace à disposition, etc.;
  • Basées sur un processus permanent d’aller et retour entre l’enseignant·e et les étudiant·e·s pour développer l’apprentissage et l’enseignement;
  • Ancrées dans une pratique enseignante cohérente et planifiée sur un certain nombre de séances de cours.

Ceci dit, il y a une grande variété de TRC (50 dans le livre d’Angelo & Cross) et une multitude de variantes possibles que chaque enseignant·e peut adapter à son contexte et à ses étudiant·e·s. Elles peuvent être des activités écrites ou orales, individuelles ou collectives, avec un grand ou un petit groupe, basées sur une auto-évaluation ou une évaluation entre pairs, et certaines peuvent combiner ces différentes options.

Quels peuvent être les intérêts à les utiliser pour les enseignant·e·s et pour les étudiant·e·s ?

Le plus souvent, ce qui est mis en avant, c’est un bénéfice mutuel. Avec les TRC, les enseignant·e·s d’une part, connaissent mieux les besoins des étudiant·e·s et développent leurs enseignements et les étudiant·e·s d’autre part, peuvent voir où ils/elles en sont par rapport à l’atteinte des objectifs et apprennent à mieux se connaître en tant qu’apprenant·e.

Plus largement, les TRC sont en fait basées sur sept présupposés issus de la recherche dans le domaine de la pédagogie:

  1. La qualité de l’apprentissage des étudiant·e·s dépend en grande partie de la qualité de l’enseignement;
  2. Pour accroître leur efficacité, les enseignant·e·s devraient définir des objectifs pédagogiques puis fournir du feedback aux étudiant·e·s à propos de la façon dont ils/elles sont en train de les atteindre;
  3. Pour améliorer leur apprentissage, les étudiant·e·s ont besoin de recevoir un feedback approprié, rapide et régulier mais ils/elles doivent aussi apprendre à évaluer eux/elles-mêmes leur propre apprentissage;
  4. Le type d’évaluation des enseignements qui permet le plus d’améliorer l’enseignement est celui qui correspond aux problèmes et aux questions que l’enseignant·e se posent à lui/elle-même, ce qui veut simplement dire que le mieux est que l’enseignant·e puisse interagir directement avec les étudiant·e·s à ce sujet;
  5. Le défi intellectuel et systématique constitue un moteur important de motivation, de développement et d’innovation chez les étudiant·e·s, et l’évaluation formative en classe peut y contribuer;
  6. Les TRC ne demandent pas une formation particulière et elles peuvent être mises en place en classe par des enseignant·e·s de toutes les disciplines;
  7. En collaborant avec des collègues et en impliquant activement les étudiant·e·s dans les TRC, les enseignant·e·s peuvent développer leurs compétences et leur satisfaction à enseigner.

Ce qui est un peu paradoxal, c’est que, si les TRC ont été au départ imaginées et développées sur base de recherches en pédagogie, elles n’ont fait que relativement peu l’objet d’études une fois le livre publié en 1988… Ceci dit, comme je le mentionnais juste avant, les TRC relèvent à la fois des méthodes actives et de l’évaluation formative en classe. Sur ces deux thèmes, il existe par contre beaucoup de recherches. Par exemple, Coe et al. (2014) ont mis en évidence six éléments importants d’une bonne évaluation formative:

  1. L’objectif est clairement et explicitement centré sur l’apprentissage des étudiant·e·s (pas sur les notes);
  2. Le feedback est lié à des objectifs des étudiant·e·s qui sont clairs, spécifiques et qui représentent un défi particulier ; le rôle explicite de l’enseignant·e est de les amener à atteindre ces objectifs;
  3. L’attention est portée sur l’apprentissage et pas sur la personne de l’étudiant·e ou sur la comparaison entre eux/elles;
  4. Les enseignant·e·s sont encouragé·e·s à être aussi en continu des apprenant·e·s ;
  5. Le feedback est délivré par un·e « mentor » (enseignant·e, pair ou expert·e) dans un environnement positif basé sur la confiance ; ceci renvoie à la notion d’ »amitié critique »;
  6. Un environnement de support à l’apprentissage est promu par la direction (du programme ou de l’institution).

Quand l’enseignant·e peut-il/elle utiliser les TRC et pour quoi faire?

La première question à se poser est vraiment de savoir pourquoi on veut mettre en œuvre des TRC dans sa classe. Dans son étude, Steadman (1998) en liste cinq principales:

  • Obtenir un feedback à propos de la satisfaction des étudiant·e·s et de leur perception de l’efficacité des activités pédagogiques organisées en classe;
  • Améliorer son enseignement;
  • Monitorer l’apprentissage des étudiant·e·s;
  • Améliorer les résultats d’apprentissage des étudiant·e·s (mémorisation par exemple, ou stratégies d’apprentissage);
  • Améliorer la communication et la collaboration entre étudiant·e·s

Un conseil souvent donné est de clarifier son ou ses objectifs personnels et de les expliciter aux étudiant·e·s dès la première séance de cours (et de le rappeler régulièrement).

Du point de vue des enseignant·e·s, les avantages des TRC mentionnées par Steadman sont:

  1. Donner le sentiment aux étudiant·e·s de pouvoir s’exprimer en classe à propos de leur compréhension et de leur satisfaction, ce qui rend l’ambiance de classe plus agréable;
  2. S’engager dans un processus continu de réflexion à propos de leur enseignement;
  3. Voir à quel point les étudiant·e·s peuvent s’impliquer dans leur apprentissage;
  4. Rejoindre une communauté d’enseignant·e·s impliqué·e·s dans leur enseignement.

Il y a aussi des désavantages potentiels : le manque de temps et la gestion des feedback négatifs sur l’enseignement.

Une fois ces objectifs définis, les TRC peuvent être utilisées quand on veut au cours d’un enseignement. Par exemple :

  • Au début d’un cours avec une activité de collecte des connaissances ou des conceptions préalables des étudiant·e·s;
  • Pendant le cours avec une activité de compréhension ou d’application comme un tableau logique ou l’exercice de résumer en une seule phrase un élément du cours;
  • A la fin d’un cours avec le Minute paper (« Écrivez en 3-5 lignes les éléments les plus importants que vous avez retenus du cours.« ) ou l’invention par les étudiant·e·s de questions qui pourraient constituer des questions d’examen.

Quelles sont les clés de participation des étudiant·e·s en classe ?

Les étudiant·e·s de l’enseignement supérieur sont de jeunes adultes. Ils/elles ne croient pas tout sur parole. Ils/elles ont besoin de pouvoir se projeter dans les enseignements qu’on leur propose, donc d’y retrouver un écho à leurs objectifs personnels. Ils/elles ont besoin de savoir ce qu’on attend d’eux/elles et de savoir où ils/elles en sont par rapport à ce que l’enseignant·e attend d’eux/elles. Ils/elles ont besoin de développer leur autonomie mais en même temps de conseils pour la développer et pour développer leurs stratégies d’apprentissage en autonomie. Ils/elles sont aussi friands de développer des compétences variées autres que liées directement aux contenus enseignés: expression orale, écriture, collaboration, réflexion personnelle, analyse critique, argumentation, etc. Ils/elles ont aussi plus globalement besoin de développer leur sentiment d’affiliation au programme dans lequel ils/elles sont inscrits et à l’institution.

Steadman (1998) cite plusieurs avantages des TRC du point de vue des étudiant·e·s:

  • Sentiment d’avoir un certain contrôle sur ce qui se passe en classe et sur la prise de parole en classe, le sentiment de ne pas subir le rythme du cours et la transmission de connaissances. Ce sentiment de contrôle est directement lié à la motivation.
  • Sentiment d’être davantage impliqué·e·s dans leur propre processus d’apprentissage.
  • Sentiment de mieux profiter d’un cours amélioré et innovant, sentiment que le cours est plus efficace pour leur apprentissage.
  • Meilleure métacognition et meilleure conduite de leur propre apprentissage.

Il y a aussi des désavantages : l’impression que, s’il y a trop d’exercices, la classe est « lente » et que les TRC prennent trop de temps. Certain·e·s trouvent cela inutile car il n’y a pas de note à la clé. Certain·e·s préféreraient aussi rester passif/ve·s au fond de la classe: leur conception de l’apprentissage est plutôt passive et réceptive. Mais ces conceptions de l’apprentissage peuvent évoluer tout au long d’un enseignement…

Si un·e enseignant·e veut se lancer dans l’intégration des TRC dans son cours, qu’est-ce que vous lui conseilleriez?

Ces conseils sont autant issus de ma pratique que des lectures que j’ai pu faire sur le sujet et dont les références sont mentionnées ci-dessous.

  • Expliquer pourquoi on fait ça en classe et que les bénéfices sont mutuels. Pour les étudiant·e·s, cela concerne autant l’apprentissage que les stratégies d’apprentissage;
  • Commencer avec des TRC simples (minute paper, muddiest point…);
  • Ne pas utiliser trop de TRC différentes, c’est important qu’il y ait une certaine forme d’activité régulière avec les étudiant·e·s qui balise les cours;
  • Ne pas utiliser des TRC qui ne correspondent pas à son style ou ses conceptions personnelles de l’enseignement;
  • Préparer soigneusement le timing (prévoir trop de temps, surtout les premières fois…) et répéter. Noter les consignes éventuelles sur une dia, préparer le matériel ou s’assurer que les étudiant·e·s ont le matériel nécessaire (papier, stylo, ordi…). S’assurer que la salle est adaptée.
  • Aller jusqu’au bout : expliquer aux étudiant·e·s ce qu’on a appris soi-même suite à un exercice, ou comment on va faire évoluer son enseignement;
  • Donner la parole aux étudiant·e·s à propos des TRC en classe.

Références

Quelques ressources en ligne (mes bookmarks sur Diigo)

Angelo, T. A., & Cross, K. P. (1993). Classroom assessment techniques: a handbook for college teachers (2nd ed). San Francisco: Jossey-Bass Publishers.

Coe, R., Aloisi, C., Higgins, S., & Major, L. E. (2014). What makes great teaching? Review of the underpinning research. Durham University: Centre for Evaluation & Monitoring. Consulté à l’adresse https://www.suttontrust.com/research-paper/great-teaching/

Steadman, M. (1998). Using Classroom Assessment to Change Both Teaching and Learning. New Directions for Teaching and Learning, 1998(75), 23‑35. https://doi.org/10.1002/tl.7503

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Il y a quelques années, j’avais écrit un article à propos de la différenciation de l’enseignement à l’université. J’avais proposé quelques pistes pédagogiques pratiques. Depuis 2014, cette réflexion a débouché sur l’organisation d’un atelier d’1h30 dont je partage le matériel ici. L’AIPU Suisse avait aussi organisé une université d’été sur le sujet en 2014.

Pourquoi différencier dans l’enseignement supérieur? L’idée est d’amener le plus d’étudiant·e·s possible vers l’atteinte des apprentissages visés (et au-delà) en leur proposant des situations qui tiennent compte de leurs intérêts, motivations ou conditions préférées pour apprendre. Comment faire quand une partie seulement des étudiant·e·s maîtrise les prérequis du cours? Comment faire quand, dans un même groupe, il y a des étudiant·e·s qui viennent de filières différentes, ou pour qui le cours correspond à un nombre différent de crédits? Est-ce possible lorsqu’il y a plus de 100 étudiant·e·s? Comment faire lorsque certain·e·s étudiant·e·s annoncent qu’ils/elles travaillent pendant leurs études et qu’ils/elles ne peuvent pas venir à toutes les séances? Ces cas de figure ne sont pas si rares et organiser son enseignement pour tenir compte au mieux de ces différences n’est pas toujours simple.

L’atelier commence par une invitation à une réflexion individuelle des participant·e·s à propos des conditions dans lesquelles ils/elles apprennent le mieux. En comparant ces conditions individuelles avec celles des autres, on se rend vite compte que ce qui est important pour quelqu’un ne l’est pas nécessairement pour d’autres. Ceci signifie que par définition, tout groupe d’étudiant·e·s est forcément divers dans ses préférences et orientations d’apprentissage. Comment essayer d’en tenir compte dans son enseignement?

Ensuite, je présente quelques définitions et quelques pistes pratiques pour mettre en oeuvre une certaine forme de différenciation en classe, même avec un grand groupe. Les références sur lesquelles je me suis appuyé pour faire cette synthèse se trouvent sur la dernière dia de la présentation.

Enfin, une activité d’étude de cas est proposée aux participant·e·s. Par petits groupes, ils/elles analysent quatre situations d’enseignement (PDF – 239Ko) qui pourraient nécessiter une différenciation de l’enseignement. Une discussion sur les aspects pratiques et sur cette « nécessité » justement a lieu finalement.

Dans les discussions avec les participant·e·s, je me rends compte souvent que tout le monde n’est pas nécessairement « prêt » à adapter et différencier ses enseignements. Les conceptions de l’enseignement tournent parfois autour du nombre d’étudiant·e·s qui rendrait impossible la différenciation ou l’impression d’une scolarisation de l’enseignement supérieur. Mon habitude est en général de ne pas essayer de convaincre à tout prix mais plutôt de poser des questions à propos de l’utilité de la différenciation et de proposer des pistes pratiques réalistes. J’invite aussi à essayer au moins une petite activité de différenciation et à évaluer sa mise en oeuvre et son efficacité.

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Dans cet article, je partage le matériel de formation que nous utilisons, avec ma collègue Deborah Dominguez, pour faire découvrir aux enseignant·e·s 12 méthodes actives d’enseignement. Cet atelier d’1h30 se déroule en mode Jigsaw, comme dans l’atelier « Articuler le travail des étudiant·e·s en et en dehors de la classe« .

L’idée générale de cet atelier est de réfléchir à l’utilité et la plus-value des méthodes actives et d’en découvrir 12 rapidement en discutant avec des collègues. Les dias de l’atelier sont présentées ci-dessous:

L’activité Jigsaw se déroule en 4 étapes:

  1. Les participant·e·s découvrent individuellement trois des 12 stratégies décrites dans ce document (PDF – 116Ko). Ils/elles les classent selon quatre axes (définis par Jacques Lanarès et Emmanuel Sylvestre):
    • Applicabilité/Transférabilité: dans quelle mesure la stratégie amène-t-elle les étudiant·e·s à mettre en application des concepts théoriques dans des situations pratiques variées?
    • Interactivité: la stratégie permet-elle l’interaction entre les étudiant·e·s et avec l’enseignant·e?
    • Feedback: les étudiant·e·s ont-ils/elles la possibilité de recevoir du feedback à propos de leurs apprentissages grâce à cette stratégie?
    • Réflexivité: les étudiant·e·s sont-ils/elles invité·e·s à développer leur capacité réflexive, l’analyse, la résolution de problèmes, etc.?
  2. Par petits groupes, les participant·e·s discutent de leur classement des trois méthodes selon les quatre axes. Ils/elles essaient d’imaginer leur mise en application en classe.
  3. Les groupes sont reformés de manière à ce que chaque membre du groupe ait examiner trois méthodes différentes des autres. Ils/elles présentent leurs trois méthodes à leurs collègues et discutent de leur mise en application, ainsi que des variantes possibles dans la mise en pratique.
  4. Individuellement, chaque participant·e mène une brève réflexion personnelle à propos de l’adaptation d’une ou de plusieurs des stratégies dans leurs propres enseignements.

12 stratégies… ce n’est pas beaucoup au vu de toutes celles qui sont décrites dans la littérature sur le sujet! Le but de l’atelier est avant tout de donner envie d’essayer des activités qui ne demandent pas beaucoup d’investissement dans un premier temps. La dernière dia du diaporama propose une courte bibliographie d’ouvrages recensant de nombreuses stratégies d’enseignement.

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Il y a quelques temps, j’avais publié un article sur ce blog intitulé « Faire travailler les étudiant·e·s en dehors de la classe« . J’y présentais un document issu d’une réflexion collective avec des enseignant·e·s de mon université pour proposer aux étudiant·e·s des activités d’apprentissage pour préparer, exploiter ou prolonger les activités en classe.

Depuis deux ans, cette réflexion a débouché sur l’organisation d’un atelier d’1h30 pour les enseignant·e·s. L’idée est de faire découvrir des activités à réaliser avec les étudiant·e·s et de discuter de l’opportunité de les mettre en oeuvre dans différents contextes d’enseignement. Les dias sont présentées ci-dessous.

L’atelier est principalement organisé en quatre temps (sur le mode du Jigsaw):

  1. Un temps individuel où les participant·e·s sont invité·e·s à prendre connaissances de trois stratégies pour faire travailler les étudiant·e·s en dehors de la classe. Ce document PDF (118Ko) en présente neuf. Les participant·e·s s’en voient attribuer trois. Ils doivent les classer selon 4 critères dans un schéma sous forme de radar:
    • Méthodes de travail: la stratégie décrite incite-t-elle les étudiant·e·s à analyser et à développer leurs méthodes de travail?
    • Compréhension/Réflexion: la stratégie vise-t-elle à développer la compréhension et/ou la réflexion des étudiant·e·s à propos de la matière enseignée?
    • Interactivité/Implication: la stratégie suscite-t-elle les interactions entre étudiant·e·s ou avec l’enseignant·e et leur engagement dans les activités?
    • Autonomie/Responsabilisation: la stratégie incite-t-elle les étudiant·e·s à opérer des choix personnels et à organiser leur travail autonome?Stratégies pour le travail hors classe
  2. Par petits groupes, les participant·e·s qui ont analysé les trois mêmes stratégies se regroupent et discutent de leur classement sur les quatre axes du radar. Ils/elles essayent de trouver un consensus, en réfléchissant notamment à la mise en oeuvre concrète des stratégies.
  3. Les groupes sont ensuite mélangés. Dans les nouveaux groupes se retrouvent des participant·e·s qui n’ont pas analysé les mêmes stratégies aux temps 1 et 2. La tâche de chaque participant·e est d’expliquer ses trois stratégies à ses collègues en commentant également le classement proposé selon les quatre axes.
  4. Individuellement, chaque participant·e fait le point et réfléchit à l’opportunité d’organiser l’une ou l’autre des stratégies proposées dans ses propres enseignements.

Pour finir, d’autres stratégies sont encore proposées brièvement et une discussion générale s’ensuit. Les participant·e·s font souvent remarquer à ce moment que les stratégies proposées sont en réalité combinables entre elles sur l’ensemble d’un cours.

Enfin, pour préparer cet atelier, j’avais effectué quelques recherches et j’ai découvert l’activité « SPUNKI« . Il s’agit d’inciter les étudiant·e·s à lire des textes scientifiques et à s’impliquer dans leurs lectures. SPUNKI est un acronyme pour désigner six questions à poser aux étudiant·e·s lorsqu’ils/elles préparent une lecture: « What part or parts of the reading did you find Surprising?, Puzzling?, Useful?, New?, Knew it already?, Interesting?« . A tester, très certainement…

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Depuis plus de vingt ans, le public d’étudiant-e-s des universités tend à se diversifier de plus en plus. En plus de devenir des universités « de masse » (Romainville, 2000), nos institutions d’enseignement supérieur sont confrontées à des étudiant-e-s d’origines, de culture, de religion ou de langue très diverses; leurs pré-acquis sont très variés, ainsi que leurs intérêts, leurs projets et leur motivation. La Suisse compte par exemple les trois universités les plus internationales du monde, selon le Times Higher Education. Cette diversité a des répercussions en matière d’accueil des étudiant-e-s dans nos institutions mais aussi d’un point de vue pédagogique. Comment tenir compte de cette diversité dans ses enseignements? Comment faire en sorte que tou-te-s les étudiant-e-s se sentent inclus-e-s dans la classe et aient envie de s’impliquer et de participer? Comment les motiver tou-te-s en tenant compte de leur diversité? Comment enrichir ses enseignements grâce à la diversité des étudiant-e-s?

Ces questions, nous nous les sommes posées avec un groupe d’enseignant-e-s durant cette année académique 2013-2014. Une petite communauté de pratique s’est constituée sur ce thème, à l’initiative de ma collègue Marika Fenley, chargée du projet « diversité » à l’Université de Lausanne. Le compte rendu des activités de ce groupe se trouve en ligne, avec la documentation sur le sujet.

Le compte rendu final a pris la forme d’une « boîte à outils » pour les enseignant-e-s intitulée « Increase inclusion in higher education: tips and tools for teachers » (PDF – 1,3Mo). Le texte est en anglais (une traduction est prévue pour la fin de l’été) mais voici le résumé en français:

La diversité constitue aujourd’hui une réalité et une nécessité à l’Université de Lausanne. Les enseignants, les étudiants et les équipes de recherche forment un ensemble diversifié de personnes aux formations, aux expériences, aux cultures, ou aux personnalités parfois très différentes. Cette diversité constitue à la fois une grande richesse et un grand défi.

La diversité peut constituer un terrain extrêmement fertile pour l’innovation et la créativité. Cependant, à cause de notre tendance naturelle à nous rapprocher de ce qui nous est familier, l’interaction au sein de groupes diversifiés ne se fait pas toujours naturellement et automatiquement. Afin de tirer les bénéfices d’un environnement diversifié, nous avons besoin d’apprendre à aller à la rencontre des personnes différentes de nous pour interagir avec elles. Ceci est important autant pour les enseignants que pour les étudiants.

Ce document est conçu pour soutenir les enseignants dans le développement d’un enseignement valorisant le sentiment d’inclusion et la diversité. Plus précisément, ce document est conçu comme une boîte à outils pour les enseignants, en proposant des exercices pratiques et des idées pour introduire et développer un sentiment d’inclusion dans leurs classes. Cela peut constituer une première étape dans le développement de programmes de formation respectant davantage la diversité.

La première partie de ce document propose une vue d’ensemble de ce que recouvre la notion de diversité en général et dans l’enseignement supérieur en particulier, en mettant en évidence l’intérêt du concept d’inclusion. Dans la seconde partie, nous proposons une série d’exercices et d’outils pratiques dont l’objectif est de développer le sentiment d’inclusion des étudiants autant dans les petites classes que dans les grands groupes. Nous suggérons également quelques pistes pour individualiser dans une certaine mesure l’enseignement et l’évaluation des apprentissages. En conclusion, la troisième partie identifie les éléments les plus importants à retenir pour intégrer ces idées et outils dans un enseignement et propose en outre une série de références complémentaires à propos de la diversité et de l’inclusion dans l’enseignement supérieur.

Par ailleurs, la section Suisse de l’Association Internationale de Pédagogie Universitaire organise sa première école d’été sur le thème « Diversifier son enseignement » les 19 et 20 août prochains à Saint-Maurice en Valais. Tous les renseignements utiles se trouvent sur leur site web… mais je crains qu’il ne reste plus beaucoup de place 😉

Romainville, M. (2000). L’échec dans l’université de masse. Paris: Editions L’Harmattan.

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Il y a trois ans, j’ai publié ici une note intitulée « Motiver les étudiant-e-s? » qui reprenait quelques pistes pédagogiques pour influencer la motivation des étudiant-e-s. La réflexion s’est poursuivie et est devenue collective puisque depuis le mois d’avril 2013, j’anime avec quelques enseignant-e-s de l’Université de Lausanne, des rencontres pédagogiques (sur le mode des communautés de pratique) sur le thème de la motivation des étudiant-e-s à l’université.

Un compte rendu de notre première rencontre (PDF – 528Ko) est disponible en ligne. Plusieurs questions ont constitué le coeur de la discussion: qu’est-ce que la motivation? à quoi reconnaît-on un-e étudiant-e motivé-e? quelles peuvent être les causes de la démotivation des étudiant-e-s? comment soutenir leur motivation?

Voici un bref extrait du compte rendu à propos des éléments qui peuvent causer la démotivation des étudiant-e-s:

Quelles peuvent être les causes de la démotivation des étudiant·e·s?

Les étudiant·e·s peuvent se démotiver pour plusieurs raisons plus ou moins subjectives :

  • Perception floue de l’utilité de l’enseignement qu’ils/elles suivent;
  • Enseignements paraissant trop complexes ou trop théoriques par rapport à leurs connaissances préalables ou par rapport à leurs projets professionnels;
  • Conceptions des étudiant·e·s à propos de leurs apprentissages. Certain·e·s considèrent qu’apprendre à l’université est une activité passive dans laquelle il faut peu s’impliquer.
  • Sentiment que les attentes, questions ou intérêts personnels sont peu pris en compte dans l’enseignement;
  • Impression de redondance ou de monotonie entre les enseignements;
  • Mauvaise compréhension des consignes de travail ou de ce qui est attendu précisément par l’enseignant·e;
  • Impression que les efforts fournis ne sont pas « récompensés » (par rapport aux notes d’examen ou aux crédits obtenus) ou ne conduisent pas à des apprentissages significatifs.

Comment comprendre cette (dé)motivation? Que faire en tant qu’enseignant-e? La réflexion s’est en partie basée sur deux références:

Lors de la seconde rencontre, en novembre 2013, nous avons discuté de ces deux textes, présentés dans un diaporama de synthèse:

Nous avons ensuite essayé de résoudre deux cas (PDF – 65Ko) qui peuvent être utilisés dans une formation ou pour animer une discussion avec des enseignant-e-s. La discussion de ces cas a fait émerger plusieurs éléments à prendre en compte:
  • pour encourager la participation des étudiant-e-s en classe (par ex. organiser des activités variées où les étudiant-e-s peuvent participer directement ou indirectement, préparer les temps de parole des étudiant-e-s, etc.),
  • pour leur donner des feed-backs motivants (par ex. centrer le feed-back sur des éléments concrets qu’ils peuvent modifier dans leurs travaux ou dans leur participation en classe, clarifier les critères d’évaluation de la participation, etc.),
  • pour les encourager à développer leurs méthodes de travail (par ex. donner du feed-back sur les présentations orales en classe, donner au début de l’année de courts travaux écrits puis plus conséquents, etc.),
  • pour les impliquer davantage dans les enseignements (par ex. leur laisser la possibilité de poser des choix personnels sur les thèmes de travail, leur permettre de s’impliquer selon différentes formes de participation, leur laisser la possibilité de proposer des thèmes de discussion ou d’animer eux/elles-mêmes des discussions, etc.),
  • etc.

Pour les conseiller/ère-s pédagogiques, ces deux cas et ces quelques pistes de solution peuvent aider à animer une discussion intéressante à propos de la motivation. Une publication récente peut aussi être utilisée comme référence et propose d’autres pistes:

Rege Colet, N., & Lanarès, J. (2013). Comment soutenir la motivation des étudiants ? In D. Berthiaume & N. Rege Colet (Eds.), La pédagogie de l’enseignement supérieur: repères théoriques et applications pratiques (Vol. 1, pp. 73–86). Berne: Peter Lang.

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Depuis septembre 2011, nous organisons des « rencontres pédagogiques ». Le descriptif de ces séances est présenté sur le site du Centre de Soutien à l’Enseignement. Le principe s’inspire des communautés de pratique. Ces rencontres sont ouvertes aux personnes, enseignant-e-s ou assistants-doctorant-e-s, ayant participé à l’une de nos formations pédagogiques. L’idée est de leur proposer un cadre pour prolonger les discussions entamées dans les journées de formation et pour partager leurs expériences d’enseignement sur des thèmes plus spécifiques. Les objectifs affichés sont les suivants:

  • Partager ses expériences pédagogiques et être encouragé-e à développer ses activités d’enseignement;
  • Partager ses questions pédagogiques et recevoir des réponses des autres participant-e-s et de l’animateur;
  • Recevoir et partager des ressources pédagogiques;
  • Participer à la production et à la diffusion de ressources pédagogiques pour les enseignant-e-s.

Une des séances de l’année passée a été consacrée au thème « Faire travailler les étudiant-e-s en dehors de la classe ». L’idée était de répondre aux questions souvent entendues chez les enseignant-e-s à propos du travail des étudiant-e-s en dehors des cours pour préparer une séance, relire leurs notes, réaliser une lecture, organiser un travail de groupe, etc. Certain-e-s ont l’impression que les étudiant-e-s évitent les tâches demandées. Les discussions ont été riches, chacun-e émettant des propositions et des idées en se basant sur sa propre expérience. Un document, synthétisant les échanges d’expériences et ce que les participants en ont retenu, a été mis en ligne (PDF – 517Ko). En voici un extrait:

Les objectifs du travail en dehors de la classe peuvent être assez variés:

  1. Repasser la séance en revue pour s’approprier la matière
  2. Appliquer la théorie ou les méthodes vues en classe dans des exercices ou des problèmes à résoudre
  3. Se confronter aux réalités d’un terrain réel ou professionnel pour l’observer, l’analyser ou y intervenir par exemple
  4. Appliquer ou développer des outils de travail ou des méthodes
  5. Assimiler certaines parties du cours non vues en classe
  6. Prolonger l’enseignement donné en classe en approfondissant certaines parties

Trois grands types d’activités sont souvent proposées aux étudiant-e-s en dehors de la classe: lire, écrire ou préparer un exposé oral. Ces activités sont combinables. Afin de préciser les consignes, encourager les étudiant-e-s à s’impliquer, les aider à développer des stratégies efficaces de travail, etc., plusieurs éléments peuvent être mis en place.

Une liste de références est proposée à la fin du document. D’autres ressources existent depuis longtemps en ligne sur le sujet, notamment le mémo « Comment les faire lire avant de venir au cours? » proposé par l’Institut de pédagogie universitaire et des multimédias (IPM) de l’Université catholique de Louvain (UCL).

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Lorsqu’on commence à enseigner à l’université, on est en général étudiant au doctorat ou on vient de finir une thèse ou un post-doctorat sur un sujet extrêmement pointu. Une fois que l’on obtient un poste d’enseignant-e, il s’agit alors de prendre en charge un ou plusieurs enseignements qui sortent de sa spécialité stricte. A vrai dire, il est même plutôt rare d’enseigner exactement dans son sujet de thèse… Et c’est là que les angoisses commencent. Après une thèse, on est censé être un-e expert-e dans sa discipline mais on se rend bien compte qu’on ne maîtrise pas ‘toute’ la discipline, loin de là… Comment préparer un nouveau cours? Comment anticiper les questions des étudiant-e-s, qui pourraient éventuellement se rendre compte qu’on n’est pas tout à fait expert-e finalement…? Parce que pratiquement tou-te-s les enseignant-e-s universitaires se sont un jour ou l’autre posé ces questions, Therese Huston a publié en 2009 un livre intitulé « Teaching what you don’t know« . La problématique visée par son ouvrage pourrait se résumer dans cet extrait (p. 29):

L’idée même d’enseigner ce qu’on ne connaît pas est certainement un peu dérangeante pour bon nombre d’enseignant-e-s universitaires. Le livre de Huston présente donc le double avantage de briser un tabou et de confronter les enseignant-e-s à la réalité: qui ne s’est jamais senti-e mal à l’aise face à un cours à donner? Et même quand on est un-e expert-e dans un domaine, on peut rencontrer des sujets particuliers avec lesquels on se sent moins en confiance. Par exemple, on peut être un-e enseignant-e de droit civil mais ne pas se sentir tout à fait à l’aise avec le droit du divorce. Ou se voir attribuer le cours d’histoire de l’art contemporain uniquement parce qu’on a réalisé une thèse sur Magritte…

Le livre de Huston propose donc quelques pistes pour préparer, planifier et dispenser un cours dans un domaine où l’on n’est pas expert-e. Le principe général de tous ses conseils est présenté dans cet extrait (p. 57):

Le but n’est donc pas nécessairement de présenter oralement aux étudiant-e-s tout ce qu’ils/elles doivent savoir mais de planifier des activités au cours desquelles les étudiant-e-s vont découvrir les grands lignes d’une discipline (dans le cas d’un cours de première année par exemple) ou explorer certaines thématiques spécifiques d’un domaine d’étude (dans un cours de Master par exemple).

Les conseils donnés par Huston rejoignent les conseils habituellement donnés dans d’autres manuels pour préparer un premier cours (par exemple dans Svinicki et McKeachie, 2011). En voici quelques-uns:

  • Trois mois avant le cours:
    • rassembler une bibliographie de base et établir une liste des principaux concepts ou théories qui devront être abordés dans le cours;
    • organiser éventuellement ces éléments dans une carte conceptuelle afin de déterminer plus facilement l’ordre dans lequel ils seront abordés tout au long de l’enseignement;
    • élaborer d’une part les intentions de l’enseignement et d’autre part les objectifs d’apprentissage visés;
    • choisir un ouvrage de base qui servira de manuel de cours pour les étudiant-e-s ainsi que quelques lectures principales, articles scientifiques ou chapitres d’autres ouvrages.
  • Deux mois avant le cours: élaborer le syllabus du cours en établissant la planification complète des activités, semaine par semaine, et en précisant les modalités d’évaluation à destination des étudiant-e-s.
  • Un mois avant le cours:
    • pour chaque séance, établir le programme et préparer le contenu (par exemple les dias à présenter, les exercices à organiser, les discussions à animer, etc.);
    • concevoir les activités que les étudiant-e-s devront réaliser entre les séances (lectures, exercices, cas ou problèmes à résoudre, etc.);
    • prévoir les usages éventuels de technologies (plate-forme d’enseignement, podcasts, etc.);
    • planifier le temps requis pour effectuer l’éventuel suivi des travaux des étudiant-e-s.

Huston ne cache pas la difficulté qu’il y a à enseigner un nouveau cours dans un domaine que l’on connaît peu mais elle ne cache pas non plus le fait que cela est très valorisant d’explorer un nouveau domaine, d’être amené à rechercher de nouvelles façons d’enseigner et d’éventuellement développer de nouveaux sujets de recherche. Ceci est très bien exprimé dans ce dernier extrait (p. 37):

Huston, T. (2009). Teaching What You Don’t Know. Harvard University Press.

Svinicki, M., & McKeachie, W. J. (Eds.). (2011). McKeachie’s teaching tips. Strategies, research, and theory for college and university teachers (13th ed.). Belmont, CA: Wadsworth.

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J’ai déjà écrit plusieurs articles sur la question de l’enseignement à de grands groupes et plusieurs ressources ont été rassemblées par ailleurs. Lors d’une formation récente, nous avons rédigé, mon collègue Emmanuel Sylvestre et moi-même un document de synthèse qui est téléchargeable sur le site du Centre de Soutien à l’Enseignement (PDF – 582Ko). En voici l’introduction:

L’enseignement à un grand groupe constitue un mode d’enseignement relativement courant à l’université, en tout cas dans les premières années des programmes. Il tend d’ailleurs à se développer de plus en plus depuis les années 90, en lien avec une massification de l’enseignement supérieur en Suisse, mais aussi en Europe et dans le monde (le nombre d’étudiant-e-s dans les Hautes Écoles universitaires suisses a augmenté de plus de 30% entre 1995 et 2010 – Source : OFS – http://www.bfs.admin.ch). De nombreuses représentations sont associées à cette pratique, tant chez les enseignant-e-s que chez les étudiant-e-s, selon lesquelles enseigner à un grand groupe se résumerait à un enseignement magistral, favoriserait la passivité des étudiant-e-s et leur absentéisme ou encouragerait chez ceux/celles-ci une approche d’apprentissage en surface. D’un certain point de vue, il est vrai que la taille d’un groupe influe sur le climat social de ce groupe. Cependant, selon une revue de littérature récente sur le sujet (Mulryan-Kyne, C. (2010). Teaching large classes at college and university level : challenges and opportunities. Teaching in Higher Education, 15(2), 175-185.), le rôle de l’enseignant-e est bien plus crucial par rapport à l’apprentissage des étudiant-e-s que les variables contextuelles. Bien plus, la taille de la classe n’aurait pas d’influence négative sur l’apprentissage si l’enseignant-e adopte des stratégies d’enseignement adaptées.

L’objectif de ce document consiste justement à présenter et discuter des stratégies variées d’enseignement face à un grand groupe d’étudiant-e-s. Ces stratégies peuvent viser à faire participer les étudiant-e-s en classe ou à les faire interagir entre eux/elles ; elles peuvent aussi recourir aux usages de technologies en classe ou pas mais font toutes appel à des compétences d’animation de groupe de la part de l’enseignant-e universitaire.

Un point important que nous avons voulu souligner entre autres dans ce document est l’utilité pour les enseignant-e-s de s’interroger sur leurs conceptions de l’enseignement face à un grand groupe ainsi que sur les objectifs que l’on vise quand on veut faire participer un grand groupe. « Maintenir l’attention des étudiant-e-s » peut être une intention de l’enseignant quand il/elle fait interagir les étudiant-e-s mais quelle est la plus-value pour l’apprentissage des étudiant-e-s? Retiendront-ils/elles davantage la matière abordée? La comprendront-ils/elles mieux? Pourront-ils/elles utiliser les concepts vus au cours pour les appliquer à la résolution de problème ou à l’analyse d’une situation réelle?… Les enjeux de l’apprentissage sont peut-être à garder en tête au-delà du désir de « rendre le cours plus intéressant » ou « attirer l’attention des étudiant-e-s ».

Par ailleurs, nous avons aussi distribué aux participant-e-s à la formation un « carnet de bord » (PDF – 57Ko) qui propose une série de questions qu’il est possible de se poser pour préparer un enseignement à un grand groupe. Ces questions touchent aux objectifs, aux consignes données aux étudiant-e-s et à l’organisation de la classe.

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« L’erreur, un outil pour enseigner » est un petit livre de Jean-Pierre Astolfi paru pour la première fois en 1997 et réédité régulièrement depuis. A la base de cet ouvrage, une question toute simple: quel est le statut de l’erreur dans l’enseignement? Traditionnellement, l’erreur est plutôt vue comme quelque chose qu’il faudrait éliminer voire sanctionner chez les étudiant-e-s. Il faudrait donc repérer les erreurs (de connaissance, de compréhension, de calcul, etc.) et les corriger. Mais repérer les erreurs n’est pas toujours facile et les considérer comme étant constitutives de tout apprentissage encore moins. Par exemple, si l’on s’attend en tant qu’enseignant-e à ce que les étudiant-e-s comprennent rapidement une notion « simple », on oublie parfois que ce qui nous paraît « simple » ne l’est devenu qu’après un long parcours d’études universitaires que nous avons suivi… Ou si l’on s’attend à un certain niveau de qualité dans les travaux écrits ou oraux des étudiant-e-s, on ne s’interroge pas toujours sur le fait que nos consignes de travail ne sont pas nécessairement très claires pour un-e débutant-e dans notre discipline (ne fût-ce que par le vocabulaire utilisé). Il y aurait donc selon Astolfi une tendance des enseignant-e-s à « nier » les erreurs des étudiant-e-s et à y remédier par des solutions pas toujours adaptées (en sanctionnant ou en faisant refaire par exemple).

En réalité, comme le rappelle Astolfi (p. 20), le sens étymologique de l’erreur est « errer ça et là« . Vu de façon péjorative, on retrouve là le sens d’incertitude, d’ignorance, voire d’hérésie. Mais « comment ne pas errer quand l’on ne connaît pas déjà le chemin? Si quelqu’un nous le désigne, nous pouvons bien sûr éviter grâce à lui l’errance temporaire, mais nous savons bien que la première fois que nous serons seul, nous n’éviterons pas d’avoir à nous approprier, en première personne, ce qui faisait jusque-là l’objet du guidage » (Astolfi, 2009, p. 20).

Astolfi explique ensuite le statut de l’erreur dans l’apprentissage. Se confronter à des difficultés, à des défis, à des opinions variées, à des « errances » passagères constitue un véritable moteur pour l’apprenant-e qui est amené-e à rechercher de l’information, à s’approprier des matières scientifiques, à se questionner de façon autonome, etc. Si à chaque erreur ou hésitation, la seule réponse qu’il/elle reçoit est une sanction, il y a peu de chance qu’il/elle persévère longtemps dans ses études universitaires… Ainsi, pour aider à diagnostiquer l’origine de différents types d’erreurs des étudiant-e-s, l’auteur propose un tableau (pp. 96-97) dont je m’inspire ci-dessous. Pour chaque type d’erreur, j’ai adapté quelques reméditations possibles pour l’enseignement supérieur. L’idée de ce tableau est donc de s’interroger d’abord sur l’origine possible d’une difficulté ou d’une erreur d’un-e étudiant-e et de considérer ensuite les pistes de remédiations possibles pour (l’aider à) y remédier.

Nature du diagnostic

Remédiations possibles
1. Erreurs relevant de la rédaction ou de la compréhension des consignes de travail Il est possible de vérifier la lisibilité du syllabus de cours ou des consignes de travail fournies aux étudiant-e-s en discutant avec un-e collègue par exemple. Une meilleure lisibilité peut aussi être atteinte en rédigeant des phrases courtes ou en étant très clair-e sur les étapes à suivre, les délais à respecter ou les critères d’évaluation.

Discuter avec les étudiant-e-s à propos des consignes de travail permet souvent de dégager rapidement les incompréhensions et d’y remédier.

2. Erreurs résultant d’habitudes scolaires préalables ou d’un mauvais décodage des attentes Pour les étudiant-e-s de première année, il n’est pas toujours facile de comprendre comment fonctionne un cours universitaire, ce qui est attendu de la part de l’enseignant-e, le vocabulaire nouveau à maîtriser, etc. Préciser les attentes ou le fonctionnement de base d’un enseignement s’avère souvent utile, même pour des aspects qui semblent « aller de soi » pour quelqu’un qui a un long parcours universitaire derrière lui/elle. Cela peut par exemple toucher aux attentes en ce qui concerne la participation aux discussions en classe, à la structure des travaux écrits à remettre, à la façon de prendre des notes aux cours magistraux, aux attentes en matière de qualité des travaux, etc. Ces attentes peuvent être présentées et discutées avec les étudiant-e-s.
3. Erreurs témoignant des conceptions alternatives des étudiant-e-s Les jeunes étudiant-e-s universitaires ont souvent des représentations préalables à propos de notions scientifiques. Ces représentations sont issues de leurs cursus précédents ou d’idées préconçues partagées largement dans le public. L’exemple typique donné par Astolfi est celui de la structure du système digestif humain. Peu d’étudiant-e-s ont une vision scientifique de ce sujet. La plupart ont une vision mécanique de « tuyaux » et d’organes qui sont reliés entre eux mais pas de connaissances biologiques ou chimiques liées à la digestion. Les erreurs des étudiant-e-s peuvent provenir de ce type de connaissances préalables et les conduire à des incompréhensions face aux théories ou aux notions qui leurs sont présentées à l’université.

Pour cela, il est intéressant de laisser la place à l’expression de ces représentations erronées et d’organiser des discussions en classe pour que les étudiant-e-s fassent évoluer leurs schémas mentaux. Bien sûr, il serait très simple d’expliquer clairement aux étudiant-e-s que leurs représentations sont fausses mais, comme je l’ai déjà expliqué par ailleurs, il n’est pas toujours simple de faire évoluer les mentalités et de convaincre des adultes. Pour cela, la discussion est souvent plus efficace que le simple transfert d’informations, même claires et exactes.

4. Erreurs liées aux opérations intellectuelles impliquées L’erreur peut provenir d’une généralisation abusive des étudiant-e-s. Par exemple, ils/elles peuvent essayer de résoudre un exercice en reproduisant une méthode déjà vue auparavant mais non-adaptée dans ce cas précis. Ils/elles ont à apprendre que tous les problèmes ou tous les exercices ne se résolvent pas toujours de la même façon.

Pour améliorer cela, plusieurs stratégies peuvent être envisagées:

  • attirer l’attention des étudiant-e-s, surtout en début de cursus, sur la nécessité de bien faire la différence entre les différents types d’exercice et les différentes méthodes pour les résoudre;
  • expliciter les méthodes de résolution de problème;
  • sélectionner les exercices en fonction des méthodes de résolution ou des difficultés les plus souvent rencontrées par les étudiant-e-s;
  • essayer de comprendre l’origine des erreurs qui surviennent.
5. Erreurs portant sur les démarches ou les stratégies adoptées Il arrive que ce qu’on croit être une erreur témoigne en fait d’une démarche originale de la part de l’étudiant-e. Il/elle a simplement élaborer une nouvelle stratégie ou a fait preuve d’originalité dans ses réponses… et on ne s’y attendait pas.

Une solution intéressante dans ce cas est de demander aux étudiant-e-s d’expliciter leur stratégie de réponse et le cas échéant de préciser en quoi cette stratégie s’écarte plus ou moins de la stratégie « canonique ». Il peut être aussi intéressant d’organiser une discussion entre les étudiant-e-s pour qu’ils/elles s’expliquent mutuellement comment ils/elles ont trouvé une solution au problème posé ou ont résolu l’exercice.

6. Erreurs dues à une surcharge cognitive Les erreurs peuvent aussi être simplement dues à une surcharge de travail, les étudiant-e-s réalisent alors leur travail beaucoup trop vite sans se préoccuper de sa qualité.

Au moment de la conception des consignes de travail, il est souvent important d’essayer d’estimer le temps de travail requis pour le réaliser. Même si cette estimation n’est pas toujours facile, il est possible de demander aux étudiant-e-s si elle paraît réaliste. Il peut aussi s’avérer opportun de diviser le travail en plusieurs parties ou de proposer aux étudiant-e-s un échéancier où il leur est demandé de rendre certaines parties du travail.

7. Erreurs ayant leur origine dans une autre discipline Il arrive parfois qu’on s’attende de la part des étudiant-e-s à ce qu’ils/elles transfèrent dans un cours ce qu’ils/elles ont appris dans un autre cours, par exemple entre la physique et les mathématiques ou entre la sociologie et les sciences de l’éducation. Cette attente de transfert est légitime de la part des enseignant-e-s mais elle se heurte à certaines difficultés. Un problème de mathématique n’est pas un problème de physique et une réflexion pédagogique n’est pas forcément une réflexion sociologique, même si les formules ou les méthodes sont les mêmes. Et bien des étudiant-e-s ne font les liens que si on les leur explicite clairement.

Pour parer à ces difficultés, il est utile de montrer aux étudiant-e-s les différences et les points communs de la discipline qu’on enseigne avec les autres disciplines abordées par les étudiant-e-s dans leur programme. Si des exercices ou des travaux pratiques sont organisés dans le cours, il peut être intéressant d’en proposer qui ont des liens clairs avec d’autres disciplines. De même, amener les étudiant-e-s à réfléchir par eux/elles-mêmes aux différences entre disciplines ou aux méthodes de résolution de problèmes dans différentes disciplines peut être très formateur. Ceci peut se faire en proposant par exemple aux étudiant-e-s un examen ou un travail écrit intégré (c’est-à-dire portant sur la matière de plusieurs cours), où les étudiant-e-s doivent montrer qu’ils/elles sont capables de faire des liens entre plusieurs cours.

8. Erreurs causées par la complexité propre du contenu Certains contenus disciplinaires sont aussi très complexes et des erreurs ou des incompréhensions peuvent survenir par exemple si les étudiant-e-s ne comprennent pas bien un concept qui est important pour comprendre la suite ou s’ils/elles ne voient pas les liens entre différents concepts, ou s’ils/elles ne comprennent pas la progression logique dans la matière, etc.

Il est important alors de rendre la structure du cours la plus apparente possible. Il est utile aussi d’identifier les points de matière les plus ardus et de proposer aux étudiant-e-s des explications ou des exercices complémentaires les concernant.

Dans cet article, j’ai voulu attirer l’attention sur les difficultés d’apprentissage des étudiant-e-s. Et sur le fait que les difficultés existent toujours, même chez les étudiant-e-s les plus brillant-e-s. En même temps, ce n’est pas une fatalité et en tant qu’enseignant-e, nous avons un rôle (bien plus grand qu’on ne le pense) à jouer pour les aider à les surmonter.

Astolfi, J.-P. (2009). L’erreur, un outil pour enseigner (9 éd.). Issy-les-Moulineaux: ESF éditeur.

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Cette année, le 24 décembre tombe un vendredi. Ce n’est a priori ni un jour de congé ni un jour férié. Certaines universités ont cependant annulé les cours ce jour-là (ici à Lausanne, l’Université sera fermée à partir de midi). Mais dans les autres universités, que va-t-il se passer? Il y a fort à parier que les cours de l’après-midi, et même de la matinée, vont être désertés par les étudiant-e-s. Et je serais tenté d’ajouter « à juste titre » à ma phrase précédente… En effet, qui pourrait en vouloir aux étudiant-e-s de rentrer (parfois loin) dans leur famille la veille de Noël?

Je me suis dès lors posé la question « Que faire avec mes étudiant-e-s le 24 décembre? »… avant qu’on ne me la pose… et j’ai essayé de trouver quelques réponses possibles et réalistes. Je parle ici du 24 décembre, mais la question pourrait se poser aussi la veille d’un week-end de Pâques, un vendredi de l’Ascension ou quand un jour férié comme le 1er août (fête nationale suisse) ou le 11 novembre (qui n’existe pas en Suisse…) tombe un jeudi ou un mardi et qu’on serait bien tenté de « faire le pont ».

Je classe mes quelques idées en deux catégories: si les étudiant-e-s se déplacent jusqu’au campus ou pas. Mais dans tous les cas, il me semble que proposer une activité « qui sorte de l’ordinaire » peut être intéressant pour faire une synthèse des cours du premier semestre, pour aller plus loin dans la matière, pour se préparer à l’examen de janvier ou pour aborder certains contenus sous un angle différent. J’avoue que quelques-unes des idées exposées ici sont librement inspirées du livre de Patti Shank (2007) « The online learning idea book« …

  1. Au cas où les étudiant-e-s viennent en classe à la séance prévue, il serait possible de:
    • Proposer une séance de questions-réponses. La semaine qui précède, on peut dire aux étudiant-e-s que la séance du 24 décembre sera consacrée à leurs questions. Cela implique qu’ils/elles parcourent l’ensemble du cours et notent leurs questions. Pour préparer au mieux les réponses, on peut même leur demander de poster leurs questions dans le forum du cours (Moodle à Lausanne) ou par courrier électronique.
    • Proposer un « examen blanc » ou quelques questions typiques d’examen avec un corrigé. La première moitié du cours pourrait être consacrée à une simulation d’examen et la seconde moitié à une correction avec des réponses aux questions qu’ils/elles se posent. Si l’examen est un QCM, peut-être que c’est l’occasion de s’essayer aux « zappettes » (ou clickers), ces petits boîtiers de vote électronique qui aident à organiser une séance interactive avec un (grand) groupe (PDF – 185Ko).
    • Proposer une discussion commune sur une lecture. La semaine précédente, il est possible de demander aux étudiant-e-s de lire un article qui approfondit une matière du cours ou qui en fait la synthèse. La séance du 24 décembre permettrait ensuite de faire la synthèse du cours de façon originale en discutant avec les étudiant-e-s du contenu de l’article.
    • Inviter un-e expert-e externe. Pour faire la synthèse du cours, un-e expert-e (venant de la recherche ou du monde professionnel) pourrait être invité-e. Les étudiant-e-s devraient préparer leurs questions au préalable et la discussion avec l’expert-e pourrait aider à approfondir la matière. Si l’expert-e ne peut pas se déplacer, on pourrait demander aux étudiant-e-s d’aller l’interviewer dans la semaine qui précède. La séance permettrait alors de discuter du contenu de cette interview.
    • Présenter et discuter des cas pratiques ou des exemples. Il est possible d’aborder certaines matières sous un angle différent par exemple via des cas pratiques à résoudre (en droit ou en médecine), des exemples concrets à discuter (en psychologie ou en sciences de l’éducation) ou des documentaires vidéos (en histoire ou en géologie).
  2. Au cas où on propose aux étudiant-e-s une activité à réaliser seul-e ou en groupe à la maison:
    • Proposer une lecture. Les étudiant-e-s auraient à lire un article et quelques questions-guides les aideraient à parcourir le texte de façon efficace. Ils/elles seraient ensuite invité-e-s à en discuter sur le forum du cours.
    • Interviewer un-e expert-e ou effectuer une visite de terrain. Les étudiant-e-s devraient effectuer une telle démarche seul-e ou en petit groupe et envoyer un compte-rendu écrit. Ce travail compterait pour l’évaluation finale.
    • Réaliser un travail d’approfondissement ou de synthèse à propos d’un chapitre du cours ou d’une thématique précise. Il serait demandé aux étudiant-e-s de faire une recherche bibliographique ou une synthèse de leurs notes prises au cours à propos d’un chapitre ou d’une thématique et de partager cette recherche ou cette synthèse avec les autres étudiant-e-s via l’espace virtuel du cours.
    • Proposer une séance collective de questions-réponses en ligne. La séance de questions-réponses pourrait se dérouler à distance et durer une certaines période (une semaine ou deux). Chaque étudiant-e serait invité-e à poser au moins une question et à répondre à au moins deux questions de leurs collègues.

Ce ne sont ici que quelques idées générales… mais j’espère que cela peut en générer d’autres pour « dynamiser » le 24 décembre de nos étudiant-e-s. Pour aller plus loin, je conseille par exemple le livre de Patti Shank dont voici la référence complète (une bonne idée de cadeau à placer sous le sapin non?):

Shank, P. (2007). The online learning idea book: 95 proven ways to enhance technology-based and blended learning. San Francisco, CA: John Wiley and Sons.

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Dans le forum général d’un cours sur Moodle dans mon université, j’ai vu récemment passer l’annonce suivante:

Salut,

A vendre polycopié du cours complet de XXX ! Ce document, basé sur des enregistrements audio, est une retranscription complète du programme en 220 pages.

Il contient tous les chapitres avec graphiques, explications et définitions. Tu pourras suivre le cours sans avoir à prendre des notes!

Grâce à ce polycopié, tu gagneras un temps précieux dans tes révisions et mettras toutes les chances de réussite de ton côté. Tu sais certainement que XXX est un des examens le plus difficile. De plus, le cours se termine à Noël.

Grâce à ce polycopié, tu pourras commencer rapidement tes révisions sans perte de temps, avec un document fiable et le plus complet en vente.

Prix : 25 CHF

Adresse contact : XXX@hotmail.com ou répondre à ce message

délais de réponse : 1jour.

J’ai laissé le message tel quel, il n’y a que le nom du cours que j’ai masqué. C’est un cours de première année auquel assistent plus de 500 étudiant-e-s. Un livre est recommandé aux étudiant-e-s en début de semestre.

Que penser d’un tel message? On pourrait bien sûr saluer l’esprit d’entreprise de l’étudiant-e qui l’a posté (si son business plan table sur 250 ou 300 client-e-s, le chiffre d’affaire pourrait avoisiner les 7’500 CHF… mais combien de temps lui a-t-il fallu pour produire le polycopié?). On pourrait bien sûr aussi se questionner sur la démarche. Le cours n’est pas fini puisqu’il se donne jusqu’à Noël, le polycopié n’est donc peut-être pas complet (ou se base sur le cours de l’année précédente). De plus, l’étudiant-e en question fait preuve d’un fameux culot pour venir faire cette annonce dans le forum du cours lui-même (je ne sais pas si cette pratique est courante dans cette faculté). Mais c’est sûr que les client-e-s doivent prendre un risque car il n’y a apparemment pas de garantie de qualité. On peut aussi se poser la question des droits d’auteurs… l’enseignant-e (et/ou son université) n’est-il/elle pas le/la propriétaire des droits sur le cours et auquel cas, est-il simplement légal d’enregistrer un cours (« public », il est vrai) et de diffuser son contenu? Et au-delà, les enregistrements (audio ou vidéo) du cours pourraient-ils être diffusés et/ou vendus sur Internet?

Au-delà de ces considérations (je ne vais pas les aborder dans cet article), et si on se place d’un point de vue strictement pédagogique, ce message me pose plusieurs questions:

  • Sans connaître les modalités d’examen liées à ce cours, il est difficile de savoir si ce polycopié « pirate » pourra vraiment être utile aux étudiant-e-s. Si par exemple l’examen consiste en une liste de questions à choix multiple, peut-être qu’il vaudrait mieux pour les étudiant-e-s se fier au livre recommandé par l’enseignant-e plutôt qu’à des enregistrements a priori peu fiables. Et si l’examen consiste en des réponses à des questions ouvertes demandant une élaboration conséquente, ce n’est pas sûr que le polycopié soit plus utile: la retranscription du discours de l’enseignant-e ne donnera pas d’indication sur ce qu’il/elle a dit de plus important ou sur les « tuyaux » qu’il/elle aurait donnés pour se préparer à l’examen. Ceci apparaîtrait en tout cas mieux dans un enregistrement audio.
  • L’utilité n’est donc pas garantie, mais l’efficacité non plus. Relire 220 pages de retranscription d’un discours risque de prendre un certain temps. Et comment le relire? Si on n’a pas assisté au cours, on pourrait avoir des difficultés à se représenter ce qui est important ou à remettre en contexte les explications données ou les exemples présentés en classe par l’enseignant-e. Mieux vaudrait alors avoir les enregistrements audio plutôt que la retranscription écrite…
  • Cependant, il est probable qu’obtenir un tel polycopié soit rassurant pour bon nombre d’étudiant-e-s, surtout en première année. Certain-e-s n’ont peut-être pas encore de bonne méthode pour prendre des notes et pouvoir retourner à ce qui a été dit au cours peut aider à les compléter.
  • On peut se demander ce que l’enseignant-e a dit aux étudiant-e-s au début du cours à propos de la prise de notes, de la participation au cours, de l’utilité et de l’usage du livre qu’il/elle recommande et du lien entre tout ceci et la forme de l’examen final. Quelle est la cohérence entre tous ces éléments? Comment les étudiant-e-s ont-ils/elles été informé-e-s à propos de l’état d’esprit dans lequel ils/elles devraient assister au cours puis se préparer à l’examen? On peut bien sûr répondre à ces questions en disant que c’est aux étudiant-e-s à le savoir eux/elles-mêmes. L’ennui c’est qu’on se retrouve alors souvent confronté-e à des groupes d’étudiant-e-s peu motivé-e-s qui cherchent uniquement à retenir par cœur ce qui a été dit au cours. Si par contre on donne quelques indications aux étudiant-e-s sur la façon dont il vaut mieux s’y prendre pour participer au cours, utiliser le matériel à disposition, se préparer à l’examen et en expliquant pourquoi, les étudiant-e-s comprennent mieux le sens de ce qui leur est proposé et ont tendance à s’impliquer davantage dans le cours.
  • Si certain-e-s étudiant-e-s éprouvent le besoin d’enregistrer le cours oral intégralement et de le retranscrire, en tant qu’enseignant-e, on pourrait se poser la question de savoir pourquoi… et comment faire en sorte qu’ils/elles ne perdent pas leur temps à réaliser ce genre de travail? Des activités potentiellement utiles pour les étudiant-e-s pourraient par exemple consister en la lecture d’articles et en la discussion de ceux-ci en petits groupes, la rédaction d’exemples pratiques des concepts ou théories abordées au cours, la recherche de références bibliographiques sur des thématiques très ciblées liées au cours, des séances de questions-réponses (pendant une séance de cours ou à distance), des séances consacrées à des « examens blancs » où les étudiant-e-s seraient confronté-e-s à des exercices très semblables à ce qu’ils auront à faire à l’examen, etc. Ce type d’activités pourrait les amener à entrer plus en profondeur dans la matière et à se préparer plus sérieusement à l’examen, plutôt qu’en retranscrivant simplement le discours de l’enseignant-e.

Il est toujours aussi possible bien sûr de concevoir son propre polycopié… Mais ce n’est pas un exercice facile. Dans les pays anglo-saxons, de nombreux/ses enseignant-e-s universitaires se lancent dans l’aventure du textbook, même si ce n’est pas valorisé énormément d’un point de vue académique. Prenons pour exemple Greg Mankiw, professeur d’économie à Harvard, connu par des dizaines, voire des centaines de milliers d’étudiant-e-s dans le monde pour son cours de macro-économie (ré-édité très régulièrement) et surtout son cours de Principles of Economics, traduit en 17 langues. Il explique sur son blog pourquoi et comment se lancer dans la rédaction d’un livre de cours. Il explique surtout très bien que ce travail est non seulement une aide précieuse pour l’enseignement mais aussi pour faire le point sur la recherche dans un domaine.

J’ai trouvé vraiment peu de ressources sur la rédaction de polycopiés (ou textbooks, édités ou non). Il y a quelques années, Daniel Schneider, de l’Université de Genève, avait tenté de faire le point sur le sujet en rassemblant une série de ressources. Mais peut-être qu’une des solutions est de faire travailler les étudiant-e-s eux/elles-mêmes. Après tout, c’est de leur apprentissage qu’il s’agit avant tout! C’est pourquoi, j’ai trouvé l’expérience toute récente des étudiant-e-s des sciences criminelles de l’Université de Dundee absolument originale et intéressante. Sous la supervision de leur enseignant, ils/elles ont développé un livre pour le cours « Forensic Anthropology » qui sera bientôt publié… et utilisé comme base de cours par les étudiant-e-s qui vont leur succéder. Si un polycopié dédié est utile pour un cours, pourquoi ne pas faire participer les étudiant-e-s? Avec un objectif pédagogique précis, avec l’idée de valoriser leur travail dans un exercice qui donne du sens à l’étude de la matière et en leur donnant l’occasion de s’impliquer dans le cours pour aborder la matière non plus « en surface » (en retranscrivant mot à mot ce que l’enseignant a dit) mais plutôt « en profondeur » (en cherchant à l’expliquer avec leurs mots et à faire apprendre cette matière à d’autres étudiant-e-s).

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