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Archive for the ‘Pratiques’ Category

Le 8 novembre 2017, le cours « Se former pour enseigner dans le supérieur » débutera sur la plate-forme FUN-MOOC. Il m’a été demandé dans ce cadre d’enregistrer une vidéo, sous la forme d’une interview avec Saïda Mraihi (« Une journée avec… la responsable du service pédagogie numérique d’Arts et Métiers » sur EducPros.fr), à propos des « Techniques de Rétroaction en Classe ». Le présent article reprend par écrit les grandes lignes de cette interview.

Vous avez publié plusieurs articles sur le thème de rendre actif les étudiant·e·s et en particulier les techniques de rétroactions en classe. Pour commencer, est-ce que vous pouvez nous expliquer qu’est-ce que sont les TRC?

Les TRC, ou CATs en anglais (Classroom Assessment Techniques), sont de courtes activités à mener en classe avec les étudiant·e·s (voir quelques ressources et exemples ici). Elles durent entre 5 et 20 minutes pour la plupart. On peut les situer à peu près entre les méthodes d’évaluation formative des apprentissages et les méthodes actives d’enseignement. L’idée principale est qu’en cours d’apprentissage, les étudiant·e·s aient l’opportunité d’obtenir des informations pour savoir dans quelle mesure ils/elles sont en train d’atteindre les objectifs d’apprentissage visés dans un cours et qu’en même temps les enseignant·e·s aient une idée de là où en sont les étudiant·e·s afin, le cas échéant, d’apporter des explications complémentaires.

On peut résumer la philosophie de Thomas Angelo et Patricia Cross, les auteurs du livre qui a popularisé le concept en 1988 (2ème édition en 1993), par la formule « Teaching without learning is just talking« . Pour s’assurer qu’il y ait bien apprentissage chez les étudiant·e·s dans un cours, il faut une certaine interaction avec eux/elles. Car on sait bien que ça ne suffit pas de voir « qu’ils/elles ont l’air d’écouter » ou de leur demander « est-ce que vous avez compris? ».

Les TRC se définissent par sept grandes caractéristiques communes :

  • Centrées sur l’apprenant·e : le but premier est de conduire les apprenant·e·s vers une amélioration de leur apprentissage et de leurs stratégies d’apprentissage;
  • Conduites par l’enseignant·e : c’est l’enseignant·e, en toute autonomie, qui organise la mise en œuvre de TRC dans sa classe;
  • Soutenant un bénéfice mutuel : utile autant pour l’étudiant·e pour améliorer ses stratégies d’apprentissage que pour l’enseignant·e pour améliorer ses stratégies d’enseignement;
  • Formatives : il n’y a pas de note associée à ces activités. La plupart du temps, les TRC sont anonymes, le but étant éventuellement de préparer au mieux les étudiant·e·s à une épreuve notée;
  • Spécifiques au contexte : le choix d’une TRC dépend de l’enseignant·e, des besoins des étudiant·e·s, des objectifs de l’enseignement, du matériel ou de l’espace à disposition, etc.;
  • Basées sur un processus permanent d’aller et retour entre l’enseignant·e et les étudiant·e·s pour développer l’apprentissage et l’enseignement;
  • Ancrées dans une pratique enseignante cohérente et planifiée sur un certain nombre de séances de cours.

Ceci dit, il y a une grande variété de TRC (50 dans le livre d’Angelo & Cross) et une multitude de variantes possibles que chaque enseignant·e peut adapter à son contexte et à ses étudiant·e·s. Elles peuvent être des activités écrites ou orales, individuelles ou collectives, avec un grand ou un petit groupe, basées sur une auto-évaluation ou une évaluation entre pairs, et certaines peuvent combiner ces différentes options.

Quels peuvent être les intérêts à les utiliser pour les enseignant·e·s et pour les étudiant·e·s ?

Le plus souvent, ce qui est mis en avant, c’est un bénéfice mutuel. Avec les TRC, les enseignant·e·s d’une part, connaissent mieux les besoins des étudiant·e·s et développent leurs enseignements et les étudiant·e·s d’autre part, peuvent voir où ils/elles en sont par rapport à l’atteinte des objectifs et apprennent à mieux se connaître en tant qu’apprenant·e.

Plus largement, les TRC sont en fait basées sur sept présupposés issus de la recherche dans le domaine de la pédagogie:

  1. La qualité de l’apprentissage des étudiant·e·s dépend en grande partie de la qualité de l’enseignement;
  2. Pour accroître leur efficacité, les enseignant·e·s devraient définir des objectifs pédagogiques puis fournir du feedback aux étudiant·e·s à propos de la façon dont ils/elles sont en train de les atteindre;
  3. Pour améliorer leur apprentissage, les étudiant·e·s ont besoin de recevoir un feedback approprié, rapide et régulier mais ils/elles doivent aussi apprendre à évaluer eux/elles-mêmes leur propre apprentissage;
  4. Le type d’évaluation des enseignements qui permet le plus d’améliorer l’enseignement est celui qui correspond aux problèmes et aux questions que l’enseignant·e se posent à lui/elle-même, ce qui veut simplement dire que le mieux est que l’enseignant·e puisse interagir directement avec les étudiant·e·s à ce sujet;
  5. Le défi intellectuel et systématique constitue un moteur important de motivation, de développement et d’innovation chez les étudiant·e·s, et l’évaluation formative en classe peut y contribuer;
  6. Les TRC ne demandent pas une formation particulière et elles peuvent être mises en place en classe par des enseignant·e·s de toutes les disciplines;
  7. En collaborant avec des collègues et en impliquant activement les étudiant·e·s dans les TRC, les enseignant·e·s peuvent développer leurs compétences et leur satisfaction à enseigner.

Ce qui est un peu paradoxal, c’est que, si les TRC ont été au départ imaginées et développées sur base de recherches en pédagogie, elles n’ont fait que relativement peu l’objet d’études une fois le livre publié en 1988… Ceci dit, comme je le mentionnais juste avant, les TRC relèvent à la fois des méthodes actives et de l’évaluation formative en classe. Sur ces deux thèmes, il existe par contre beaucoup de recherches. Par exemple, Coe et al. (2014) ont mis en évidence six éléments importants d’une bonne évaluation formative:

  1. L’objectif est clairement et explicitement centré sur l’apprentissage des étudiant·e·s (pas sur les notes);
  2. Le feedback est lié à des objectifs des étudiant·e·s qui sont clairs, spécifiques et qui représentent un défi particulier ; le rôle explicite de l’enseignant·e est de les amener à atteindre ces objectifs;
  3. L’attention est portée sur l’apprentissage et pas sur la personne de l’étudiant·e ou sur la comparaison entre eux/elles;
  4. Les enseignant·e·s sont encouragé·e·s à être aussi en continu des apprenant·e·s ;
  5. Le feedback est délivré par un·e « mentor » (enseignant·e, pair ou expert·e) dans un environnement positif basé sur la confiance ; ceci renvoie à la notion d’ »amitié critique »;
  6. Un environnement de support à l’apprentissage est promu par la direction (du programme ou de l’institution).

Quand l’enseignant·e peut-il/elle utiliser les TRC et pour quoi faire?

La première question à se poser est vraiment de savoir pourquoi on veut mettre en œuvre des TRC dans sa classe. Dans son étude, Steadman (1998) en liste cinq principales:

  • Obtenir un feedback à propos de la satisfaction des étudiant·e·s et de leur perception de l’efficacité des activités pédagogiques organisées en classe;
  • Améliorer son enseignement;
  • Monitorer l’apprentissage des étudiant·e·s;
  • Améliorer les résultats d’apprentissage des étudiant·e·s (mémorisation par exemple, ou stratégies d’apprentissage);
  • Améliorer la communication et la collaboration entre étudiant·e·s

Un conseil souvent donné est de clarifier son ou ses objectifs personnels et de les expliciter aux étudiant·e·s dès la première séance de cours (et de le rappeler régulièrement).

Du point de vue des enseignant·e·s, les avantages des TRC mentionnées par Steadman sont:

  1. Donner le sentiment aux étudiant·e·s de pouvoir s’exprimer en classe à propos de leur compréhension et de leur satisfaction, ce qui rend l’ambiance de classe plus agréable;
  2. S’engager dans un processus continu de réflexion à propos de leur enseignement;
  3. Voir à quel point les étudiant·e·s peuvent s’impliquer dans leur apprentissage;
  4. Rejoindre une communauté d’enseignant·e·s impliqué·e·s dans leur enseignement.

Il y a aussi des désavantages potentiels : le manque de temps et la gestion des feedback négatifs sur l’enseignement.

Une fois ces objectifs définis, les TRC peuvent être utilisées quand on veut au cours d’un enseignement. Par exemple :

  • Au début d’un cours avec une activité de collecte des connaissances ou des conceptions préalables des étudiant·e·s;
  • Pendant le cours avec une activité de compréhension ou d’application comme un tableau logique ou l’exercice de résumer en une seule phrase un élément du cours;
  • A la fin d’un cours avec le Minute paper (« Écrivez en 3-5 lignes les éléments les plus importants que vous avez retenus du cours.« ) ou l’invention par les étudiant·e·s de questions qui pourraient constituer des questions d’examen.

Quelles sont les clés de participation des étudiant·e·s en classe ?

Les étudiant·e·s de l’enseignement supérieur sont de jeunes adultes. Ils/elles ne croient pas tout sur parole. Ils/elles ont besoin de pouvoir se projeter dans les enseignements qu’on leur propose, donc d’y retrouver un écho à leurs objectifs personnels. Ils/elles ont besoin de savoir ce qu’on attend d’eux/elles et de savoir où ils/elles en sont par rapport à ce que l’enseignant·e attend d’eux/elles. Ils/elles ont besoin de développer leur autonomie mais en même temps de conseils pour la développer et pour développer leurs stratégies d’apprentissage en autonomie. Ils/elles sont aussi friands de développer des compétences variées autres que liées directement aux contenus enseignés: expression orale, écriture, collaboration, réflexion personnelle, analyse critique, argumentation, etc. Ils/elles ont aussi plus globalement besoin de développer leur sentiment d’affiliation au programme dans lequel ils/elles sont inscrits et à l’institution.

Steadman (1998) cite plusieurs avantages des TRC du point de vue des étudiant·e·s:

  • Sentiment d’avoir un certain contrôle sur ce qui se passe en classe et sur la prise de parole en classe, le sentiment de ne pas subir le rythme du cours et la transmission de connaissances. Ce sentiment de contrôle est directement lié à la motivation.
  • Sentiment d’être davantage impliqué·e·s dans leur propre processus d’apprentissage.
  • Sentiment de mieux profiter d’un cours amélioré et innovant, sentiment que le cours est plus efficace pour leur apprentissage.
  • Meilleure métacognition et meilleure conduite de leur propre apprentissage.

Il y a aussi des désavantages : l’impression que, s’il y a trop d’exercices, la classe est « lente » et que les TRC prennent trop de temps. Certain·e·s trouvent cela inutile car il n’y a pas de note à la clé. Certain·e·s préféreraient aussi rester passif/ve·s au fond de la classe: leur conception de l’apprentissage est plutôt passive et réceptive. Mais ces conceptions de l’apprentissage peuvent évoluer tout au long d’un enseignement…

Si un·e enseignant·e veut se lancer dans l’intégration des TRC dans son cours, qu’est-ce que vous lui conseilleriez?

Ces conseils sont autant issus de ma pratique que des lectures que j’ai pu faire sur le sujet et dont les références sont mentionnées ci-dessous.

  • Expliquer pourquoi on fait ça en classe et que les bénéfices sont mutuels. Pour les étudiant·e·s, cela concerne autant l’apprentissage que les stratégies d’apprentissage;
  • Commencer avec des TRC simples (minute paper, muddiest point…);
  • Ne pas utiliser trop de TRC différentes, c’est important qu’il y ait une certaine forme d’activité régulière avec les étudiant·e·s qui balise les cours;
  • Ne pas utiliser des TRC qui ne correspondent pas à son style ou ses conceptions personnelles de l’enseignement;
  • Préparer soigneusement le timing (prévoir trop de temps, surtout les premières fois…) et répéter. Noter les consignes éventuelles sur une dia, préparer le matériel ou s’assurer que les étudiant·e·s ont le matériel nécessaire (papier, stylo, ordi…). S’assurer que la salle est adaptée.
  • Aller jusqu’au bout : expliquer aux étudiant·e·s ce qu’on a appris soi-même suite à un exercice, ou comment on va faire évoluer son enseignement;
  • Donner la parole aux étudiant·e·s à propos des TRC en classe.

Références

Quelques ressources en ligne (mes bookmarks sur Diigo)

Angelo, T. A., & Cross, K. P. (1993). Classroom assessment techniques: a handbook for college teachers (2nd ed). San Francisco: Jossey-Bass Publishers.

Coe, R., Aloisi, C., Higgins, S., & Major, L. E. (2014). What makes great teaching? Review of the underpinning research. Durham University: Centre for Evaluation & Monitoring. Consulté à l’adresse https://www.suttontrust.com/research-paper/great-teaching/

Steadman, M. (1998). Using Classroom Assessment to Change Both Teaching and Learning. New Directions for Teaching and Learning, 1998(75), 23‑35. https://doi.org/10.1002/tl.7503

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Il y a quelques années, j’avais écrit un article à propos de la différenciation de l’enseignement à l’université. J’avais proposé quelques pistes pédagogiques pratiques. Depuis 2014, cette réflexion a débouché sur l’organisation d’un atelier d’1h30 dont je partage le matériel ici. L’AIPU Suisse avait aussi organisé une université d’été sur le sujet en 2014.

Pourquoi différencier dans l’enseignement supérieur? L’idée est d’amener le plus d’étudiant·e·s possible vers l’atteinte des apprentissages visés (et au-delà) en leur proposant des situations qui tiennent compte de leurs intérêts, motivations ou conditions préférées pour apprendre. Comment faire quand une partie seulement des étudiant·e·s maîtrise les prérequis du cours? Comment faire quand, dans un même groupe, il y a des étudiant·e·s qui viennent de filières différentes, ou pour qui le cours correspond à un nombre différent de crédits? Est-ce possible lorsqu’il y a plus de 100 étudiant·e·s? Comment faire lorsque certain·e·s étudiant·e·s annoncent qu’ils/elles travaillent pendant leurs études et qu’ils/elles ne peuvent pas venir à toutes les séances? Ces cas de figure ne sont pas si rares et organiser son enseignement pour tenir compte au mieux de ces différences n’est pas toujours simple.

L’atelier commence par une invitation à une réflexion individuelle des participant·e·s à propos des conditions dans lesquelles ils/elles apprennent le mieux. En comparant ces conditions individuelles avec celles des autres, on se rend vite compte que ce qui est important pour quelqu’un ne l’est pas nécessairement pour d’autres. Ceci signifie que par définition, tout groupe d’étudiant·e·s est forcément divers dans ses préférences et orientations d’apprentissage. Comment essayer d’en tenir compte dans son enseignement?

Ensuite, je présente quelques définitions et quelques pistes pratiques pour mettre en oeuvre une certaine forme de différenciation en classe, même avec un grand groupe. Les références sur lesquelles je me suis appuyé pour faire cette synthèse se trouvent sur la dernière dia de la présentation.

Enfin, une activité d’étude de cas est proposée aux participant·e·s. Par petits groupes, ils/elles analysent quatre situations d’enseignement (PDF – 239Ko) qui pourraient nécessiter une différenciation de l’enseignement. Une discussion sur les aspects pratiques et sur cette « nécessité » justement a lieu finalement.

Dans les discussions avec les participant·e·s, je me rends compte souvent que tout le monde n’est pas nécessairement « prêt » à adapter et différencier ses enseignements. Les conceptions de l’enseignement tournent parfois autour du nombre d’étudiant·e·s qui rendrait impossible la différenciation ou l’impression d’une scolarisation de l’enseignement supérieur. Mon habitude est en général de ne pas essayer de convaincre à tout prix mais plutôt de poser des questions à propos de l’utilité de la différenciation et de proposer des pistes pratiques réalistes. J’invite aussi à essayer au moins une petite activité de différenciation et à évaluer sa mise en oeuvre et son efficacité.

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Dans cet article, je partage le matériel de formation que nous utilisons, avec ma collègue Deborah Dominguez, pour faire découvrir aux enseignant·e·s 12 méthodes actives d’enseignement. Cet atelier d’1h30 se déroule en mode Jigsaw, comme dans l’atelier « Articuler le travail des étudiant·e·s en et en dehors de la classe« .

L’idée générale de cet atelier est de réfléchir à l’utilité et la plus-value des méthodes actives et d’en découvrir 12 rapidement en discutant avec des collègues. Les dias de l’atelier sont présentées ci-dessous:

L’activité Jigsaw se déroule en 4 étapes:

  1. Les participant·e·s découvrent individuellement trois des 12 stratégies décrites dans ce document (PDF – 116Ko). Ils/elles les classent selon quatre axes (définis par Jacques Lanarès et Emmanuel Sylvestre):
    • Applicabilité/Transférabilité: dans quelle mesure la stratégie amène-t-elle les étudiant·e·s à mettre en application des concepts théoriques dans des situations pratiques variées?
    • Interactivité: la stratégie permet-elle l’interaction entre les étudiant·e·s et avec l’enseignant·e?
    • Feedback: les étudiant·e·s ont-ils/elles la possibilité de recevoir du feedback à propos de leurs apprentissages grâce à cette stratégie?
    • Réflexivité: les étudiant·e·s sont-ils/elles invité·e·s à développer leur capacité réflexive, l’analyse, la résolution de problèmes, etc.?
  2. Par petits groupes, les participant·e·s discutent de leur classement des trois méthodes selon les quatre axes. Ils/elles essaient d’imaginer leur mise en application en classe.
  3. Les groupes sont reformés de manière à ce que chaque membre du groupe ait examiner trois méthodes différentes des autres. Ils/elles présentent leurs trois méthodes à leurs collègues et discutent de leur mise en application, ainsi que des variantes possibles dans la mise en pratique.
  4. Individuellement, chaque participant·e mène une brève réflexion personnelle à propos de l’adaptation d’une ou de plusieurs des stratégies dans leurs propres enseignements.

12 stratégies… ce n’est pas beaucoup au vu de toutes celles qui sont décrites dans la littérature sur le sujet! Le but de l’atelier est avant tout de donner envie d’essayer des activités qui ne demandent pas beaucoup d’investissement dans un premier temps. La dernière dia du diaporama propose une courte bibliographie d’ouvrages recensant de nombreuses stratégies d’enseignement.

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Il y a quelques temps, j’avais publié un article sur ce blog intitulé « Faire travailler les étudiant·e·s en dehors de la classe« . J’y présentais un document issu d’une réflexion collective avec des enseignant·e·s de mon université pour proposer aux étudiant·e·s des activités d’apprentissage pour préparer, exploiter ou prolonger les activités en classe.

Depuis deux ans, cette réflexion a débouché sur l’organisation d’un atelier d’1h30 pour les enseignant·e·s. L’idée est de faire découvrir des activités à réaliser avec les étudiant·e·s et de discuter de l’opportunité de les mettre en oeuvre dans différents contextes d’enseignement. Les dias sont présentées ci-dessous.

L’atelier est principalement organisé en quatre temps (sur le mode du Jigsaw):

  1. Un temps individuel où les participant·e·s sont invité·e·s à prendre connaissances de trois stratégies pour faire travailler les étudiant·e·s en dehors de la classe. Ce document PDF (118Ko) en présente neuf. Les participant·e·s s’en voient attribuer trois. Ils doivent les classer selon 4 critères dans un schéma sous forme de radar:
    • Méthodes de travail: la stratégie décrite incite-t-elle les étudiant·e·s à analyser et à développer leurs méthodes de travail?
    • Compréhension/Réflexion: la stratégie vise-t-elle à développer la compréhension et/ou la réflexion des étudiant·e·s à propos de la matière enseignée?
    • Interactivité/Implication: la stratégie suscite-t-elle les interactions entre étudiant·e·s ou avec l’enseignant·e et leur engagement dans les activités?
    • Autonomie/Responsabilisation: la stratégie incite-t-elle les étudiant·e·s à opérer des choix personnels et à organiser leur travail autonome?Stratégies pour le travail hors classe
  2. Par petits groupes, les participant·e·s qui ont analysé les trois mêmes stratégies se regroupent et discutent de leur classement sur les quatre axes du radar. Ils/elles essayent de trouver un consensus, en réfléchissant notamment à la mise en oeuvre concrète des stratégies.
  3. Les groupes sont ensuite mélangés. Dans les nouveaux groupes se retrouvent des participant·e·s qui n’ont pas analysé les mêmes stratégies aux temps 1 et 2. La tâche de chaque participant·e est d’expliquer ses trois stratégies à ses collègues en commentant également le classement proposé selon les quatre axes.
  4. Individuellement, chaque participant·e fait le point et réfléchit à l’opportunité d’organiser l’une ou l’autre des stratégies proposées dans ses propres enseignements.

Pour finir, d’autres stratégies sont encore proposées brièvement et une discussion générale s’ensuit. Les participant·e·s font souvent remarquer à ce moment que les stratégies proposées sont en réalité combinables entre elles sur l’ensemble d’un cours.

Enfin, pour préparer cet atelier, j’avais effectué quelques recherches et j’ai découvert l’activité « SPUNKI« . Il s’agit d’inciter les étudiant·e·s à lire des textes scientifiques et à s’impliquer dans leurs lectures. SPUNKI est un acronyme pour désigner six questions à poser aux étudiant·e·s lorsqu’ils/elles préparent une lecture: « What part or parts of the reading did you find Surprising?, Puzzling?, Useful?, New?, Knew it already?, Interesting?« . A tester, très certainement…

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Cette année 2015 est marquée pour moi par plusieurs projets d’écriture. Dans les prochains articles de ce blog, je vais essayer d’en rendre compte.

« Une question de temps : apprentissage par problème dans un cours de police scientifique » est un texte paru dans la Revue Internationale de l’Enseignement Supérieur (RIPES). Il fait suite à un projet de développement pédagogique initié par la Prof. Céline Weyermann de l’Institut de Police Scientifique de l’Université de Lausanne. Il raconte le développement d’un de ses enseignements vers une organisation en Apprentissage Par Problème (APP).

En voici le résumé:

Cet article présente l’évaluation du scénario pédagogique d’un cours portant sur la datation et la chronologie en police scientifique organisé autour d’un apprentissage par problèmes (APP). Ce cours est organisé en APP pour aborder autant les questions pratiques que les concepts théoriques avec les étudiants, remplaçant ainsi une partie d’un enseignement ex cathedra. L’évaluation du scénario a mis en évidence le degré élevé de motivation des étudiants lié aux types de problèmes proposés, issus de situations réelles. Ceux-ci ont appris à travailler en groupe et à interagir de manière systématique avec leur entourage, étant ainsi partenaire de leur apprentissage plutôt que récepteurs. Cette nouvelle façon d’aborder l’enseignement théorique a également permis à l’enseignante d’améliorer ses capacités à transmettre les compétences visées au long du processus mis en place et ceci tout particulièrement en terme de transfert de la théorie vers la pratique.

J’ai pris beaucoup de plaisir à accompagner ce projet et à participer à l’écriture de cet article. Tout cela s’inscrit en droite ligne dans le courant du Scholarship of Teaching and Learning dont j’ai déjà parlé dans un autre article. Outre le fait que j’aie pu aider à la mise en place d’un APP, j’ai aussi participé à l’évaluation de ce projet, ce dont rend compte l’article.

Weyermann, C., Daele, A., Muehlethaler, C., & Voisard, R. (2015). Une question de temps : apprentissage par problème dans un cours de police scientifique. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 31(1). Consulté à l’adresse http://ripes.revues.org/953

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Depuis plus de vingt ans, le public d’étudiant-e-s des universités tend à se diversifier de plus en plus. En plus de devenir des universités « de masse » (Romainville, 2000), nos institutions d’enseignement supérieur sont confrontées à des étudiant-e-s d’origines, de culture, de religion ou de langue très diverses; leurs pré-acquis sont très variés, ainsi que leurs intérêts, leurs projets et leur motivation. La Suisse compte par exemple les trois universités les plus internationales du monde, selon le Times Higher Education. Cette diversité a des répercussions en matière d’accueil des étudiant-e-s dans nos institutions mais aussi d’un point de vue pédagogique. Comment tenir compte de cette diversité dans ses enseignements? Comment faire en sorte que tou-te-s les étudiant-e-s se sentent inclus-e-s dans la classe et aient envie de s’impliquer et de participer? Comment les motiver tou-te-s en tenant compte de leur diversité? Comment enrichir ses enseignements grâce à la diversité des étudiant-e-s?

Ces questions, nous nous les sommes posées avec un groupe d’enseignant-e-s durant cette année académique 2013-2014. Une petite communauté de pratique s’est constituée sur ce thème, à l’initiative de ma collègue Marika Fenley, chargée du projet « diversité » à l’Université de Lausanne. Le compte rendu des activités de ce groupe se trouve en ligne, avec la documentation sur le sujet.

Le compte rendu final a pris la forme d’une « boîte à outils » pour les enseignant-e-s intitulée « Increase inclusion in higher education: tips and tools for teachers » (PDF – 1,3Mo). Le texte est en anglais (une traduction est prévue pour la fin de l’été) mais voici le résumé en français:

La diversité constitue aujourd’hui une réalité et une nécessité à l’Université de Lausanne. Les enseignants, les étudiants et les équipes de recherche forment un ensemble diversifié de personnes aux formations, aux expériences, aux cultures, ou aux personnalités parfois très différentes. Cette diversité constitue à la fois une grande richesse et un grand défi.

La diversité peut constituer un terrain extrêmement fertile pour l’innovation et la créativité. Cependant, à cause de notre tendance naturelle à nous rapprocher de ce qui nous est familier, l’interaction au sein de groupes diversifiés ne se fait pas toujours naturellement et automatiquement. Afin de tirer les bénéfices d’un environnement diversifié, nous avons besoin d’apprendre à aller à la rencontre des personnes différentes de nous pour interagir avec elles. Ceci est important autant pour les enseignants que pour les étudiants.

Ce document est conçu pour soutenir les enseignants dans le développement d’un enseignement valorisant le sentiment d’inclusion et la diversité. Plus précisément, ce document est conçu comme une boîte à outils pour les enseignants, en proposant des exercices pratiques et des idées pour introduire et développer un sentiment d’inclusion dans leurs classes. Cela peut constituer une première étape dans le développement de programmes de formation respectant davantage la diversité.

La première partie de ce document propose une vue d’ensemble de ce que recouvre la notion de diversité en général et dans l’enseignement supérieur en particulier, en mettant en évidence l’intérêt du concept d’inclusion. Dans la seconde partie, nous proposons une série d’exercices et d’outils pratiques dont l’objectif est de développer le sentiment d’inclusion des étudiants autant dans les petites classes que dans les grands groupes. Nous suggérons également quelques pistes pour individualiser dans une certaine mesure l’enseignement et l’évaluation des apprentissages. En conclusion, la troisième partie identifie les éléments les plus importants à retenir pour intégrer ces idées et outils dans un enseignement et propose en outre une série de références complémentaires à propos de la diversité et de l’inclusion dans l’enseignement supérieur.

Par ailleurs, la section Suisse de l’Association Internationale de Pédagogie Universitaire organise sa première école d’été sur le thème « Diversifier son enseignement » les 19 et 20 août prochains à Saint-Maurice en Valais. Tous les renseignements utiles se trouvent sur leur site web… mais je crains qu’il ne reste plus beaucoup de place 😉

Romainville, M. (2000). L’échec dans l’université de masse. Paris: Editions L’Harmattan.

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A l’approche des examens, il peut être utile de s’interroger sur les formes d’évaluation que l’on met en oeuvre. Par exemple, l’examen oral est assez répandu dans certaines disciplines, notamment en Lettres ou en Droit, mais n’a pas toujours une bonne réputation auprès des étudiant-e-s qui le considèrent comme davantage stressant et subjectif que d’autres formes d’évaluation. Il y a quelques temps, j’avais publié ici une note de synthèse à ce sujet.

J’ai repris cette note pour l’augmenter et pour en faire une nouvelle version publiable sous la forme d’une fiche pédagogique. Le document peut être téléchargé ici (PDF – 449Ko). En voici l’introduction:

Selon Joughin (1998, 2010), un examen oral peut être défini simplement comme un mode d’évaluation des apprentissages au cours duquel les réponses de l’étudiant à la tâche prescrite sont données oralement. Cette tâche peut par exemple consister en une présentation publique orale de l’étudiant à propos d’un travail qu’il a réalisé, une discussion d’un travail avec l’enseignant ou la réponse orale à des questions d’examen, avec ou sans temps de préparation. Les situations d’examen oral sont relativement répandues dans certaines disciplines, notamment la médecine, le droit ou l’architecture. Cette forme d’évaluation est privilégiée lorsque les étudiants sont amenés à rendre compte de compétences telles que l’expression orale, l’argumentation dans un débat ou la défense d’un travail personnel. Par ailleurs, il est assez habituel de recourir à l’examen oral dans les universités européennes francophones, et ce, dans toutes les disciplines, alors que dans les universités anglo-saxonnes, cela est moins courant et réservé davantage à certaines disciplines ou aux étudiants qui en font la demande, par exemple pour des raisons de santé ou de maîtrise de la langue écrite.

Les objectifs de ce document sont d’une part, de mettre en évidence les avantages et les inconvénients de l’examen oral comme forme d’évaluation des apprentissages des étudiants, et d’autre part, de fournir aux enseignants du supérieur un cadre pour préparer et organiser un examen oral.

Bonne période d’examens à tout-te-s!

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Depuis 2006, le Service Orientation et Conseil de mon université réalise chaque automne une large enquête téléphonique auprès des nouveaux/nouvelles étudiant-e-s pour leur demander « Comment allez-vous? ». Le sondage porte sur leur adaptation à leur nouvelle vie d’étudiant-e-s universitaires ainsi que sur leurs premières impressions à propos des cours qu’ils/elles suivent. Parmi tous les résultats très riches de cette enquête, il y a un graphique qui nous a interpellé, mes collègues et moi. C’est celui des difficultés d’apprentissage rencontrées par les nouveaux/nouvelles étudiant-e-s. Dans l’enquête 2011, 293 commentaires (émis parmi les 1’227 étudiant-e-s interrogé-e-s) ont porté sur les difficultés d’apprentissage qu’ils/elles rencontraient au cours des premiers mois de leurs études. 27% de ces 293 commentaires ont porté sur la gestion du temps. D’autres commentaires ont porté sur la mémorisation, la prise de notes, la préparation aux examens, la lecture d’ouvrage de références, etc.

Capture d’écran 2013-11-21 à 18.26.13

Voici quelques commentaires représentatifs de ces difficultés:

« C’est très difficile de se motiver pour travailler quand on sait que le taux de réussite n’est que de 20%. » – « En philosophie on va trop vite. » – « Ce serait bien de mettre en place des cours de soutien car c’est dur de poser des questions car il y a trop de personnes après les cours. » – « Il y a trop de documents des cours sur internet et il y a des doublons. La qualité des documents laisse à désirer. Il faudrait une uniformisation des documents à travers toute la faculté. Même type de structure, etc. Manque résumé des documents. Dire si c’est important. La manière de s’exprimer. »

Le Service Orientation et Conseil fournit beaucoup d’aide aux étudiant-e-s en ce qui concerne les méthodes de travail: conseil individuel, cours d’introduction aux études universitaires, ateliers en petits groupes et nouveau portail web « Réussir ses études à l’Université de Lausanne » qui propose de nombreuses ressources en ligne pour développer ses méthodes de travail. Moi-même, j’ai déjà consacré plusieurs articles de ce blog sur le sujet: la prise de notes, les étudiant-e-s (soi-disant) multi-tâches ou les étudiant-e-s stratégiques.

9782804182106

Par ailleurs, de nombreuses autres ressources existent pour les étudiant-e-s, notamment l’ouvrage récent « Réussir sa première année » de Mireille Houart, paru en août 2013 aux éditions De Boeck (petite publicité pour une ancienne collègue de Namur! 🙂 ).

Mais qu’en est-il du côté des enseignant-e-s? Que peuvent-ils/elles faire pour encourager et favoriser l’acquisition de méthodes de travail efficaces par les étudiant-e-s? Avec nos collègues du Service Orientation et Conseil, nous proposons une ou deux fois par an un atelier-midi sur le sujet à destination des enseignant-e-s, histoire de faire passer un message simple: « Si vos étudiant-e-s semblent démotivés ou n’ont pas l’air très efficaces dans leurs études, ça n’est pas une fatalité, ni une caractéristique particulière des étudiant-e-s actuel-le-s! Plusieurs choses peuvent être mises en place dans les cours pour y remédier! ».

A cette occasion, je présente entre autres les éléments principaux du texte de Weinstein et al. (2011) à propos des façons d’amener les étudiant-e-s à devenir des apprenant-e-s stratégiques. Selon ces auteur-e-s, un-e étudiant-e stratégique, c’est un-e étudiant-e qui:

  • Est confiant-e dans ses chances de succès;
  • A une idée relativement claire de ce qu’il faut faire pour réussir ses études, que ça soit en termes de méthode de travail ou en termes de gestion de son temps;
  • Fait preuve de ténacité: il/elle n’abandonne pas facilement face à une difficulté d’apprentissage;
  • Contrôle en grande partie ses activités d’apprentissage et d’étude;
  • Sait quand il/elle comprend le contenu d’un cours ou ne le comprend pas;
  • Développe des stratégies face aux difficultés d’apprentissage: il/elle demande de l’aide à l’enseignant-e, se renseigne, discute avec ses collègues, etc.

Pour que les étudiant-e-s développent ces attitudes, de nombreuses actions peuvent être entreprises par les enseignant-e-s dans leurs cours, sans pour autant y consacrer spécifiquement du temps. Dans les dias suivantes, les enseignant-e-s trouveront quelques pistes pour que leurs étudiant-e-s développent des intérêts personnels, comprennent leur propre façon de fonctionner en tant qu’étudiant-e (métacognition), opèrent des liens entre leurs connaissances, développent des stratégies d’apprentissage spécifiques à leur domaine d’étude, etc.

Par ailleurs, les enseignant-e-s pourraient plus systématiquement guider les étudiant-e-s vers les ressources disponibles à ce sujet dans leur université, surtout dans la première année d’étude.

Weinstein, C. E., Meyer, D. K., Husman, J., McKeachie, W. J., & King, C. A. (2011). Teaching students how to become more strategic and self-regulated learners. In M. Svinicki & W. J. McKeachie (Eds.), McKeachie’s teaching tips. Strategies, research, and theory for college and university teachers (13th ed., pp. 292–307). Belmont, CA: Wadsworth.

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Etre capable de lire, de décrire et d’interpréter un graphique statistique constitue une compétence importante dans pratiquement toutes les disciplines enseignées dans l’enseignement supérieur. Or si les cours de statistiques se focalisent sur la manipulation de données et la production de tableaux et graphiques par les étudiant-e-s, ils insistent moins sur la lecture, la description et l’interprétation de ces données présentées sous des formes diverses, dont des graphiques. C’est en tout cas le constat posé par un enseignant en sciences criminelles de l’Université de Lausanne, Daniel Fink. Il a donc obtenu un financement du Fonds d’Innovation Pédagogique de l’université pour lancer le projet Decrigraph en 2013 dont les objectifs étaient d’améliorer les compétences de lecture (rapide) de graphiques des étudiant-e-s et de développer leurs aptitudes de description (dense) du contenu de graphiques. A la fin du projet, il a organisé une journée d’étude sur les graphiques et leur description en criminologie (le 15 novembre 2013) à laquelle j’ai assisté.

Mais d’abord, qu’entend-on par « compétence de littératie graphique », puisque c’est ce dont il est question ici? On considère le plus souvent que cette compétence recouvre quatre aspects: 1) la sensibilité aux données statistiques, 2) la compréhension des concepts statistiques liés aux graphiques (moyennes, médianes, etc.), 3) l’analyse, interprétation et l’évaluation de l’information statistique et 4) la communication des graphiques à différents publics (scientifique, politique, estudiantin, grand public, etc.).

Pour enseigner cette compétence aux étudiant-e-s, de nombreuses ressources pédagogiques existent. Par exemple:

  • L’exercice présenté sur cette page est assez classique. Un graphique est proposé et il est demandé aux étudiant-e-s de le décrire en 150 mots sans donner leur opinion. Des pistes sont données ensuite pour effectuer une auto-correction.
  • Les petits jeux présentés sur cette page et destinés à des élèves de secondaire aident à se familiariser avec la lecture de données dans un graphique ou un tableau. Les questions posées sont très simples mais on peut aisément imaginer des questions plus complexes (dans tel tableau, quelles sont les chiffres les plus significatifs et pourquoi? quels sont les chiffres qui montrent une rupture dans le temps? etc.) ou demander aux étudiant-e-s de poser des hypothèses explicatives, voire de comparer des graphiques entre eux.
  • L’Université de Leicester propose aux étudiant-e-s une ressource très intéressante pour apprendre à présenter des données numériques. Les enseignant-e-s peuvent bien sûr s’en inspirer pour proposer des activités de lecture et d’interprétation de graphiques avec leurs étudiant-e-s.
  • L’Open University propose aussi à ses étudiant-e-s un « toolkit » pour travailler avec des tableaux et des graphiques (PDF – 1,2Mo) avec des exercices pratiques.

J’ai rassemblé d’autres ressources ici.

On verra que toutes ces ressources sont centrées sur l’apprentissage individuel des étudiant-e-s. L’originalité du projet Decrigraph a été d’organiser l’enseignement autour de discussions en petits groupes d’étudiant-e-s. Voici un extrait du descriptif du projet à ce sujet:

Cet apprentissage se fera au départ par un travail de groupe à trois qui consiste à réaliser une analyse du contenu d’un graphique (p.ex. le taux de criminalité en Suisse, la part des peines privatives de liberté), à confronter les divers points de vue et à négocier l’information la plus importante devant être retenue au sujet d’un graphique. Le groupe doit ensuite restituer cette information pour une catégorie déterminée de lectrices ou lecteurs (spécialistes, journalistes, grand public…) en rédigeant un descriptif avec un maximum de 4 à 5 phrases. Ce travail est toujours réalisé sous une certaine contrainte de temps. Toutes les propositions sont ensuite soumises à la critique en plénum tout en débattant des critères permettant de juger de la qualité des descriptions. Sur la base de cette expérience réalisée en commun, les étudiant·e·s sont ensuite amené·e·s à retravailler, en groupe d’abord, seul·e·s par la suite, le descriptif d’un graphique similaire contenant cependant d’autres données (p.ex. les données des cantons, sur d’autres infractions ou d’autres années). De manière à expérimenter la valeur évocatrice et compréhensible de ces descriptions, on demandera aux étudiant-e-s de les présenter oralement aux autres participant-e-s du cours, à l’aide d’un graphique projeté ou sur papier.

Concrètement, à chaque séance du cours, l’enseignant présentait un exemple de description de graphique. Les étudiant-e-s étaient ensuite invité-e-s à travailler en groupe de 3 ou 4 (entre 40 et 50 étudiant-e-s en tout en Master de Sciences criminelles) sur un graphique ou un tableau statistique qui leur était soumis. Les groupes avaient alors 2 jours pour envoyer la description écrite du graphique ou tableau par courrier électronique à l’enseignant. Celui-ci compilait les réponses, donnait un feed-back général à la séance suivante et une discussion s’ensuivait.

Dans les consignes de travail, les étudiant-e-s étaient invité-e-s à décrire les graphiques en suivant 6 étapes (qui s’inspirent de ce document de J. Groves, 2009 – PDF-103Ko, des exemples sont repris dans ce document):

  1. Introduction: présenter en une phrase le sujet dont traite le graphique;
  2. Information principale: décrire en une phrase l’information principale présentée par le graphique, le résultat le plus marquant ou la tendance principale;
  3. Informations secondaires: décrire en une phrase chaque partie ou tendance du graphique sans utiliser de donnée numérique;
  4. Corps de texte: détailler les informations secondaires avec quelques chiffres (1 à 3 phrases);
  5. Conclusion: présenter en d’autres mots les tendances principales en les replaçant dans un contexte plus large;
  6. Titre: quelques mots pour attirer l’attention qui résument l’ensemble du graphique.

Lors de la journée du 15 novembre, plusieurs idées intéressantes ont été émises pour enseigner la littératie graphique aux étudiant-e-s mais aussi plus largement les statistiques dans leur ensemble:

  • Faire produire et traiter des données par les étudiant-e-s eux/elles-mêmes, par exemple en menant un sondage sur un sujet, en récupérant des données d’archive ou en faisant passer un questionnaire;
  • Faire critiquer par les étudiant-e-s des graphiques et des tableaux trouvés dans les médias (voir à ce sujet les très intéressantes publications de l’association Pénombre en France);
  • Faire utiliser aux étudiant-e-s des données et des graphiques existant, par exemple sur les sites nationaux de statistiques (par exemple l’Office Fédéral de la Statistique ou l’Atlas de l’Etat en Suisse);
  • Initier les étudiant-e-s à l’usage de bases de données avec des outils informatiques, comme des cartes interactives ou des cubes statistiques.

Voici donc quelques pistes pour développer la littératie graphique des étudiant-e-s. D’autres compétences de ce type auraient certainement avantage à être traitées de la sorte dans l’enseignement supérieur. Je pense notamment à la résolution de problèmes, à la présentation orale ou à la rédaction de rapports de synthèse… toutes des compétences nécessaires pour réussir ses études mais qui ne sont pas enseignées explicitement…

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Il y a trois ans, j’ai publié ici une note intitulée « Motiver les étudiant-e-s? » qui reprenait quelques pistes pédagogiques pour influencer la motivation des étudiant-e-s. La réflexion s’est poursuivie et est devenue collective puisque depuis le mois d’avril 2013, j’anime avec quelques enseignant-e-s de l’Université de Lausanne, des rencontres pédagogiques (sur le mode des communautés de pratique) sur le thème de la motivation des étudiant-e-s à l’université.

Un compte rendu de notre première rencontre (PDF – 528Ko) est disponible en ligne. Plusieurs questions ont constitué le coeur de la discussion: qu’est-ce que la motivation? à quoi reconnaît-on un-e étudiant-e motivé-e? quelles peuvent être les causes de la démotivation des étudiant-e-s? comment soutenir leur motivation?

Voici un bref extrait du compte rendu à propos des éléments qui peuvent causer la démotivation des étudiant-e-s:

Quelles peuvent être les causes de la démotivation des étudiant·e·s?

Les étudiant·e·s peuvent se démotiver pour plusieurs raisons plus ou moins subjectives :

  • Perception floue de l’utilité de l’enseignement qu’ils/elles suivent;
  • Enseignements paraissant trop complexes ou trop théoriques par rapport à leurs connaissances préalables ou par rapport à leurs projets professionnels;
  • Conceptions des étudiant·e·s à propos de leurs apprentissages. Certain·e·s considèrent qu’apprendre à l’université est une activité passive dans laquelle il faut peu s’impliquer.
  • Sentiment que les attentes, questions ou intérêts personnels sont peu pris en compte dans l’enseignement;
  • Impression de redondance ou de monotonie entre les enseignements;
  • Mauvaise compréhension des consignes de travail ou de ce qui est attendu précisément par l’enseignant·e;
  • Impression que les efforts fournis ne sont pas « récompensés » (par rapport aux notes d’examen ou aux crédits obtenus) ou ne conduisent pas à des apprentissages significatifs.

Comment comprendre cette (dé)motivation? Que faire en tant qu’enseignant-e? La réflexion s’est en partie basée sur deux références:

Lors de la seconde rencontre, en novembre 2013, nous avons discuté de ces deux textes, présentés dans un diaporama de synthèse:

Nous avons ensuite essayé de résoudre deux cas (PDF – 65Ko) qui peuvent être utilisés dans une formation ou pour animer une discussion avec des enseignant-e-s. La discussion de ces cas a fait émerger plusieurs éléments à prendre en compte:
  • pour encourager la participation des étudiant-e-s en classe (par ex. organiser des activités variées où les étudiant-e-s peuvent participer directement ou indirectement, préparer les temps de parole des étudiant-e-s, etc.),
  • pour leur donner des feed-backs motivants (par ex. centrer le feed-back sur des éléments concrets qu’ils peuvent modifier dans leurs travaux ou dans leur participation en classe, clarifier les critères d’évaluation de la participation, etc.),
  • pour les encourager à développer leurs méthodes de travail (par ex. donner du feed-back sur les présentations orales en classe, donner au début de l’année de courts travaux écrits puis plus conséquents, etc.),
  • pour les impliquer davantage dans les enseignements (par ex. leur laisser la possibilité de poser des choix personnels sur les thèmes de travail, leur permettre de s’impliquer selon différentes formes de participation, leur laisser la possibilité de proposer des thèmes de discussion ou d’animer eux/elles-mêmes des discussions, etc.),
  • etc.

Pour les conseiller/ère-s pédagogiques, ces deux cas et ces quelques pistes de solution peuvent aider à animer une discussion intéressante à propos de la motivation. Une publication récente peut aussi être utilisée comme référence et propose d’autres pistes:

Rege Colet, N., & Lanarès, J. (2013). Comment soutenir la motivation des étudiants ? In D. Berthiaume & N. Rege Colet (Eds.), La pédagogie de l’enseignement supérieur: repères théoriques et applications pratiques (Vol. 1, pp. 73–86). Berne: Peter Lang.

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La période estivale est l’occasion pour bon nombre d’enseignant-e-s de consacrer du temps à la mise à jour de leurs enseignements: développement de certains contenus, réflexion sur l’organisation générale, adaptation de certaines activités et consignes pour les travaux des étudiant-e-s, etc. C’est aussi peut-être l’occasion de se pencher sur le syllabus du cours, ce document descriptif qui présente en général les objectifs, le déroulement du cours, les consignes pour les travaux, le mode d’évaluation, etc.

Récemment, une assistante en fin de thèse m’a demandé des renseignements à propos de la « teaching philosophy statement« . Lorsque l’on postule pour un poste dans une université nord-américaine, c’est souvent une question qui est posée aux candidat-e-s. De quoi s’agit-il? Il s’agit en fait de ce que l’on pourrait appeler une « Lettre à mes étudiant-e-s » où l’enseignant-e explique comment il/elle considère l’enseignement à l’université, comment il/elle voit son rôle par rapport à l’apprentissage de ses étudiant-e-s, comment il/elle pense qu’il est souhaitable de se former dans sa discipline, quelles activités il/elle met en place en classe et pourquoi, etc. Le Center for Teaching and Learning de l’Université du Minessota définit de la façon suivante la « philosophie d’enseignement »:

A teaching philosophy is a self-reflective statement of your beliefs about teaching and learning. In addition to general statements, your teaching philosophy should also include examples of how you put your beliefs into practice by including concrete examples of what you do or anticipate doing in the classroom.

Pourquoi s’adresser ainsi à ses étudiant-e-s? Les raisons évoquées sont multiples et pourraient être résumées ainsi:

  • Cela permet aux étudiant-e-s de première année de découvrir la façon dont les enseignant-e-s conçoivent l’enseignement à l’université. Il s’agit pour eux/elles d’un message d’accueil qui leur fait comprendre explicitement les différences entre l’université et l’école secondaire et qui leur permet ainsi d’entrer dans la « culture universitaire ». Quand cette culture n’est pas perçue par les étudiant-e-s, ceux/celles-ci éprouvent des difficultés à adapter leurs comportements, leurs méthodes de travail, leur organisation personnelle, etc. à ce qui est attendu à un niveau universitaire.
  • Par rapport aux activités pédagogiques en classe et en dehors de la classe, cela clarifie ce qui est attendu de la part de l’enseignant-e. Si il/elle souhaite que les étudiant-e-s participent activement en classe ou qu’ils/elles fassent des recherches personnelles entre les séances, autant le leur dire explicitement. Cela facilite par la suite l’engagement et la motivation des étudiant-e-s.
  • Cela permet à l’enseignant-e de mettre à plat ce qu’il/elle pense lui/elle-même de son rôle dans l’enseignement universitaire, sa responsabilité vis-à-vis de l’apprentissage des étudiant-e-s et sa façon de considérer l’apprentissage de sa discipline. Aux yeux des collègues et des autorités académiques, cela montre son engagement dans son travail d’enseignement.

Sur son site web, le Center for Excellence in Learning and Teaching de l’Université de l’Iowa a une belle formule pour résumer l’intérêt de réaliser un tel exercice personnel:

Here is where you can be, if not grandiose, at least a bit grand. What, to you, are the great and wonderful rewards of teaching? Why is teaching important? How do you want to make the world or at least higher education better? When you are overworked and feel undervalued, to what ideals do you return in order to rejuvenate yourself and inspire your students? How do you want to make a difference in the lives of your students?

Sous quelle forme présenter sa philosophie d’enseignement? En général, il s’agit d’un texte court (1 ou 2 pages maximum), écrit à la première personne (« je ») et rédigé comme une lettre personnalisée à ses étudiant-e-s. L’enseignant-e y précise par exemple:

  • pourquoi il/elle a choisi d’enseigner à l’université,
  • ce qu’il/elle trouve passionnant dans ce travail,
  • ce qu’il/elle trouve intéressant et valorisant dans l’étude de sa discipline,
  • ce qu’il/elle voudrait que les étudiant-e-s développent comme compétences pendant le cours,
  • comment il/elle considère son rôle d’enseignant-e à l’université et comment il/elle le met oeuvre,
  • comment il/elle voit le rôle des étudiant-e-s à l’université,
  • etc.

La philosophie d’enseignement peut aussi refléter la personnalité de l’enseignant-e, son humour, sa façon d’être dans la vie en général, ses passions, etc. Il s’agit donc d’un message qui peut être très personnel dont le but est d’établir une certaine complicité avec les étudiant-e-s.

Au fil de mes lectures, j’ai repéré quelques phrases assez parlantes de ce que peut être une philosophie d’enseignement:

  • « Give a damn! Care! This class won’t be worth our time if we aren’t both invested! » (Grunert O’Brien, Millis & Cohen, 2009)
  • « Teaching is something I do with students, not something I do to them. » (Grunert O’Brien, Millis & Cohen, 2009)
  • « Progressing through graduate school allowed me to define learning as a personal process of growth. Being able to ask questions and actually attempt to answer those questions was extremely motivating. The same ideas flowed into my classrooms, where I urge my students to think about very basic questions they have, and to begin questioning all those “facts” in the textbook. » (Ohio State University)
  • « Like the development of any other skill, critical thinking requires practice, whereby repetitious acts form patterns that become easier to perform, eventually becoming natural, almost instinctual. I employ the strategy of audi alteram partem— translated as “hear the other side”—to cultivate this habit of critical inquiry and analytical thinking. For example, instead of qualifying and modifying a student’s comment in class discussion, I will simply respond with the phrase, often kick-starting a fast and loose version of the dialectical process: one student’s comment (thesis) is followed by a counter-perspective (antithesis), resulting in a new claim (synthesis) for the class to think about. » (Ohio State University)

Sur les sites des centres de pédagogie universitaire nord-américains, de nombreux exemples sont proposés en lecture. J’en ai rassemblés quelques-uns à cette adresse. Enfin, voici deux références intéressantes pour développer son syllabus de cours, trouver des exemples variés classés par discipline et même, rendre ce document plus facile à utiliser pour les étudiant-e-s:

Grunert O’Brien, J., Millis, B. J., & Cohen, M. W. (2009). The course syllabus. A learning-centered approach (2nd ed.). San Francisco: Jossey-Bass.

Nilson, L. B. (2009). The Graphic Syllabus and the Outcomes Map: Communicating Your Course. San Francisco: John Wiley & Sons.

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Depuis septembre 2011, nous organisons des « rencontres pédagogiques ». Le descriptif de ces séances est présenté sur le site du Centre de Soutien à l’Enseignement. Le principe s’inspire des communautés de pratique. Ces rencontres sont ouvertes aux personnes, enseignant-e-s ou assistants-doctorant-e-s, ayant participé à l’une de nos formations pédagogiques. L’idée est de leur proposer un cadre pour prolonger les discussions entamées dans les journées de formation et pour partager leurs expériences d’enseignement sur des thèmes plus spécifiques. Les objectifs affichés sont les suivants:

  • Partager ses expériences pédagogiques et être encouragé-e à développer ses activités d’enseignement;
  • Partager ses questions pédagogiques et recevoir des réponses des autres participant-e-s et de l’animateur;
  • Recevoir et partager des ressources pédagogiques;
  • Participer à la production et à la diffusion de ressources pédagogiques pour les enseignant-e-s.

Une des séances de l’année passée a été consacrée au thème « Faire travailler les étudiant-e-s en dehors de la classe ». L’idée était de répondre aux questions souvent entendues chez les enseignant-e-s à propos du travail des étudiant-e-s en dehors des cours pour préparer une séance, relire leurs notes, réaliser une lecture, organiser un travail de groupe, etc. Certain-e-s ont l’impression que les étudiant-e-s évitent les tâches demandées. Les discussions ont été riches, chacun-e émettant des propositions et des idées en se basant sur sa propre expérience. Un document, synthétisant les échanges d’expériences et ce que les participants en ont retenu, a été mis en ligne (PDF – 517Ko). En voici un extrait:

Les objectifs du travail en dehors de la classe peuvent être assez variés:

  1. Repasser la séance en revue pour s’approprier la matière
  2. Appliquer la théorie ou les méthodes vues en classe dans des exercices ou des problèmes à résoudre
  3. Se confronter aux réalités d’un terrain réel ou professionnel pour l’observer, l’analyser ou y intervenir par exemple
  4. Appliquer ou développer des outils de travail ou des méthodes
  5. Assimiler certaines parties du cours non vues en classe
  6. Prolonger l’enseignement donné en classe en approfondissant certaines parties

Trois grands types d’activités sont souvent proposées aux étudiant-e-s en dehors de la classe: lire, écrire ou préparer un exposé oral. Ces activités sont combinables. Afin de préciser les consignes, encourager les étudiant-e-s à s’impliquer, les aider à développer des stratégies efficaces de travail, etc., plusieurs éléments peuvent être mis en place.

Une liste de références est proposée à la fin du document. D’autres ressources existent depuis longtemps en ligne sur le sujet, notamment le mémo « Comment les faire lire avant de venir au cours? » proposé par l’Institut de pédagogie universitaire et des multimédias (IPM) de l’Université catholique de Louvain (UCL).

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