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Posts Tagged ‘compétences’

Etre capable de lire, de décrire et d’interpréter un graphique statistique constitue une compétence importante dans pratiquement toutes les disciplines enseignées dans l’enseignement supérieur. Or si les cours de statistiques se focalisent sur la manipulation de données et la production de tableaux et graphiques par les étudiant-e-s, ils insistent moins sur la lecture, la description et l’interprétation de ces données présentées sous des formes diverses, dont des graphiques. C’est en tout cas le constat posé par un enseignant en sciences criminelles de l’Université de Lausanne, Daniel Fink. Il a donc obtenu un financement du Fonds d’Innovation Pédagogique de l’université pour lancer le projet Decrigraph en 2013 dont les objectifs étaient d’améliorer les compétences de lecture (rapide) de graphiques des étudiant-e-s et de développer leurs aptitudes de description (dense) du contenu de graphiques. A la fin du projet, il a organisé une journée d’étude sur les graphiques et leur description en criminologie (le 15 novembre 2013) à laquelle j’ai assisté.

Mais d’abord, qu’entend-on par « compétence de littératie graphique », puisque c’est ce dont il est question ici? On considère le plus souvent que cette compétence recouvre quatre aspects: 1) la sensibilité aux données statistiques, 2) la compréhension des concepts statistiques liés aux graphiques (moyennes, médianes, etc.), 3) l’analyse, interprétation et l’évaluation de l’information statistique et 4) la communication des graphiques à différents publics (scientifique, politique, estudiantin, grand public, etc.).

Pour enseigner cette compétence aux étudiant-e-s, de nombreuses ressources pédagogiques existent. Par exemple:

  • L’exercice présenté sur cette page est assez classique. Un graphique est proposé et il est demandé aux étudiant-e-s de le décrire en 150 mots sans donner leur opinion. Des pistes sont données ensuite pour effectuer une auto-correction.
  • Les petits jeux présentés sur cette page et destinés à des élèves de secondaire aident à se familiariser avec la lecture de données dans un graphique ou un tableau. Les questions posées sont très simples mais on peut aisément imaginer des questions plus complexes (dans tel tableau, quelles sont les chiffres les plus significatifs et pourquoi? quels sont les chiffres qui montrent une rupture dans le temps? etc.) ou demander aux étudiant-e-s de poser des hypothèses explicatives, voire de comparer des graphiques entre eux.
  • L’Université de Leicester propose aux étudiant-e-s une ressource très intéressante pour apprendre à présenter des données numériques. Les enseignant-e-s peuvent bien sûr s’en inspirer pour proposer des activités de lecture et d’interprétation de graphiques avec leurs étudiant-e-s.
  • L’Open University propose aussi à ses étudiant-e-s un « toolkit » pour travailler avec des tableaux et des graphiques (PDF – 1,2Mo) avec des exercices pratiques.

J’ai rassemblé d’autres ressources ici.

On verra que toutes ces ressources sont centrées sur l’apprentissage individuel des étudiant-e-s. L’originalité du projet Decrigraph a été d’organiser l’enseignement autour de discussions en petits groupes d’étudiant-e-s. Voici un extrait du descriptif du projet à ce sujet:

Cet apprentissage se fera au départ par un travail de groupe à trois qui consiste à réaliser une analyse du contenu d’un graphique (p.ex. le taux de criminalité en Suisse, la part des peines privatives de liberté), à confronter les divers points de vue et à négocier l’information la plus importante devant être retenue au sujet d’un graphique. Le groupe doit ensuite restituer cette information pour une catégorie déterminée de lectrices ou lecteurs (spécialistes, journalistes, grand public…) en rédigeant un descriptif avec un maximum de 4 à 5 phrases. Ce travail est toujours réalisé sous une certaine contrainte de temps. Toutes les propositions sont ensuite soumises à la critique en plénum tout en débattant des critères permettant de juger de la qualité des descriptions. Sur la base de cette expérience réalisée en commun, les étudiant·e·s sont ensuite amené·e·s à retravailler, en groupe d’abord, seul·e·s par la suite, le descriptif d’un graphique similaire contenant cependant d’autres données (p.ex. les données des cantons, sur d’autres infractions ou d’autres années). De manière à expérimenter la valeur évocatrice et compréhensible de ces descriptions, on demandera aux étudiant-e-s de les présenter oralement aux autres participant-e-s du cours, à l’aide d’un graphique projeté ou sur papier.

Concrètement, à chaque séance du cours, l’enseignant présentait un exemple de description de graphique. Les étudiant-e-s étaient ensuite invité-e-s à travailler en groupe de 3 ou 4 (entre 40 et 50 étudiant-e-s en tout en Master de Sciences criminelles) sur un graphique ou un tableau statistique qui leur était soumis. Les groupes avaient alors 2 jours pour envoyer la description écrite du graphique ou tableau par courrier électronique à l’enseignant. Celui-ci compilait les réponses, donnait un feed-back général à la séance suivante et une discussion s’ensuivait.

Dans les consignes de travail, les étudiant-e-s étaient invité-e-s à décrire les graphiques en suivant 6 étapes (qui s’inspirent de ce document de J. Groves, 2009 – PDF-103Ko, des exemples sont repris dans ce document):

  1. Introduction: présenter en une phrase le sujet dont traite le graphique;
  2. Information principale: décrire en une phrase l’information principale présentée par le graphique, le résultat le plus marquant ou la tendance principale;
  3. Informations secondaires: décrire en une phrase chaque partie ou tendance du graphique sans utiliser de donnée numérique;
  4. Corps de texte: détailler les informations secondaires avec quelques chiffres (1 à 3 phrases);
  5. Conclusion: présenter en d’autres mots les tendances principales en les replaçant dans un contexte plus large;
  6. Titre: quelques mots pour attirer l’attention qui résument l’ensemble du graphique.

Lors de la journée du 15 novembre, plusieurs idées intéressantes ont été émises pour enseigner la littératie graphique aux étudiant-e-s mais aussi plus largement les statistiques dans leur ensemble:

  • Faire produire et traiter des données par les étudiant-e-s eux/elles-mêmes, par exemple en menant un sondage sur un sujet, en récupérant des données d’archive ou en faisant passer un questionnaire;
  • Faire critiquer par les étudiant-e-s des graphiques et des tableaux trouvés dans les médias (voir à ce sujet les très intéressantes publications de l’association Pénombre en France);
  • Faire utiliser aux étudiant-e-s des données et des graphiques existant, par exemple sur les sites nationaux de statistiques (par exemple l’Office Fédéral de la Statistique ou l’Atlas de l’Etat en Suisse);
  • Initier les étudiant-e-s à l’usage de bases de données avec des outils informatiques, comme des cartes interactives ou des cubes statistiques.

Voici donc quelques pistes pour développer la littératie graphique des étudiant-e-s. D’autres compétences de ce type auraient certainement avantage à être traitées de la sorte dans l’enseignement supérieur. Je pense notamment à la résolution de problèmes, à la présentation orale ou à la rédaction de rapports de synthèse… toutes des compétences nécessaires pour réussir ses études mais qui ne sont pas enseignées explicitement…

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Lors des formations pédagogiques pour les assistant-e-s que nous organisons à l’Université de Lausanne, nous proposons un exercice très classique de rédaction d’objectifs pédagogiques. Après avoir défini ce qu’est un objectif d’apprentissage et introduit les notions de « domaine » et de « niveau » d’apprentissage », nous leur demandons d’en rédiger quelques-uns pour leur enseignement. Voici la dia avec les consignes:

exercice_objectifs

Pour les aider dans cette tâche, nous insistons plus particulièrement sur quatre « critères de qualité » d’un « bon » objectif d’apprentissage. Ces critères sont davantage détaillés dans un article plus ancien de ce blog: « Structurer son enseignement avec des cartes conceptuelles et des objectifs pédagogiques« . Les objectifs devraient être:

  • Facilement observables, c’est-à-dire mesurables; l’apprenant-e peut fournir une preuve de l’apprentissage;
  • Centrés sur l’apprenant-e, c’est-à-dire liés à une compétence ou une action de l’apprenant-e;
  • Clairs et concis: une seule idée par objectif;
  • Reliés aux contenus: lien explicite avec la matière du cours.

A la fin de l’exercice, nous demandons aux assistant-e-s de partager un exemple d’objectif qu’ils/elles ont rédigé. Lors d’une session, nous avons eu plusieurs exemples qui comportaient tous le même verbe:

  • En médecine: « Les étudiant-e-s seront capables de discuter du rôle du foie dans la digestion. »
  • En sociologie: « Les étudiant-e-s seront capables d’élaborer et de discuter une revue de travaux sur un domaine précis. »
  • En psychologie: « Les étudiant-e-s seront capables, à partir d’une vignette clinique, de discuter des enjeux éthiques… »

Après en avoir parlé avec les assistant-e-s, il s’avère que le verbe « discuter », dans ces trois disciplines, a un sens différent. En médecine, ce qui est attendu des étudiant-e-s, c’est de « dire tout ce qu’ils/elles savent sur… ». En sociologie, il s’agit de « mener une critique de travaux de recherche ». En psychologie, il s’agit plutôt de « mener une réflexion personnelle sur… ».

Ce constat a été plutôt surprenant… Par rapport aux quatre critères de qualité d’un objectif pédagogique, il est difficile de faire des reproches aux assistant-e-s (mais ça se discute… 🙂 ). Par contre, il n’est pas sûr qu’en lisant ces objectifs, les étudiant-e-s comprendront bien ce qui est attendu d’eux/elles. S’ils pensent que « discuter » est à prendre dans le sens courant de « parler de tout et de rien », ils/elles risquent une mauvaise surprise à l’examen…

On se rend ainsi compte que chaque discipline universitaire a sa culture et son vocabulaire… et qu’il s’agit d’un apprentissage en soi pour les étudiant-e-s! C’est à présent un exemple que je reprends souvent en formation, d’une part pour insister sur l’importance de bien choisir ses verbes quand on rédige des objectifs d’apprentissage (voir ici une ressource de l’Université de Birmingham, parmi de nombreuses autres à ce sujet) et d’autre part pour mettre en lumière le fait qu’entrer dans des études universitaires, c’est aussi entrer dans une culture disciplinaire très particulière qu’il y a lieu d’expliciter.

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Dans le cadre d’une réflexion large dans mon université à propos des usages des portfolios et e-portfolios, nous avons conçu, mon collègue Denis Berthiaume et moi-même, un document de synthèse sur l’utilisation de portfolios pour l’évaluation des apprentissages des étudiant-e-s (PDF – 116Ko). J’ai ensuite organisé un atelier d’une heure trente sur ce thème auquel une douzaine d’enseignant-e-s, assistantes et conseillères pédagogiques ont participé. Dans cette note, je présente ce document ainsi que la présentation orale que j’ai préparée pour l’atelier.

Les autres notes de ce blog à propos des portfolios se trouvent ici et j’ai rassemblé plusieurs ressources à cet endroit.

La définition du portfolio (pour l’évaluation des apprentissages) que nous avons retenue est la suivante:

Un portfolio est une collection ciblée de travaux qui montre les efforts individuels, les progrès et les prestations de l’apprenant-e dans un ou plusieurs domaines. La collection doit comprendre la participation de l’apprenant-e au choix des contenus et des critères pour le choix, sa participation à la détermination des critères d’appréciation ainsi que des indications sur la capacité de réflexion sur soi de l’apprenant-e (Paulson, Paulson & Meyer, 1991).

Cette définition, à l’air tout innocent, contient en fait plusieurs idées assez innovantes en ce qui concerne l’évaluation des apprentissages dans l’enseignement supérieur…

  • « une collection ciblée de travaux« : en général, l’évaluation porte sur un seul travail écrit ou une seule présentation orale et pas sur un ensemble de travaux (oraux, écrits, multimédias ou relevant de performances diverses) évalués comme un tout.
  • « qui montre les efforts individuels, les progrès et les prestations de l’apprenant-e« : le plus souvent, pour évaluer les apprentissages des étudiant-e-s, nous nous basons sur des prestations ponctuelles (travaux écrits, oraux, etc.). Avec un portfolio, il est possible d’évaluer aussi les efforts ou les progrès des étudiant-e-s, par exemple si les objectifs pédagogiques touchent à la persévérance ou à l’analyse de ses erreurs.
  • « un ou plusieurs domaines« : le plus souvent, chaque cours dans un programme de formation possède son propre système d’évaluation, donc une évaluation par discipline enseignée. Or il peut être opportun et cohérent dans certains cas d’évaluer la façon dont les étudiant-e-s intègrent les apports de plusieurs cours voire d’un programme dans son ensemble.
  • « participation de l’apprenant-e« : de manière générale, les étudiant-e-s « subissent » davantage les évaluations sommatives qu’ils/elles n’y participent, c’est-à-dire qu’ils/elles réalisent une prestation qui est notée (et parfois accompagnée d’un feed-back). Ceci est un peu différent pour les évaluations formatives où il y a davantage de participation, de discussion voire de négociation avec les étudiant-e-s. Avec le portfolio, il est possible de leur donner l’occasion de s’impliquer et participer davantage à leur formation en leur donnant une certaine autonomie par rapport à leur évaluation. Cette participation porte sur le produit qui sera évalué mais aussi sur les critères d’évaluation.
  • « capacité de réflexion sur soi de l’apprenant-e« : l’analyse et la réflexion sont des compétences attendues de la part des étudiant-e-s à la fin de leur programme universitaire mais l’analyse et la réflexion sur soi, ses compétences et sa façon de progresser sont plus rarement exprimées explicitement comme objectifs à atteindre (sauf peut-être dans les formations d’enseignant-e-s). Le portfolio permet d’obtenir des indices du développement de ces compétences.

Ci-dessous, on trouvera le support de la présentation à l’atelier. Dans les dernières dias, plusieurs exemples de portfolios pour l’évaluation dans l’enseignement supérieur sont évoqués. D’autres références et d’autres exemples sont aussi mentionnés dans le document de synthèse avec également des exemples de consignes données aux étudiant-e-s.

Précisons enfin que le document que nous avons conçu porte sur un usage particulier du portfolio, à savoir dans le cadre de l’évaluation des apprentissages des étudiant-e-s. D’autres usages existent et nous les définissons comme suit:

  • On pourrait distinguer quatre types ou quatre fonctions principales des portfolios:
    • Le portfolio pour l’évaluation des apprentissages dans le cadre d’une formation ou d’un cours donnés: dans ce cas, le but du portfolio est de constituer un répertoire de travaux commentés par les étudiant-e-s qui permettra à l’enseignant-e d’évaluer l’atteinte des objectifs pédagogiques et le développement des compétences des étudiant-e-s, le plus souvent dans une perspective formative.
    • Le portfolio de présentation: il s’agit ici de rassembler des travaux dans le but de les présenter par exemple dans le cadre d’une recherche d’emploi ou de la conclusion d’un marché. Dans ce cadre, le portfolio peut être annexé à un curriculum vitae.
    • Le portfolio de validation ou de certification: dans ce cas, le portfolio est présenté en vue de faire valider des compétences ou des apprentissages pour obtenir un diplôme ou un certificat ou pour être admis dans une formation supérieure ou professionnelle.
    • Le portfolio de développement professionnel ou personnel dont le but est de mettre en évidence le processus de développement de compétences tout au long de la vie.
  • Ces différents types de portfolios se rejoignent cependant sur plusieurs points :
    • Une perspective réflexive de l’apprentissage, c’est-à-dire le développement chez les étudiant-e-s de compétences transversales comme l’auto-évaluation et la compréhension de ses propres processus et méthodes d’apprentissage.
    • Une perspective expérientielle de l’apprentissage, c’est-à-dire la mise en évidence et la valorisation de toutes ses expériences d’apprentissage, que celles-ci soient explicites ou implicites. Dans un portfolio, l’étudiant-e est amené à décrire ses expériences puis à les analyser.
    • Une autonomie et une responsabilisation de l’étudiant-e vis-à-vis de son propre processus d’apprentissage: dans un cadre défini au départ par l’enseignant-e, c’est l’étudiant-e qui prend en charge la constitution de son portfolio et l’auto-évaluation de ses apprentissages.

Paulson, F. L., Paulson, P. R., & Meyer, C. A. (1991). What makes a portfolio a portfolio ? Educational Leadership, 48(5), 60-63 En ligne: http://faculty.milkenschool.org/sperloff/edtech/portfolioarticle2.pdf (PDF – 1,4Mo).

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Le RCFE est le réseau romand de conseil, formation et évaluation. Il rassemble les universités romandes et a pour mission principale de mutualiser les offres de formation pédagogique offertes par ces institutions. Concrètement, chaque université met à disposition du réseau environ trois formations d’une journée par semestre que les enseignant-e-s de chaque institution peuvent suivre. Le programme compte donc une quinzaine de journées de formation par semestre mais est un peu hétéroclite. Les thèmes abordés ne forment pas nécessairement un tout cohérent. C’est pourquoi, lors de notre réunion annuelle qui s’est tenue en juin, nous avons travaillé sur un cadre de référence commun qui a pris la forme d’une liste de compétences générales que nous visons à développer chez les enseignant-e-s universitaires et auxquelles se référeront nos formations à l’avenir. Sans vouloir développer à proprement parler un « référentiel de compétences », l’idée était surtout d’apporter davantage de cohérence à notre programme.

Nous avons d’abord consulté plusieurs référentiels existant que j’ai rassemblés à cette adresse. Le référentiel des universités anglaises a particulièrement attiré notre attention pour son côté structuré et pratique. Nous avons ensuite travaillé en sous-groupes et nous nous sommes retrouvés Bernadette Charlier, Jean-Louis Ricci et moi-même à lister 10 compétences représentatives des enseignant-e-s à l’université. Cet exercice en petit groupe m’a vraiment été utile pour mieux situer mes actions de conseiller pédagogique par rapport à l’apprentissage de l’enseignement à l’université.

Voici ces 10 compétences avec une brève description et un exemple de formation issu du programme RCFE. Elles ont ensuite été discutées avec l’ensemble du groupe pour trouver un cadre commun.

  1. Concevoir et planifier. Il s’agit ici de préparer et organiser des activités d’apprentissage pour les étudiant-e-s. Cela va de choisir les contenus à enseigner à articuler les objectifs de son enseignement avec le programme dans lequel il s’insère en passant par rédiger un syllabus ou un polycopié. Exemples de formations: « Diversifier ses stratégies pédagogiques », « Planifier et organiser son enseignement ».
  2. Donner cours en classe. On parle ici des compétences de présentation orale mais aussi d’animation de groupe et de motivation des étudiant-e-s. Exemple de formation: « Améliorer son expressivité et sa voix ».
  3. Reconnaître et susciter les apprentissages dans l’interaction. Il s’agit de guider ou d’accompagner les étudiant-e-s (individuellement ou en groupe) dans leur processus d’apprentissage en évaluant leurs performances et en leur fournissant du feedback au moment de l’interaction en classe. Exemple de formation: « Effective lecturing ».
  4. Gérer et accompagner les apprentissages. Cette compétence concerne la gestion des activités d’apprentissage et l’encadrement des étudiant-e-s tout au long du cours. Exemple de formation: « Encadrement des mémoires de master ».
  5. Concevoir et mener un dispositif d’évaluation des apprentissages. Ceci concerne la préparation et la mise en œuvre de stratégies d’évaluation valides et fiables. Exemples de formation: « Examen oral », « Trucs et combines sur les examens écrits ».
  6. Innover et expérimenter dans son enseignement. Il s’agit ici d’expérimenter, d’oser lancer de nouvelles activités avec les étudiant-e-s, que ce soit avec des technologies ou sans. Exemple de formation: « Diversifier ses stratégies pédagogiques ».
  7. Soutenir son enseignement avec des ressources. Les ressources pour l’enseignement peuvent être très variées. Cela va de la rédaction d’un polycopié aux usages de technologies multimédias en passant par l’utilisation de documentation de toute sorte. Exemples de formation: « Textes/ressources documentaires pour l’apprentissage », « Ce que Moodle peut apporter à mon enseignement ».
  8. Évaluer son enseignement, en faire un objet de réflexion et de communication. Il s’agit ici de prendre du temps pour analyser les forces et faiblesses de son enseignement pour développer sa pratique, la décrire et la transmettre. Exemple de formation: « Moi j’enseigne mais eux/elles apprennent-ils/elles? ».
  9. Intégrer son enseignement dans le cadre, les ressources et les valeurs institutionnelles et professionnelles. L’enseignement se déroule toujours dans un cadre pédagogique et institutionnel donné même si on l’oublie parfois un peu à l’université. Il s’agit de lier son cours avec un programme et être au courant des orientations pédagogiques de son institution. Exemple de formation: « Comprendre et agir dans le processus de Bologne ».
  10. Faire équipe avec ses assistant-e-s, collègues, etc. Contribuer à des projets d’enseignement. L’enseignant-e universitaire n’est pas nécessairement seul-e. Constituer une équipe pédagogique avec ses assistant-e-s et collègues peut être utile pour concevoir des programmes cohérents ou mener des projets pédagogiques dans un module de formation par exemple. Exemple de formation: « Mes assistant-e-s et moi. Quelle équipe pédagogique? ».

La raison d’être de cette liste est donc de constituer un cadre général qui donne une cohérence à un ensemble de formations provenant de différentes institutions. La discussion va continuer pour préciser davantage la description de ces compétences ainsi que les liens existant entre elles.

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L’association Internationale de Pédagogie Universitaire, section Suisse, organise le 8 septembre prochain une journée de réflexion et d’échanges à propos de l’évaluation des apprentissages dans l’enseignement supérieur. Les objectifs de cette journée sont de:

  • mettre en valeur les pratiques enseignantes innovantes en matière d’évaluation des apprentissages (évaluation de compétences professionnelles, évaluation-diagnostic, évaluation par simulation, cartes conceptuelles, grilles d’évaluation, etc.) ;
  • offrir une occasion d’échange à ce sujet aux enseignant-e-s des Universités et EPF, des HEP et des HES ;
  • faciliter le transfert de pratiques innovantes en clarifiant les acquis de celles-ci.

Affiche AIPU

Le programme est accessible en ligne, de même que le formulaire pour s’inscrire. La journée se déroulera de 9h15 à 16h30 à la Haute École de Pédagogie du canton de Vaud à Lausanne.

Plusieurs présentations où des enseignant-e-s présenteront leurs pratiques en matière d’évaluation des connaissances et des compétences de leurs étudiant-e-s m’intéressent assez bien. J’en ferai très certainement un compte-rendu ici-même dans le courant du mois de septembre.

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Que nous réserve le processus de Bologne après 2010 et jusqu’en 2020 (un résumé des épisodes précédents depuis 1999 est disponible sur le site du conseil de l’Europe)? Les ministres de l’enseignement supérieur des pays concernés se sont réunis en avril en Belgique pour fêter les 10 ans de la déclaration de Bologne mais aussi pour discuter de cette question et poursuivre l’effort vers davantage d’harmonisation. Une déclaration de 6 pages a été publiée et est téléchargeable sur le site du gouvernement flamand.

D’un point de vue pédagogique, à quelles nouveautés doit-on s’attendre, ou à quelle formalisation de l’existant doit-on dès à présent penser? Je retiens plusieurs choses:

  • au point 2 de la déclaration, on insiste à nouveau sur la centration des études sur l’apprentissage des étudiant-e-s et leur mobilité dans la perspective de développer leurs compétences pour un marché du travail en perpétuel mouvement. Contrairement à ce qu’on pourrait penser a priori, ceci ne concerne pas que les étudiant-e-s en commerce ou en finance internationale. Cela concerne tout autant les médecins ou les philosophes. Pour ces dernier-ère-s par exemple, des compétences d’analyse de situations complexes, de rédaction ou de présentation orale face à des publics variés sont tout à fait utiles et en phase avec le « marché du travail ».
  • au point 4, on met aussi en perspective le besoin de développer ces compétences non pas seulement pour trouver du travail mais aussi pour devenir des citoyen-ne-s responsables et acteur-trice-s de la vie publique.
  • au point 6, le document fait le point sur les débuts, dans de nombreux pays, du développement de « cadres nationaux de qualification ». Ces cadres invitent les institutions d’enseignement supérieur à réfléchir davantage aux acquis de formation (learning outcomes), c’est-à-dire aux compétences que les étudiant-e-s vont développer au cours de leurs études. Formaliser ces acquis de formation permettra à terme une meilleure comparabilité des programmes de formation, non plus seulement sur base des matières abordées mais aussi sur base de ce qu’on s’attend à ce que les étudiant-e-s développent comme compétences en fin de formation. Concrètement, pour un comité de programme, il s’agit de lister ces compétences et de quantifier le mieux possible le nombre de crédits nécessaires à leur acquisition. Le supplément au diplôme qui sera à terme généralisé devra rendre compte de cette formalisation. Le point 12 précise que ces cadres nationaux de qualification devraient être prêts pour 2012.
  • le point 8 traite de la qualité de l’enseignement supérieur qui devra être évaluée du point de vue de la recherche effectuée par les institutions mais aussi du point de vue de l’enseignement délivré et des services rendus à la communauté.
  • de plus en plus d’adultes vont reprendre des études et accumuler des crédits de formation pour obtenir de nouveaux diplômes. Une adaptation de l’organisation des institutions se produira progressivement en développant des modalités variées de formation continue. C’est l’objet du point 10.
  • point 13: les institutions d’enseignement supérieur et les employeur-euse-s devraient apprendre à mieux se connaître. Les premières devraient comprendre que les étudiant-e-s cherchent à obtenir un diplôme et des compétences qui soient en phase avec les besoins du marché du travail mais en retour, les second-e-s devraient comprendre les objectifs d’éducation globale que poursuit l’enseignement supérieur (la formation de citoyen-ne-s notamment). Le document suggère à ce propos que davantage de liens entre enseignement supérieur et marché de l’emploi soient réalisés via des stages ou des formations en cours de carrière.
  • le point 14 m’intéresse en particulier puisqu’il suggère de promouvoir de nouvelles méthodes d’enseignement davantage centrées sur l’apprentissage et le développement de compétences complexes qui promouvraient notamment la flexibilité et le support à l’apprentissage.

Pour celles et ceux que cela intéresse, le document appelle aussi à rendre les carrières de recherche plus attractives, notamment en lançant davantage de programmes de recherche inter-disciplinaire.

Par ailleurs, tout au long du document, le mot « qualité » revient à de nombreuses reprises et plusieurs points font des liens avec les standards internationaux de qualité proposés notamment par l’UNESCO (ceci mériterait d’ailleurs un article spécifique).

Alors bien sûr, ce genre de document reste relativement vague quant à l’application concrète des recommandations. Ce sera aux gouvernements et aux réseaux d’institutions d’enseignement supérieur à mettre tout cela en oeuvre. Il n’en reste pas moins qu’il vaut mieux rester attentif-ve à ce type de déclaration car c’est sur cette base que va se construire l’enseignement supérieur de demain.

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Comme annoncé il y a quelques temps, j’ai assisté le 29 mai dernier au Webinar eduhub consacré au portfolio électronique. L’enregistrement de cette conférence est accessible sur le site des événements eduhub.

Personnellement, voici deux choses que j’ai notées lors de la conférence et suite aux discussions avec les deux présentatrices (l’article où je présente une définition et quelques principes d’usages des portfolios se trouve ici):

  • Le portfolio (qu’il soit électronique ou pas) est un outil vraiment intéressant si l’on veut amener les étudiant-e-s à développer leurs compétences de métacognition. Ces compétences peuvent servir pendant les études pour que les étudiant-e-s développent des stratégies appropriées pour étudier, comprendre, mémoriser, etc. Elles sont aussi importantes après les études pour constituer un CV. Il semble en effet que beaucoup d’étudiant-e-s mettent en valeur dans leur CV le contenu des cours qu’ils/elles ont suivis plutôt que les compétences transversales qu’ils/elles ont appris à maîtriser, compétences qui sont davantage valorisées sur le marché de l’emploi, comme le travail en groupe, la rédaction de rapport, l’autonomie dans le travail, la présentation orale, etc.
    Un portfolio peut aussi amener les étudiant-e-s à faire des liens entre leurs cours et à porter une réflexion sur l’ensemble du cursus qu’ils/elles sont en train de suivre. Cela peut les aider à mieux comprendre les enjeux scientifiques des cours par exemple ou à utiliser ou reconsidérer des théories ou des méthodes dans d’autres contextes.
  • Au niveau des outils de portfolio électronique, plusieurs existent déjà, dont Mahara qui s’intègre assez bien avec la plate-forme Moodle. Cependant, aucun de ces outils ne semble utiliser un quelconque standard de format de document qui serait basé sur XML ou IMS-LD. Je me pose donc plusieurs questions: que faire si on veut changer de plate-forme de portfolio électronique (fonction import/export)? comment transférer les données ou partie des données à quelqu’un d’autre ou sous différentes formes (PDF, DOC, image, etc.)? comment facilement produire un document (PDF par exemple) qui reprendrait pour une personne donnée (un-e employeur-euse, un-e enseignant-e, etc.) un certain nombre d’informations pertinentes? Je pense que pour une institution d’enseignement supérieur qui voudrait se doter d’un outil de ce type, ça devrait être une question importante à prendre en compte. De même que pour une personne qui voudrait créer un portfolio en ligne.

La conférence que j’ai suivie apporte quelques réponses à ces questions. Mais cela reste un dossier à suivre. En tant que conseiller pédagogique, je m’interroge notamment sur des exemples concrets à proposer à des enseignant-e-s ou à une faculté qui chercheraient à soutenir leurs étudiant-e-s dans le développement de leurs compétences transversales et à valoriser celles-ci. Une piste possible est cette vidéo d’une conférence (10 petites minutes) où l’usage du portfolio électronique dans une faculté de médecine (Paris Descartes) est présenté. Cet outil est utilisé dans ce cas pour soutenir le développement des compétences métacognitives chez les étudiant-e-s mais aussi pour leur certification: le portfolio constitue une collection de « preuves » d’apprentissage des étudiant-e-s médecins (3ème cycle de médecine générale). Les étudiant-e-s peuvent aussi connecter leur portfolio avec celui de leurs collègues en créant des groupes. L’outil utilisé est la plate-forme de blogs de l’université.

Un autre exemple est celui du département d’archéologie et histoire de l’art de l’Université catholique de Louvain qui encourage ses étudiant-e-s à créer un portfolio électronique durant leurs 3 années de bachelor. Le but est ici de valoriser les activités extra-académiques des étudiant-e-s. L’outil utilisé est tout simplement la plate-forme Claroline.

Je finis avec une ressource très récente issue du blog de Tomorrow’s Professor qui présente l’usage du portfolio non seulement comme un soutien à l’apprentissage des étudiant-e-s mais aussi comme une source importante de feedback pour les enseignant-e-s et les facultés à propos de leurs cours et de leurs programmes:

Students generally use e-portfolios to collect their work, reflect upon strengths and weaknesses, and strive to improve. Equally beneficial are the data that faculty, departments, and institutions derive when they assess the work in portfolios, reflect upon it in curricular contexts, and use the data and reflections to plan for improvement. E-portfolios provide a rich resource for both students and faculty to learn about achievement of important outcomes over time, make connections among disparate parts of the curriculum, gain insights leading to improvement, and develop identities as learners or as facilitators of learning.

L’article s’articule ensuite autour de témoignages d’étudiant-e-s et d’enseignant-e-s à propos de l’usage de portfolios.

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Dans l’introduction d’un ouvrage paru il y a un peu plus de 10 ans, Bernadette Noël et Philippe Parmentier proposaient une réflexion sur les nouvelles compétences et stratégies d’étude que les étudiant-e-s devaient développer lors de leur entrée dans l’enseignement supérieur. Pour eux/elles, beaucoup de choses changent: la vie sociale, les locaux scolaires, la relation avec les enseignant-e-s, la relation avec leurs collègues étudiant-e-s, etc. Et du point de vue des études, on passe d’un encadrement proche à très peu d’encadrement, d’une grande précision des consignes de travail à un ensemble d’informations parfois floues et sans cohérence d’un cours à l’autre.

Dans ce contexte de ruptures, passer du statut d’élève à celui d’étudiant, c’est changer de rôle social mais, c’est aussi nécessairement changer ses manières d’apprendre. L’étudiant-apprenant ne peut se satisfaire des routines et stratégies qu’il a mises en place tout au long de ses études secondaires. Pour répondre pleinement aux exigences d’une formation universitaire, notre hypothèse est que l’étudiant-apprenant doit au minimum considérer l’exécution de toute tâche d’apprentissage comme un acte intentionnel et personnel, s’inscrivant dans la réalisation d’un projet à plus long terme. En outre, pour être efficace, cet étudiant-apprenant doit adopter une approche stratégique de l’apprentissage, c’est-à-dire adopter des comportements adaptés aux exigences, souvent changeantes et implicites, du contexte académique auquel il est confronté. La perception que l’étudiant a de lui-même et du contexte est une dimension-clé du processus (Noël & Parmentier, 1997, p. 12).

Bien sûr, l’enseignement secondaire de second cycle (post-obligatoire en Suisse) est censé apporter à ces étudiant-e-s un certain nombre de compétences comme la prise de notes, l’étude de grandes quantités de matière, la synthèse, la présentation orale de travaux, la rédaction de réponses élaborées à des questions complexes, etc. Mais le changement reste assez rude pour bon nombre d’étudiant-e-s.

Bien sûr aussi, l’autonomie dans l’étude est une compétence clé que les étudiant-e-s doivent progressivement développer. Mais n’est-ce pas aussi dans une certaine mesure le rôle des enseignant-e-s de proposer des outils pour apprendre? Les recherches présentées dans ce livre montrent par exemple que les étudiant-e-s auront tendance à calquer leur façon d’apprendre sur la conception de l’enseignement que les enseignant-e-s mettent en oeuvre dans leurs cours. En d’autres mots, les étudiant-e-s développent des stratégies d’étude qu’ils/elles croient (à tort ou à raison) conformes aux exigences des enseignant-e-s. Les cours ex-cathedra auraient ainsi tendance à rendre les étudiant-e-s plus passif-ve-s alors que les cours où les étudiant-e-s sont amenés à discuter ou à collaborer développeraient chez eux/elles des compétences de questionnement et de réflexion.

Mais parmi les compétences-clés que les étudiant-e-s ont intérêt à développer pour réussir à l’université, c’est probablement la métacognition qui est la plus importante. La métacognition se rapporte de façon générale à la connaissance que nous avons de notre propre manière de fonctionner mentalement, en particulier de notre façon d’apprendre. La métacognition aide à développer ses propres stratégies d’apprentissage et d’étude. Pour aider les étudiant-e-s à développer cette compétence, une stratégie toute simple peut être de leur demander régulièrement (même anonymement par écrit) ce qu’ils/elles retiennent d’une séance de cours. Pour les étudiant-e-s, cela les aide à se poser la question au moins de temps en temps: que faut-il retenir de cette séance, quel était le message principal, que risque-t-on de me demander à l’examen, etc.? Pour l’enseignant-e, cela peut aider à savoir si les étudiant-e-s ont effectivement compris le message qu’il/elle voulait faire passer lors d’une séance, et de rectifier le message, le cas échéant, lors du cours suivant.

Noël, B., & Parmentier, P. (1997). Introduction. Dans M. Frenay, B. Noël, P. Parmentier, & M. Romainville (Éd.), L’étudiant-apprenant. Grilles de lecture pour l’enseignement universitaire (pp. 7-14). Bruxelles: De Boeck Université.

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Dans un article de 1995, Philippe Perrenoud résumait assez bien l’enjeu qui se situe derrière la notion de compétence:

Réussir à l’école n’est pas une fin en soi. Certes, chaque apprentissage prépare aux suivants dans le cursus scolaire. Mais au bout du compte, en principe, l’élève devrait être capable de mobiliser ses acquis scolaires en dehors de l’école, dans des situations diverses, complexes, imprévisibles. L’accent mis sur le réinvestissement des acquis scolaires répond à un souci d’efficacité de l’enseignement, d’adéquation plus grande des apprentissages scolaires aux situations de la vie au travail et hors travail.

Il pensait à ce moment aux écoles primaires et secondaires mais dans un autre article de 2005, il précisait sa pensée en ce qui concerne les universités:

Le débat est aussi d’actualité au sein de l’université, mais il se pose en d’autres termes. Lorsqu’elle forme des professionnels, l’université vise à l’évidence des compétences, même si ce concept n’est pas mis en avant, même si leur développement n’est pas achevé au moment d’obtenir le diplôme. Mais le débat est relancé tant par l’universitarisation de formations auparavant assumées par d’autres institutions que par le processus engendré par la  » Déclaration de Bologne « , qui vise à favoriser l’employabilité des titulaires de diplômes universitaires dès le Bachelor. Tout cela rouvre le débat sur les rapports entre la culture universitaire et le monde du travail. Ce débat n’est pas seulement technique, il est aussi idéologique. Se confrontent des visions différentes et parfois irréductibles de l’université dans ses rapports à la société.

Nommer les compétences que les étudiant-e-s développent au cours de leur parcours de formation universitaire, ce n’est donc plus s’intéresser uniquement à ce qu’ils ont pu emmagasiner comme savoirs ou savoir-faire (ce qui est décrit le plus souvent dans les objectifs) mais c’est aussi s’intéresser à ce qu’ils vont pouvoir en faire plus tard, une fois leurs études terminées, dans des situations professionnelles complexes et variées.

Réfléchir aux compétences paraît plus facile dans certains domaines: en médecine, en droit, en archéologie, en finance internationale, en biochimie, en psychologie clinique, etc. C’est a priori plus compliqué dans d’autres disciplines comme la philosophie, les sciences des religions, la sociologie ou la littérature comparée. Pourtant, dans ces disciplines dites « peu employables », les étudiant-e-s développent aussi des compétences comme des capacités d’analyse et de synthèse, la créativité, l’argumentation, la rigueur méthodologique, etc. …compétences bien utiles lorsqu’on recherche un emploi.

Il y a évidemment un lien entre connaissances et compétences: c’est grâce entre autres à des connaissances auxquelles on peut recourir que l’on peut développer des compétences complexes comme la collaboration ou la créativité. Les connaissances dites « de base » comme de la théorie, des définitions, l’application de formules, etc. restent indispensables. Quand on parle de compétence, on parle donc bien sûr de mise en oeuvre de connaissances (de divers types), de savoir-faire et de savoir-être dans des situations réelles complexes.

Très récemment, un rapport de l’OCDE, rédigé par F. Taddei, met en avant les compétences de créativité et d’autodidaxie qui devraient être promues dans les différents niveaux d’enseignement (le rapport en PDF).

Deux recommandations de ce rapport s’adressent en particulier à l’enseignement supérieur:

5) Recommandations for schools and deans

Encourage the creativity in your teachers and students, and provide them the means in terms of time, administrative help, and space to develop creative programs in which students can work on individual and collective projects. If these programs cannot be open to all initially, selection to enter them should be based on students’ motivation to take initiative and will to interact with creative  students and teachers.

6) Recommandations for universities

Encourage interdisciplinary approaches and the creation of academic programs that can allow students to launch projects and to develop their creativity. Create « creative spaces » dedicated to the development of student projects open 24/7/365. These spaces should be orgnaized as incubators for ideas and creative talents.

On arrive là à une forme du développement de compétences à l’université qui semble extrêmement éloignée de la logique disciplinaire et organisée en programmes qui prévaut depuis toujours. Pourtant, le cadre national de qualifications (une des dernières étapes du processus de Bologne) vise à partir de 2010 à progressivement adapter cette logique: plutôt que de décrire les formations supérieures uniquement en termes de programmes et de disciplines, il faudra en plus réfléchir aux compétences que ces formations visent à développer chez les étudiant-e-s, en fonction notamment du marché du travail vers lequel ces études les destinent. En pratique, ce qui sera modifié, c’est la description des programmes d’études qui seront présentés selon des « descripteurs d’acquis de formation » (c’est-à-dire des connaissances mais aussi des compétences ou learning outcomes) qui pourront être plus aisément comparés avec l’offre de formations d’autres institutions dans toute l’Europe. Mais quand on réfléchit à ce qu’on vise en donnant une formation, on s’oblige en même temps à réfléchir à l’articulation des différents cours (et donc disciplines) entre eux et à rendre transparents aux yeux des étudiant-e-s (et de leurs futur-e-s employeur-euse-s) les compétences qu’ils/elles vont développer tout au long de leur cursus. Et au bout du compte, on en viendra probablement à réfléchir davantage (ou en tout cas autrement) à la cohérence des programmes universitaires.

Perrenoud, P. (1995). Des savoirs aux compétences : de quoi parle-t-on en parlant de compétences ? Pédagogie collégiale, 9(1), 20-24.

Perrenoud, P. (2005). Développer des compétences, mission centrale ou marginale de l’université ? Genève, Congrès AIPU.

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En lien avec une de mes notes précédentes sur le portfolio électronique, je voudrais signaler l’initiative de eduhub.ch (the Swiss e-learning community) qui organise prochainement une web conference sur le sujet. Elle aura lieu le 28 mai 2009 de 11h à 12h. Un extrait de l’annonce:

Du simple outil de documentation mettant en valeur des travaux significatifs au dispositif stimulant une réflexion individuelle sur l’acquisition de connaissances et de compétences, le ePortfolio peut être défini comme un outil destiné à soutenir la réflexion métacognitive, la régulation du processus d’apprentissage et la pensée critique.

Les oratrices seront deux de mes collègues de l’UNIL qui sont (entre beaucoup d’autres choses) en train de réfléchir aux usages possibles de e-portfolios à la faculté de Lettres. Elles testent dans ce cadre l’outil Mahara, une plate-forme Open Source de gestion de e-portfolios. Je me suis inscrit à cette conférence et vous en dirai plus par la suite. Pour s’inscrire, un formulaire est à disposition sur le site de l’événement.

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La vitrine Technologie-EducationLe dernier numéro de la série des podcasts de la vitrine Technologie-Éducation est consacré au portfolio numérique. Il fait suite à un de leurs premiers numéros d’octobre 2007 consacré aussi à ce sujet. En même temps, cela entre dans la thématique de réflexion engagée par certain-e-s de mes collègues à propos de l’approche par compétences et de la notion d’employabilité.

Alors de quoi s’agit-il? Un portfolio est une collection de travaux d’un-e étudiant-e qui montre à la fois les accomplissements réalisés (des travaux finis) et une réflexion à propos du chemin parcouru pour réaliser ces travaux. L’intérêt d’une telle collection est multiple:

  • un-e étudiant-e désire montrer non seulement les cours qu’il/elle a suivi dans son cursus mais aussi mettre en valeur les compétences qu’il/elle a acquise en suivant ces cours. En effet, les cours ne se limitent pas qu’à des contenus étudiés; ils permettent aussi de développer des compétences parfois peu explicites mais qui sont davantage valorisées sur le marché de l’emploi que les contenus stricts: capacité à travailler en équipe, capacité d’analyse et de synthèse, capacités à communiquer par écrit et oralement, etc.
  • un-e étudiant-e qui change de programme peut montrer à ses enseignant-e-s ou à l’équipe de direction du programme ce qu’il/elle a déjà accompli auparavant.
  • un-e étudiant-e qui finit ses études peut montrer à de futurs employeurs non seulement sa maîtrise des contenus de cours qu’il/elle a suivis mais aussi ses compétences transversales comme celles citées plus haut.
  • un-e enseignant-e qui a accès au portfolio de ses étudiant-e-s peut apprécier les travaux finis mais aussi les parcours d’apprentissage, c’est-à-dire les progrès accomplis sur une certaine période.
  • en début d’année, un-e enseignant-e peut prendre connaissance des travaux accomplis par ses nouveaux et nouvelles étudiant-e-s et se faire ainsi une idée de ce qui est déjà acquis, de ce qui serait à développer et des intérêts particuliers.
  • pour un-e adulte qui voudrait réorienter sa carrière ou qui voudrait se remettre aux études, le portfolio peut être un bon outil pour approcher de nouveaux employeurs ou pour aménager un programme de cours.
  • pour les étudiant-e-s étranger-ère-s, le portfolio peut donner de bonnes indications de l’évolution de leurs compétences langagières par exemple ou des compétences qu’ils/elles ont acquises dans leur pays, dans une autre culture et en suivant d’autres programmes.

Typiquement, un portfolio contient trois sections:

  1. le portfolio d’apprentissage qui regroupe des tâches en cours de réalisation: cela peut consister en différentes versions d’un travail (écrit, oral enregistré ou vidéo) qui peuvent être commentées par l’étudiant-e. Cela peut permettre aux enseignant-e-s de juger de progrès accomplis ou de voir comment l’étudiant-e résout des problèmes.
  2. le portfolio de présentation qui regroupe des travaux terminés qui peuvent être l’objet d’une évaluation sommative ou certificative ou être présentés à un employeur.
  3. le portfolio d’évaluation qui témoigne des interactions entre un-e enseignant-e et un-e étudiant-e. Il regroupe les feedbacks des enseignant-e-s mais aussi les certificats, diplômes et résultats d’évaluation.

En pratique, ces trois sections devraient être interconnectées.

L’intérêt de réaliser un portfolio numérique plutôt que papier me paraît assez évident: la communication entre enseignant-e et étudiant-e peut ainsi se faire de façon continue et asynchrone. Il peut aussi être enrichi et consulté en continu. Un certain nombre de portfolios électroniques existe mais je n’en cite qu’un ici, parce qu’il a été conçu comme un outil Open Source et qu’il est disponible en plusieurs langues (actuellement anglais, français, catalan et espagnol): http://www.edu-portfolio.org/. D’autres outils sont accessibles via les ressources que j’ai listées ci-dessous. Un exemple? Voyez par exemple le portfolio d’une conseillère pédagogique de l’Université de Montréal. Il y a d’autres exemples qui peuvent être visités et qui donnent une idée assez intéressante de différents usages possibles, notamment par des étudiant-e-s de l’enseignement supérieur.

Quelques questions cependant qu’il me semble important de garder à l’esprit par rapport à l’usage du portfolio électronique:

  • la confidentialité des documents: tout ne doit probablement pas être public. Il doit être assez important à mon avis d’expliquer aux étudiant-e-s que certains documents ne devraient être accessibles qu’à leurs enseignant-e-s, notamment le contenu du portfolio d’apprentissage.
  • la portabilité: est-ce que l’ensemble des documents et textes que je produis dans un portfolio électronique sont exportables vers un autre environnement de travail? En d’autres mots, l’outil choisi respecte-t-il des formats standards de documents? A mon avis, il vaut mieux s’en assurer avant de choisir son outil.

Et une question « bonus »: est-ce qu’un blog peut être considéré comme un portfolio numérique? Mmmh… moi je trouve que oui 🙂 bien que ne sont finalement présentes que les dimensions d’apprentissage et de présentation du portfolio. Personnellement, j’aime surtout le côté dynamique du blog: pas besoin d’y mettre des gros documents statiques, c’est un flux continu dans lequel il est tout de même possible de rechercher de l’information via les catégories, les mots-clés ou la fenêtre de recherche. En plus d’être mon portfolio, ce blog est aussi ma banque de ressources 🙂

Voici encore quelques ressources d’ailleurs:

  • le dossier d’educa.ch consacré au eportfolio.
  • le dossier du bulletin CLIC québécois.
  • une ressource en allemand (définition, processus d’élaboration et autres liens en anglais et allemand): Was sind E-Portfolios?
  • Enfin, un article décrivant un usage de portfolios avec des étudiant-e-s futur-e-s enseignant-e-s dont le but est d’accompagner les changements de représentation par rapport à l’enseignement et la réflexion sur la profession: Vanhulle, S. (2005). Favoriser l’émergence du « je » professionnel en formation initiale : une étude de cas. Revue des sciences de l’Education, 31(1), 157-176. http://id.erudit.org/iderudit/012362ar.

Dans une prochaine note, j’esssaierai de faire un lien entre le portfolio et les notions d’employabilité et d’approche par compétences.

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