Feeds:
Articles
Commentaires

Posts Tagged ‘cours ex-cathedra’

J’ai déjà écrit plusieurs articles sur la question de l’enseignement à de grands groupes et plusieurs ressources ont été rassemblées par ailleurs. Lors d’une formation récente, nous avons rédigé, mon collègue Emmanuel Sylvestre et moi-même un document de synthèse qui est téléchargeable sur le site du Centre de Soutien à l’Enseignement (PDF – 582Ko). En voici l’introduction:

L’enseignement à un grand groupe constitue un mode d’enseignement relativement courant à l’université, en tout cas dans les premières années des programmes. Il tend d’ailleurs à se développer de plus en plus depuis les années 90, en lien avec une massification de l’enseignement supérieur en Suisse, mais aussi en Europe et dans le monde (le nombre d’étudiant-e-s dans les Hautes Écoles universitaires suisses a augmenté de plus de 30% entre 1995 et 2010 – Source : OFS – http://www.bfs.admin.ch). De nombreuses représentations sont associées à cette pratique, tant chez les enseignant-e-s que chez les étudiant-e-s, selon lesquelles enseigner à un grand groupe se résumerait à un enseignement magistral, favoriserait la passivité des étudiant-e-s et leur absentéisme ou encouragerait chez ceux/celles-ci une approche d’apprentissage en surface. D’un certain point de vue, il est vrai que la taille d’un groupe influe sur le climat social de ce groupe. Cependant, selon une revue de littérature récente sur le sujet (Mulryan-Kyne, C. (2010). Teaching large classes at college and university level : challenges and opportunities. Teaching in Higher Education, 15(2), 175-185.), le rôle de l’enseignant-e est bien plus crucial par rapport à l’apprentissage des étudiant-e-s que les variables contextuelles. Bien plus, la taille de la classe n’aurait pas d’influence négative sur l’apprentissage si l’enseignant-e adopte des stratégies d’enseignement adaptées.

L’objectif de ce document consiste justement à présenter et discuter des stratégies variées d’enseignement face à un grand groupe d’étudiant-e-s. Ces stratégies peuvent viser à faire participer les étudiant-e-s en classe ou à les faire interagir entre eux/elles ; elles peuvent aussi recourir aux usages de technologies en classe ou pas mais font toutes appel à des compétences d’animation de groupe de la part de l’enseignant-e universitaire.

Un point important que nous avons voulu souligner entre autres dans ce document est l’utilité pour les enseignant-e-s de s’interroger sur leurs conceptions de l’enseignement face à un grand groupe ainsi que sur les objectifs que l’on vise quand on veut faire participer un grand groupe. « Maintenir l’attention des étudiant-e-s » peut être une intention de l’enseignant quand il/elle fait interagir les étudiant-e-s mais quelle est la plus-value pour l’apprentissage des étudiant-e-s? Retiendront-ils/elles davantage la matière abordée? La comprendront-ils/elles mieux? Pourront-ils/elles utiliser les concepts vus au cours pour les appliquer à la résolution de problème ou à l’analyse d’une situation réelle?… Les enjeux de l’apprentissage sont peut-être à garder en tête au-delà du désir de « rendre le cours plus intéressant » ou « attirer l’attention des étudiant-e-s ».

Par ailleurs, nous avons aussi distribué aux participant-e-s à la formation un « carnet de bord » (PDF – 57Ko) qui propose une série de questions qu’il est possible de se poser pour préparer un enseignement à un grand groupe. Ces questions touchent aux objectifs, aux consignes données aux étudiant-e-s et à l’organisation de la classe.

Read Full Post »

Dans le forum général d’un cours sur Moodle dans mon université, j’ai vu récemment passer l’annonce suivante:

Salut,

A vendre polycopié du cours complet de XXX ! Ce document, basé sur des enregistrements audio, est une retranscription complète du programme en 220 pages.

Il contient tous les chapitres avec graphiques, explications et définitions. Tu pourras suivre le cours sans avoir à prendre des notes!

Grâce à ce polycopié, tu gagneras un temps précieux dans tes révisions et mettras toutes les chances de réussite de ton côté. Tu sais certainement que XXX est un des examens le plus difficile. De plus, le cours se termine à Noël.

Grâce à ce polycopié, tu pourras commencer rapidement tes révisions sans perte de temps, avec un document fiable et le plus complet en vente.

Prix : 25 CHF

Adresse contact : XXX@hotmail.com ou répondre à ce message

délais de réponse : 1jour.

J’ai laissé le message tel quel, il n’y a que le nom du cours que j’ai masqué. C’est un cours de première année auquel assistent plus de 500 étudiant-e-s. Un livre est recommandé aux étudiant-e-s en début de semestre.

Que penser d’un tel message? On pourrait bien sûr saluer l’esprit d’entreprise de l’étudiant-e qui l’a posté (si son business plan table sur 250 ou 300 client-e-s, le chiffre d’affaire pourrait avoisiner les 7’500 CHF… mais combien de temps lui a-t-il fallu pour produire le polycopié?). On pourrait bien sûr aussi se questionner sur la démarche. Le cours n’est pas fini puisqu’il se donne jusqu’à Noël, le polycopié n’est donc peut-être pas complet (ou se base sur le cours de l’année précédente). De plus, l’étudiant-e en question fait preuve d’un fameux culot pour venir faire cette annonce dans le forum du cours lui-même (je ne sais pas si cette pratique est courante dans cette faculté). Mais c’est sûr que les client-e-s doivent prendre un risque car il n’y a apparemment pas de garantie de qualité. On peut aussi se poser la question des droits d’auteurs… l’enseignant-e (et/ou son université) n’est-il/elle pas le/la propriétaire des droits sur le cours et auquel cas, est-il simplement légal d’enregistrer un cours (« public », il est vrai) et de diffuser son contenu? Et au-delà, les enregistrements (audio ou vidéo) du cours pourraient-ils être diffusés et/ou vendus sur Internet?

Au-delà de ces considérations (je ne vais pas les aborder dans cet article), et si on se place d’un point de vue strictement pédagogique, ce message me pose plusieurs questions:

  • Sans connaître les modalités d’examen liées à ce cours, il est difficile de savoir si ce polycopié « pirate » pourra vraiment être utile aux étudiant-e-s. Si par exemple l’examen consiste en une liste de questions à choix multiple, peut-être qu’il vaudrait mieux pour les étudiant-e-s se fier au livre recommandé par l’enseignant-e plutôt qu’à des enregistrements a priori peu fiables. Et si l’examen consiste en des réponses à des questions ouvertes demandant une élaboration conséquente, ce n’est pas sûr que le polycopié soit plus utile: la retranscription du discours de l’enseignant-e ne donnera pas d’indication sur ce qu’il/elle a dit de plus important ou sur les « tuyaux » qu’il/elle aurait donnés pour se préparer à l’examen. Ceci apparaîtrait en tout cas mieux dans un enregistrement audio.
  • L’utilité n’est donc pas garantie, mais l’efficacité non plus. Relire 220 pages de retranscription d’un discours risque de prendre un certain temps. Et comment le relire? Si on n’a pas assisté au cours, on pourrait avoir des difficultés à se représenter ce qui est important ou à remettre en contexte les explications données ou les exemples présentés en classe par l’enseignant-e. Mieux vaudrait alors avoir les enregistrements audio plutôt que la retranscription écrite…
  • Cependant, il est probable qu’obtenir un tel polycopié soit rassurant pour bon nombre d’étudiant-e-s, surtout en première année. Certain-e-s n’ont peut-être pas encore de bonne méthode pour prendre des notes et pouvoir retourner à ce qui a été dit au cours peut aider à les compléter.
  • On peut se demander ce que l’enseignant-e a dit aux étudiant-e-s au début du cours à propos de la prise de notes, de la participation au cours, de l’utilité et de l’usage du livre qu’il/elle recommande et du lien entre tout ceci et la forme de l’examen final. Quelle est la cohérence entre tous ces éléments? Comment les étudiant-e-s ont-ils/elles été informé-e-s à propos de l’état d’esprit dans lequel ils/elles devraient assister au cours puis se préparer à l’examen? On peut bien sûr répondre à ces questions en disant que c’est aux étudiant-e-s à le savoir eux/elles-mêmes. L’ennui c’est qu’on se retrouve alors souvent confronté-e à des groupes d’étudiant-e-s peu motivé-e-s qui cherchent uniquement à retenir par cœur ce qui a été dit au cours. Si par contre on donne quelques indications aux étudiant-e-s sur la façon dont il vaut mieux s’y prendre pour participer au cours, utiliser le matériel à disposition, se préparer à l’examen et en expliquant pourquoi, les étudiant-e-s comprennent mieux le sens de ce qui leur est proposé et ont tendance à s’impliquer davantage dans le cours.
  • Si certain-e-s étudiant-e-s éprouvent le besoin d’enregistrer le cours oral intégralement et de le retranscrire, en tant qu’enseignant-e, on pourrait se poser la question de savoir pourquoi… et comment faire en sorte qu’ils/elles ne perdent pas leur temps à réaliser ce genre de travail? Des activités potentiellement utiles pour les étudiant-e-s pourraient par exemple consister en la lecture d’articles et en la discussion de ceux-ci en petits groupes, la rédaction d’exemples pratiques des concepts ou théories abordées au cours, la recherche de références bibliographiques sur des thématiques très ciblées liées au cours, des séances de questions-réponses (pendant une séance de cours ou à distance), des séances consacrées à des « examens blancs » où les étudiant-e-s seraient confronté-e-s à des exercices très semblables à ce qu’ils auront à faire à l’examen, etc. Ce type d’activités pourrait les amener à entrer plus en profondeur dans la matière et à se préparer plus sérieusement à l’examen, plutôt qu’en retranscrivant simplement le discours de l’enseignant-e.

Il est toujours aussi possible bien sûr de concevoir son propre polycopié… Mais ce n’est pas un exercice facile. Dans les pays anglo-saxons, de nombreux/ses enseignant-e-s universitaires se lancent dans l’aventure du textbook, même si ce n’est pas valorisé énormément d’un point de vue académique. Prenons pour exemple Greg Mankiw, professeur d’économie à Harvard, connu par des dizaines, voire des centaines de milliers d’étudiant-e-s dans le monde pour son cours de macro-économie (ré-édité très régulièrement) et surtout son cours de Principles of Economics, traduit en 17 langues. Il explique sur son blog pourquoi et comment se lancer dans la rédaction d’un livre de cours. Il explique surtout très bien que ce travail est non seulement une aide précieuse pour l’enseignement mais aussi pour faire le point sur la recherche dans un domaine.

J’ai trouvé vraiment peu de ressources sur la rédaction de polycopiés (ou textbooks, édités ou non). Il y a quelques années, Daniel Schneider, de l’Université de Genève, avait tenté de faire le point sur le sujet en rassemblant une série de ressources. Mais peut-être qu’une des solutions est de faire travailler les étudiant-e-s eux/elles-mêmes. Après tout, c’est de leur apprentissage qu’il s’agit avant tout! C’est pourquoi, j’ai trouvé l’expérience toute récente des étudiant-e-s des sciences criminelles de l’Université de Dundee absolument originale et intéressante. Sous la supervision de leur enseignant, ils/elles ont développé un livre pour le cours « Forensic Anthropology » qui sera bientôt publié… et utilisé comme base de cours par les étudiant-e-s qui vont leur succéder. Si un polycopié dédié est utile pour un cours, pourquoi ne pas faire participer les étudiant-e-s? Avec un objectif pédagogique précis, avec l’idée de valoriser leur travail dans un exercice qui donne du sens à l’étude de la matière et en leur donnant l’occasion de s’impliquer dans le cours pour aborder la matière non plus « en surface » (en retranscrivant mot à mot ce que l’enseignant a dit) mais plutôt « en profondeur » (en cherchant à l’expliquer avec leurs mots et à faire apprendre cette matière à d’autres étudiant-e-s).

Read Full Post »

Il y a quelques mois, j’avais fait le point sur l’enseignement aux grands groupes en présentant un article et plusieurs ressources. J’ai mis à jour ma liste de liens sur le sujet et j’ai organisé le mois dernier un atelier d’1h30 à destination des enseignant-e-s et assistant-e-s. Une douzaine de personnes ont participé et je leur ai proposé de visionner en vidéo un exemple d’interaction avec un grand groupe (d’environ 1200 étudiant-e-s…). Nous avons tourné cette vidéo avec quelques collègues en septembre dernier. Juste avant la rentrée académique, le Service Orientation et Conseil (SOC) de mon université organise l’accueil des nouveaux et nouvelles étudiant-e-s. Cette année, ils/elles étaient plus de 1200… Mon collègue Denis Berthiaume intervient au tout début de ces journées d’accueil pour leur parler des méthodes de travail et réfléchir avec eux/elles aux stratégies qu’ils/elles pourraient mettre en œuvre pour réussir leur première année. La vidéo de son intervention dure un peu plus d’une heure et se trouve sur le site du SOC.

Pour l’atelier que j’ai organisé, j’avais réalisé un montage de 15 minutes environ (je ne mets pas cette version en ligne pour des raisons de droits). J’avais aussi préparé quelques dias:

Sur la dia 3, je propose trois questions pour guider la réflexion lors du visionnement du film (à expérimenter vous-même si vous êtes tenté-e par l’expérience…):

  • Comment fait l’animateur pour inciter les étudiant-e-s à participer?
  • Par rapport à votre expérience d’enseignement, quels sont les éléments les plus intéressants dans cet exemple?
  • Quelles questions vous posez-vous à propos de cet exemple d’animation de grand groupe?

Ensuite, une discussion a eu lieu avec les participant-e-s. J’ai relevé plusieurs points que les personnes présentes lors de l’atelier ont trouvé vraiment intéressants et utiles (bon, pour pouvoir en tirer parti, je conseille de regarder la vidéo bien sûr… 😉 ):

  • Au tout début de la séance, Denis accueille les étudiant-e-s en les invitant à venir occuper les places libres. La salle peut accueillir plus de 1200 personnes et au début, beaucoup restaient debout au fond. La façon dont il s’y prend n’est pas « coercitive » mais plutôt sympathique…
  • Dès le début de la séance, il annonce de quoi il va parler et il avertit (à plusieurs reprises) qu’il y aura des moments d’interaction. Cela contraste avec de nombreux cours universitaires où on prend peu de temps pour expliquer aux étudiant-e-s comment se déroule le cours et ce qui est attendu de leur part. Rendre explicite le processus pédagogique que les étudiant-e-s vont vivre a été considéré par les participant-e-s à l’atelier comme bénéfique. Pour ceux/celles-ci, ça vaut la peine de s’y attarder pour installer dès le départ une façon de fonctionner dans le cours.
  • Denis fait preuve de beaucoup d’humour, ce qui contribue certainement à rendre les étudiant-e-s attentif-ve-s. L’humour porte sur le monde universitaire, sur les enseignant-e-s, sur les étudiant-e-s et sur… lui-même!
  • Pour avertir que la séance sera interactive, Denis demande au début aux étudiant-e-s s’ils/elles ont des questions. Personne ne réagit. Denis prévient alors directement: « Ok, vous n’avez pas de question pour l’instant. Mais attention, tout à l’heure, c’est moi qui vous poserai des questions… ». Une façon de prévenir les étudiant-e-s pour ne pas les prendre au dépourvu lorsque des moments de véritable interaction arriveront. Par la suite, il interpelle à plusieurs reprises les étudiant-e-s du fond de la salle. Il profite aussi de la répartition de ses assistant-e-s dans la salle pour encourager des questions et des interventions en provenance de partout et pas uniquement de la part des quelques étudiant-e-s les plus attentif-ve-s du premier rang.
  • Denis utilise beaucoup de questions rhétoriques, c’est-à-dire des questions générales qui n’attendent pas nécessairement une réponse, comme « Vous avez déjà sûrement remarqué que… », « Est-ce que vous vous êtes déjà posé la question de savoir… » ou « Est-ce qu’il y en a parmi vous qui… ». Le but de ces questions est d’impliquer les étudiant-e-s et de mobiliser leur attention. Cela contribue à préparer les moments de véritable interaction qui vont survenir.
  • Il présente les objectifs d’apprentissage en insistant beaucoup sur l’utilité de la séance et pourquoi les activités qui vont être organisées vont contribuer à l’atteinte de ces objectifs.
  • Les consignes des activités sont affichées clairement dans une dia. Ceci peut paraître tout bête mais cela permet aux étudiant-e-s d’avoir en permanence les consignes sous les yeux lorsqu’ils/elles travaillent individuellement ou en groupe. Cela permet d’éviter les moments de flottement généralement observés au début des travaux en classe où les étudiant-e-s se regardent en se demandant: « Euh, il faut faire quoi déjà? ». Il prend aussi beaucoup de temps pour expliciter ce qui est attendu de la part des étudiant-e-s: d’abord un moment individuel chronométré, puis discussions à deux ou trois, etc. Puis lors de la mise en commun, il réexplique comment on va procéder via les trois personnes dans la salle qui tendent les microphones.
  • Il encourage, félicite, remercie, explique pourquoi c’est important de participer au cours, notamment en congratulant l’étudiante qui pose une question à propos du concept d’assimilation.
  • Pour faciliter la prise de notes, Denis ralentit son débit de parole. Il insiste sur les mots importants (« assimilation » et « accommodation » par exemple) et laisse le temps de noter.
  • Quand des étudiant-e-s interviennent, Denis reformule ce qu’ils/elles ont dit et donne éventuellement d’autres exemples. Même quand une réponse semble un peu décalée par rapport à la question ou quand un-e étudiant-e exprime un avis contraire au sien, il accueille l’intervention de l’étudiant-e, reformule et répond en encourageant.
  • A de nombreuses reprises, Denis explicite aux étudiant-e-s ce qui est en train de se passer, pourquoi il explique certaines choses, pourquoi il propose telle ou telle activité, etc. Il donne du sens à ce qu’il propose aux yeux des étudiant-e-s.

Il ne s’agit bien sûr ici que d’un exemple parmi d’autres. Ce n’est pas non plus un cours universitaire à proprement parler où il y a beaucoup de contenus et de matières à transmettre. Ce qu’on peut retirer du visionnement de cette vidéo, c’est surtout quelques idées d’activités et d’organisation d’interactions dans un amphithéâtre. A chacun-e ensuite d’adapter ces idées à son contexte particulier. Pour les conseiller-ère-s pédagogiques en particulier, cette vidéo peut servir éventuellement d’outil de formation.

Dans les dernières dias de ma présentation, quelques activités types qu’il est possible de mettre en œuvre avec un grand groupe sont brièvement décrites. Pour d’autres idées, je recommande en particulier la visite du site australien « Teaching large classes » qui propose entre autres des exemples d’enseignement dans différentes disciplines.

Read Full Post »

J’avais parlé il y a quelques mois du soutien qu’il était possible de proposer aux étudiant-e-s pour leur prise de notes en classe. J’avais proposé quelques conseils aux enseignant-e-s, issus de la thèse de Mireille Houart. Par la suite, j’ai été amené à collaborer avec le Service Orientation et Conseil de mon université pour préparer une demi-journée de formation sur la prise de notes pour les étudiant-e-s de première année en Sciences Politiques. Cette formation s’est faite à la demande des enseignant-e-s de sciences politiques.

Je partage ici la démarche que nous avons suivie pour impliquer les enseignant-e-s et les étudiant-e-s ainsi qu’un questionnaire d’auto-évaluation que nous avons distribué aux étudiant-e-s pour les aider dans le développement de leur façon de prendre des notes.

  1. Dans un premier temps, nous avons demandé à un enseignant d’être filmé pendant un cours de première année. C’était un cours ex-cathedra avec un groupe d’environ 100 étudiant-e-s. J’ai visionné le film en notant tout ce que l’enseignant-e faisait pour aider les étudiant-e-s à prendre des notes en me basant sur les conseils proposés par Mireille Houart. Nous avons alors rencontré cet enseignant et un de ses collègues et nous avons pu discuter de la prise de notes des étudiant-e-s en visionnant l’enregistrement. Il s’agissait de formaliser des pratiques pédagogiques que les enseignants faisaient déjà et de réfléchir ensemble aux développements possibles de ces pratiques.
  2. Nous avons ensuite préparé la séance pour les étudiant-e-s à laquelle l’enseignant filmé a participé. Cela s’est déroulé de la façon suivante, avec un groupe d’une trentaine d’étudiant-e-s de première année:
    • Après avoir présenté les objectifs de la séance, nous avons diffusé aux étudiant-e-s un extrait du cours enregistré, cours qu’ils avaient déjà suivi pour la plupart trois mois auparavant. Pendant le visionnement (5 minutes), la consigne était qu’ils/elles devaient prendre des notes pour pouvoir répondre ensuite à une question de connaissance sur la matière enseignée. Ils/elles avaient à disposition en version papier les dias présentées par l’enseignant dans l’extrait.
    • A la fin de l’extrait, une question de connaissance leur était posée et un questionnaire d’auto-évaluation de leur prise de notes (PDF – 48Ko) leur était distribué. Ils/elles avaient une quinzaine de minutes pour répondre par écrit individuellement.
    • Nous avons alors donné la réponse à la question de connaissance et nous leur avons proposé de travailler par deux pour comparer leur prise de notes et s’expliquer l’un-e l’autre leurs stratégies (15 minutes).
    • Une mise en commun a ensuite eu lieu centrée autour des quelques questions suivantes: dans le discours du professeur, à quoi avez-vous été attentif-ve-s? comment organisez-vous vos notes sur votre feuille? reformulez-vous le discours ou écrivez-vous mot à mot? à quels moments avez-vous le sentiment qu’il (ne) faut (pas) prendre note de ce que dit le professeur et pourquoi? si vous avez le sentiment de ne pas avoir pris correctement les notes, que faudrait-il faire pour corriger votre stratégie? vos notes sont-elles correctes, complètes et comprises et pourquoi? quels indices du discours du professeur vous incitent à prendre des notes ?
      Le but était de partager les stratégies et d’amener les étudiant-e-s à questionner l’efficacité et la pertinence de leurs propres stratégies.
    • Un second extrait a alors été présenté en demandant aux étudiant-e-s d’essayer d’améliorer leur prise de notes sur base de la discussion. Une question de connaissance leur était soumise également à la fin de l’extrait.
    • Une discussion a suivi le second extrait en essayant de mettre en évidence ce que les étudiant-e-s avaient changé dans leur prise de notes et comment ils/elles allaient s’y prendre pour prendre des notes lors du second semestre.
  3. Pour conclure, nous avons insisté auprès des étudiant-e-s sur les « 5 C » de la prise de notes, tels que proposés par Mireille Houart. Nous les avons résumés dans une dia:

En même temps, nous avons insisté aussi sur l’importance pour eux/elles d’être conscient-e-s de leurs propres stratégies pour pouvoir les adapter en fonction du contexte de cours et les développer au cours de leurs études.

A la fin, nous avons demandé aux étudiant-e-s de remplir un questionnaire d’évaluation de l’atelier. Si la majorité des étudiant-e-s se sont montrés satisfait-e-s des activités proposées, certain-e-s auraient préféré que les extraits vidéo portent sur un cours sans support PowerPoint car selon eux/elles, les problèmes de prise de notes arrivent surtout dans ces cours-là. Par contre, ils/elles ont beaucoup apprécié l’implication de l’enseignant et les échanges assez libres dans les discussions pour parler de leurs stratégies de prise de notes.

De mon point de vue de conseiller pédagogique, j’ai trouvé vraiment important d’impliquer les enseignant-e-s dans le processus (mais c’était loin d’être évident au départ) pour que les étudiant-e-s puissent dialoguer avec eux/elles sur un sujet touchant à leurs stratégies de travail plutôt qu’uniquement aux contenus des cours. La démarche a consisté finalement à formaliser quelque chose de très implicite à l’université: comment les étudiant-e-s travaillent et apprennent, c’est-à-dire le processus d’étude plutôt qu’uniquement l’objet d’étude.

Référence: le questionnaire d’auto-évaluation que nous avons proposé aux étudiant-e-s se base en partie sur l’article suivant: Romainville, M., & Noël, B. (2003). Métacognition et apprentissage de la prise de notes à l’université. Arob@se, 1-2, 87-96.

Read Full Post »

La question suivante est probablement l’une des plus posées aux conseiller-ère-s pédagogiques dans l’enseignement supérieur: comment rendre actif-ve-s les étudiant-e-s dans un grand groupe? Cette question en appelle deux autres:

  1. Qu’est-ce qu’un grand groupe? On pense plutôt à un groupe de cent à plusieurs centaines d’étudiant-e-s. Mais le sentiment de donner cours à un grand groupe peut tout aussi bien se ressentir quand on a en face de soi 50 étudiant-e-s dans une salle qui contient seulement 25 chaises ou 20 étudiant-e-s dans un laboratoire conçu autour de 10 postes de travail. L’expérience d’apprentissage des étudiant-e-s en grand groupe à l’université a certainement aussi une influence sur leur sentiment de faire partie d’un « grand » groupe.
  2. Que signifie « rendre les étudiant-e-s actif-ve-s »? D’abord quelles pourraient être les raisons pour lesquelles un-e enseignant-e voudrait rendre ses étudiant-e-s actif-ve-s? Ensuite, quand peut-on dire que les étudiant-e-s sont effectivement actif-ve-s? Quand ils/elles « écoutent activement » en prenant des notes? Ou quand ils/elles interagissent, participent, travaillent en groupe, répondent à des questions, etc.? Avec quelle régularité et à quelle fréquence?

Grand groupeAu-delà de toutes les ressources que l’on peut trouver sur le sujet (j’en ai rassemblé quelques-unes à cette adresse), j’aimerais partager dans cette note deux choses: une lecture récente (Mulryan-Kyne, 2010) et le compte-rendu de ma participation à un atelier de formation de Siara Isaac (Université Lyon 1) et Sophie Abry (Institut Polytechnique de Grenoble) auquel j’ai participé dans le cadre de la conférence AIPU 2010 à Rabat (Association Internationale de Pédagogie Universitaire).

L’article de Catherine Mulryan-Kyne est paru en avril dernier dans la revue Teaching in Higer Education et s’intitule Teaching large classes at college and university level: challenges and opportunities. Il s’agit d’une revue de littérature sur le sujet. L’auteure rappelle tout d’abord que depuis les années 90, la plupart des pays de l’OCDE ont vu leur population étudiante augmenter énormément. Des pays comme la Grèce, la Hongrie ou la Corée du Sud ont doublé leur population étudiante entre 1995 et 2002. Sur la même période, l’Espagne, le Portugal, le Mexique ou le Royaume-Uni ont enregistré une progression de 20%. Ces nouveaux et nouvelles étudiant-e-s proviennent d’horizons beaucoup plus divers qu’auparavant. Les enseignant-e-s sont donc face à des classes très hétérogènes (expériences, connaissances, âges, milieux socio-culturels, etc.). Parallèlement, le développement d’une culture de la qualité dans l’enseignement supérieur apporte une forme de pression sur les établissements et les enseignant-e-s qui, d’une manière ou d’une autre, sont évalués. Cette évolution de l’enseignement supérieur implique entre autres de s’interroger sur les pratiques d’enseignement pour tenir compte des nouveaux publics fréquentant l’université et participer à la qualité des institutions universitaires.

On se fait souvent beaucoup d’idées à propos de l’enseignement en grand groupe. Les recherches consultées par Mulryan-Kyne suggèrent que beaucoup d’enseignant-e-s et d’étudiant-e-s pensent que plus le groupe est large, plus il est difficile d’interagir avec le groupe. S’il y a peu de participation des étudiant-e-s dans un grand groupe, ce serait parce que les étudiant-e-s se sentent isolé-e-s et qu’il n’y a pas assez de ressources humaines pour la susciter et la gérer. Un grand groupe encouragerait aussi les arrivées tardives, les départs anticipés, les bavardages ou les sujets de distraction. Ces conceptions partagées par les enseignant-e-s et les étudiant-e-s ont tendance à faire en sorte que tout le monde se désinvestit dans une grande classe. D’un certain point de vue, il est vrai que la taille de la classe influe sur le climat social dans le groupe. Cependant, selon la revue de littérature de Mulryan-Kyne, le rôle de l’enseignant-e est bien plus crucial par rapport à l’apprentissage des étudiant-e-s que les variables contextuelles. Bien plus, la taille de la classe n’aurait pas d’influence négative sur l’apprentissage si l’enseignant-e adopte des stratégies d’enseignement adaptées. Il ne s’agit donc pas ici de faire le procès du cours ex-cathedra mais plutôt de resituer cette méthode par rapport à des objectifs précis d’apprentissage. Par exemple, le cours magistral est très adapté à un grand groupe lorsqu’il s’agit de présenter des informations à organiser dans une structure précise, pour susciter l’intérêt des étudiant-e-s pour un sujet, lorsque l’enseignant désire transmettre son expérience de chercheur-euse ou de praticien-ne, ou si les informations ne sont pas facilement accessibles autrement pour les étudiant-e-s. En fait, le problème du cours magistral, comme l’indique Mulryan-Kyne, c’est qu’on en voit trop, pour tout et dans tous les contextes. Si cette stratégie est efficace quand on vise des objectifs de rétention, elle peut l’être beaucoup moins pour des objectifs de compréhension ou de réflexion de la part des étudiant-e-s.

L’auteure cite alors une série de stratégies pour rendre les cours magistraux plus interactifs et susciter chez les étudiant-e-s davantage de formes d’apprentissage. Citons en vrac le brainstorming, des activités courtes d’écriture suivies de discussion, des enquêtes, des discussions par deux, les quizz, le jeu de rôle, les présentations d’étudiant-e-s, etc. Mulryan-Kyne s’attarde en particulier sur ce que les anglo-saxons appellent les one minute papers où l’enseignant-e demande aux étudiant-e-s de répondre par écrit rapidement à une ou deux questions de synthèse à la fin d’un cours puis d’en discuter. Ceci permet aux étudiant-e-s de savoir où ils en sont par rapport à la maîtrise de la matière et à l’enseignant-e pour savoir si des points devraient être réexpliqués. Par ailleurs, pour montrer qu’il ne s’agit pas nécessairement de révolutionner totalement un enseignement, Mulryan-Kyne cite plusieurs recherches qui montrent qu’interrompre tout simplement un cours de 60 minutes par 3 périodes de 2 minutes pour permettre aux étudiant-e-s de consolider leurs notes est tout à fait bénéfique en termes d’apprentissage.

Pour aller plus loin dans ces stratégies d’animation, j’ai participé à l’atelier « Comment (mieux) utiliser les stratégies d’enseignement interactives dans mon cours ? » (PDF – 17 Ko) organisé par Siara Isaac et Sophie Abry à Rabat pendant la conférence AIPU 2010. Elles ont partagé avec les participant-e-s (et leur ont fait vivre!) quelques techniques d’animation de groupe qui peuvent être facilement adaptées à des grands groupes. Un document de synthèse se trouve à cette adresse (PDF – 567 Ko). Nous avons donc vécu une « Quescussion », un « Buzz groupe », un « Penser, comparer, partager », une activité « Petit papier » et un brainstorming. Ces activités permettent de varier l’enseignement, même avec un grand groupe, de susciter la réflexion des étudiant-e-s, de même que la motivation. On trouvera aussi dans les ressources que j’ai rassemblées un article à propos des méthodes CAMEL et LQRT (Lecture, Questions, Réponses, Test) (PDF – 168 Ko), méthodes développées et étudiées à l’Université de Liège en Belgique et qui visent à rendre les cours magistraux davantage interactifs.

En conclusion de son article, Mulryan-Kyne souligne que dans toutes ces méthodes, la responsabilité de l’apprentissage est placée sur les étudiant-e-s, l’enseignant-e étant surtout un-e concepteur-trice d’activités d’apprentissage. Si les conceptions de l’enseignement à l’université sont appelées progressivement à évoluer chez les enseignant-e-s, les conceptions de l’apprentissage devraient suivre le même mouvement chez les étudiant-e-s…

Mulryan-Kyne, C. (2010). Teaching large classes at college and university level: challenges and opportunities. Teaching in Higher Education, 15(2), 175-185. doi:10.1080/13562511003620001

Read Full Post »

Le 24 septembre dernier, j’étais à Fribourg pour assister à la conférence de Mireille Houart qui présentait plusieurs parties de sa recherche doctorale en didactique des sciences « Impact de la communication pédagogique sur les notes et les acquis des étudiant-e-s à l’issue d’un cours magistral » (Facultés Universitaires de Namur – FUNDP). Parmi les compétences méthodologiques que les étudiant-e-s doivent apprendre rapidement à développer lors de leur entrée à l’université, la prise de notes est probablement une des plus « techniques ». Il faut être capable en même temps d’écouter un-e enseignant-e qui parle, de lire le contenu des dias projetées, d’en faire un résumé personnel mentalement et d’écrire ce résumé. La charge cognitive qui en découle est pour beaucoup d’étudiant-e-s difficile à gérer. Quand on sait par ailleurs que le taux de réussite en première année universitaire dans les filières scientifiques aux Facultés de Namur est de seulement 40%, on comprend mieux pourquoi cette problématique mérite d’être étudiée.

Les dias de cette conférence, ainsi que les articles relatifs sont disponibles sur le blog du Centre de Didactique universitaire de l’Université de Fribourg. Je fais ici un résumé des quelques points essentiels que j’ai notés.

  1. L’hypothèse centrale de la recherche est que « La qualité de la communication pédagogique est un facteur déterminant pour l’apprentissage ». L’intérêt de cette hypothèse est qu’elle permet de s’interroger sur un facteur en partie contrôlable par les enseignant-e-s. Pour vérifier cette hypothèse, deux éléments ont été observés: la qualité des notes des étudiant-e-s et les acquis de ceux/celles-ci. Le but était d’émettre ensuite des suggestions pour améliorer la communication pédagogique lors de cours ex-cathedra. En résumé, la méthodologie consistait à comparer les informations données par les enseignant-e-s au cours (enregistrement vidéo des séances, notes écrites au tableau, contenus des dias présentées) avec le contenu des notes écrites par les étudiant-e-s et leur note à l’examen de fin d’année.
  2. Il est possible de décrire la communication pédagogique au moyen de 7 caractéristiques:
    • le niveau de l’énoncé oral (les notions expliquées par l’enseignant-e ainsi que les commentaires métalinguistiques ou expressions à propos des notions comme « Vous savez, nous avions vu ça au cours précédent« );
    • le niveau hiérarchique de l’énoncé (sa place dans la table des matières du cours ou l’importance relative des informations données);
    • les caractères de reprise (répétitions ou reformulations);
    • les indices inhibiteurs ou déclencheurs de la prise de notes (« Attention, ceci est important » ou « Prenez bien note de cette définition« );
    • les canaux utilisés (énoncé oral, dias, notes au tableau);
    • le nombre de canaux utilisés pour transmettre l’information;
    • les divers modes de représentation symbolique propres à la discipline concernée (ici, en chimie, il s’agissait de tableaux, schémas, symboles, etc.).
  3. Il est possible de décrire la qualité de la prise de notes des étudiant-e-s selon 4 critères:
    • l’ampleur (exhaustivité ou non de la prise de notes);
    • la fidélité du sens respectée ou non;
    • la pertinence (informations utiles ou non);
    • le choix du canal utilisé par l’enseignant-e (énoncé oral, tableau, dias).
  4. L’analyse des données met en lumière plusieurs constats très éclairants sur la façon dont les étudiant-e-s prennent des notes lors des cours ex-cathedra. Voici plusieurs de ces constats, assez emblématiques:
    • Les étudiant-e-s adaptent leurs notes en fonction de la nature et du nombre de canaux utilisés par l’enseignant-e. Par exemple, si l’enseignant-e n’utilise que le canal oral, il y a 8% de chances que ce qu’il/elle dise se retrouve dans les notes des étudiant-e-s. Alors que s’il/elle utilise les 3 canaux (explications orales soutenues par une dia et un schéma au tableau par exemple), il y a 100% de chances que l’information soit notée… En d’autres mots, les étudiant-e-s ne trouvent pas utile de noter les commentaires que l’enseignant-e fait si ceux-ci ne se retrouvent ni sur les dias ni au tableau…
    • Si la hiérarchie des informations (importantes ou moins importantes, titres, définitions) n’est pas perçue par les étudiant-e-s, leur prise de note est aléatoire. Dans bien des cas, la prise de notes se résume à recopier le matériel de cours (dias ou notes écrites au tableau) car c’est ce qui paraît le plus important.
    • Les informations trop symboliques ou certaines définitions qui recourent à des termes très spécifiques comme (ici en chimie) « solution », « saturation », « solvant », « précipitation », etc. sont partiellement notées. Certain-e-s étudiant-e-s disent notamment « C’est impossible de noter et comprendre en même temps!« . En première année d’université, il faut en effet comprendre que le mot « précipitation » en chimie n’a pas le même sens qu’en météorologie… Et ceci n’est pas toujours explicitement expliqué par les enseignant-e-s, ce qui fait que nombre d’étudiant-e-s notent sans comprendre et ne comprennent pas nécessairement mieux lorsqu’ils/elles relisent leurs notes en vue de l’examen.

La prise de notes et son exploitationSur base de ces constats, Mireille propose de travailler sur deux plans: avec les étudiant-e-s et avec les enseignant-e-s. Pour les étudiant-e-s, des formations propédeutiques peuvent être organisées. Un exemple est celui présenté sur Canal-U. Il s’agit d’un cours d’une heure environ proposé par Régine Acquier et qui s’intitule « La prise de notes et son exploitation« . Au programme, exercices et documentation pour prendre conscience de ses stratégies de prise de notes et les améliorer. De nombreuses universités proposent par ailleurs aux étudiant-e-s des modules de formation ou des guides pour développer leurs méthodes de travail (un exemple à l’Université d’Ottawa, un autre à l’Université de Clermont-Ferrand).

Pour les enseignant-e-s, Mireille Houart propose plusieurs pistes d’actions:

  • Il peut être vraiment efficace de ralentir le rythme de la présentation orale lorsque des notions nouvelles sont exposées. Si des notes sont prises au tableau, il est utile de ne pas parler en écrivant (c’est d’ailleurs un conseil donné en général à tout-e enseignant-e qui utilise le tableau noir).
  • Un support écrit, polycopié ou copie des dias, peut être distribué aux étudiant-e-s avant le cours pour rendre claire la structure hiérarchique du cours et les liens existant entre les différentes notions. Ce support peut aussi contenir les schémas, tableaux, graphiques, etc. vus et commentés pendant le cours oral. En tout cas, il est utile de s’interroger sur le besoin ou non de faire recopier aux étudiant-e-s ces éléments: cela prend en général du temps et détourne l’attention des étudiant-e-s des explications orales.
  • Même si cela peut paraître « scolaire », il peut vraiment être utile d’utiliser des déclencheurs explicites de la prise de notes, surtout en première année d’université: « prenez note de ceci » ou le fameux « attention, ceci est vraiment important pour l’examen« … Relativement peu d’étudiant-e-s prennent spontanément des notes de façon intelligente. Un petit coup de pouce en première année peut vraiment aider les autres.
  • Même si, encore une fois, cela peut paraître « scolaire », ce n’est jamais une perte de temps de rappeler quelques règles de fonctionnement de base des cours universitaires: comment utiliser les documents de cours, quel est leur statut par rapport au cours oral, comment préparer le cas échéant le cours suivant, quel est le statut de la prise de notes par rapport aux documents de cours et aux séances de cours, etc. A nouveau, ceci peut vraiment aider les étudiant-e-s de première année.

Houart, M. (2009). Étude de la communication pédagogique à l’université à travers les notes et les acquis des étudiants à l’issue du cours magistral de chimie. Thèse de doctorat en Sciences, Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix, Namur.

Read Full Post »

Un collègue m’a donné à lire un texte singulier. Il s’agit du portrait d’un professeur de littérature médiévale de l’Université de Lausanne, décédé en 1977 après 40 années d’enseignement à Fribourg, à Lausanne et ailleurs en Europe. La plus grande partie du texte retrace la carrière peu banale de ce chercheur dans une discipline assez pointue liée à la philologie romane. Mais les deux premières pages sont étonnantes et pittoresques. Étonnantes, car elles font le portrait du pédagogue avant de passer à celui du chercheur, et pittoresques car elles donnent un aperçu d’une vision de l’enseignement à l’université que l’on espère (en tout cas pour ma part) révolue. Les quelques lignes que je reproduis ici de ce très bel article d’Alain Corbellari sont à mettre en parallèle avec la citation de Charles Péguy à laquelle j’ai fait référence il n’y a pas très longtemps.

Du temps de Paul Aebischer, les professeurs n’avaient pas d’assistants et n’étaient pas tenus d’avoir le moindre contact avec les étudiants: Aebischer donna donc pendant quarante ans à peu de choses près le même cours d’histoire de la langue et de phonétique historique, dont ceux qui l’ont vu le lire ne se souviennent guère que des pages jaunies et du bachotage forcené auquel donnait lieu l’examen qui le sanctionnait. Notre médiéviste n’eut aucun thésard, se rendit odieux à ses collègues et quitta l’Université flétri par un jury d’honneur devant lequel il avait dû rendre des comptes au sujet de dépouillements qu’il n’avait jamais faits pour le Glossaire des patois de la Suisse romande, mais pour lequel il avait été grassement payé. Une de ses anciennes étudiantes, la professeur Doris Jakubec, nous a raconté qu’à la question souvent posée par les auditeurs des cours d’Aebischer à certaines autorités de l’Université, quant à l’utilité des-dits cours, on répondait invariablement par une phrase aussi péremptoire que nébuleuse: « Mais c’est un très grand érudit! »

Dernier argument à charge, donc, contre le professeur Aebischer: ses cours n’entretenaient aucun rapport avec ses recherches! N’avoir donné envie d’approfondir l’étude de la littérature médiévale pendant quarante ans à aucun étudiant est un exploit que l’on assortirait assurément aujourd’hui de mesures disciplinaires. Mais encore une fois, l’œuvre est là, forte d’une vingtaine d’ouvrages et d’à peu près quatre cents articles écrits dans une quiétude dont plus aucun universitaire n’oserait rêver de nos jours! (Corbellari, 2009, pp. 235-236)

Ce petit passage prête à sourire et nous fait probablement tou-te-s penser à un-e professeur-e (plutôt « un » que « une » d’ailleurs…) dont nous avons eu à « subir » les cours du fait de son désintérêt pour la pratique de l’enseignement. Bien sûr, tout cela se passait il y a plus de 50 ans et l’article dont je cite deux paragraphes ne ternit en rien la mémoire de ce vénérable professeur. Mais plusieurs questions surgissent si l’on se place du point de vue de la pédagogie universitaire. Par exemple, le passage « …dont ceux qui l’ont vu le lire ne se souviennent guère que des pages jaunies… » en dit long sur les pratiques d’enseignement à l’université… Ou, autre exemple, le passage « Notre médiéviste n’eut aucun thésard… » est édifiant du désintérêt qu’il peut y avoir parfois à propos des étudiant-e-s et de leurs apprentissages… Ou encore, « …ses cours n’entretenaient aucun rapport avec ses recherches! » témoigne d’une certaine façon de la séparation qu’il peut parfois y avoir entre l’activité d’enseignement et l’activité de recherche à l’université (et de la prépondérance de la seconde sur la première). Quand je considère avec recul le travail que je fais, je me dis que changer une culture vieille de plusieurs siècles n’est décidément pas très facile…

Corbellari, A. (2009). Paul Aebischer (1897-1977). L’érudition considérée comme un des beaux-arts. Dans U. Bähler & R. Trachsler (Éd.), Portraits de médiévistes suisses (1856-2000). Une profession au fil du temps, Publications romanes et françaises, 246 (pp. 235-259). Genève: Droz.

Read Full Post »

Dans un article publié en ligne, Friedman, Friedman et Amoo (2002) racontent comment ils/elle distillent subtilement un certain humour dans leurs cours de statistiques en listant une série de petites histoires parmi lesquelles celle-ci:

One day some papers catch fire in a wastebasket in the Dean’s office. Luckily, a physicist, a chemist, and a statistician happen to be nearby. Naturally, they rush in to help. The physicist whips out a notebook and starts to work on how much energy would have to be removed from the fire in order to stop the combustion. The chemist works on determining which reagent would have to be added to the fire to prevent oxidation. While they are doing this, the statistician is setting fires to all the other wastebaskets in the adjacent offices. « What are you doing? » the Dean demands. To which the statistician replies, « To solve a problem of this magnitude, you need a large sample size. »

Il est possible bien sûr que cet humour ne fasse sourire que les statisticien-ne-s… mais les auteur-e-s de l’article citent quatre raisons d’apporter de l’humour dans les cours universitaires:

  1. L’humour permet de créer des liens et d’améliorer la communication: les auteur-e-s citent plusieurs études mettant en évidence le fait que l’humour d’un-e enseignant-e le/la rend plus sympathique et accessible aux yeux des étudiant-e-s. L’humour permet aussi de dédramatiser des situations tendues ou d’aborder plus sereinement des questions de discipline en classe comme les bavardages ou les arrivées tardives.
  2. L’humour permet de réduire le stress: détendre l’atmosphère est parfois utile après une longue période de travail intensif ou à la veille d’une échéance pour le cours, comme un examen.
  3. L’humour permet de rendre un cours plus intéressant: par exemple, les auteur-e-s recensent plusieurs recherches qui font des liens entre l’humour d’un-e enseignant-e et la présence au cours des étudiant-e-s.
  4. L’humour aide à améliorer la rétention d’information par les étudiant-e-s: un message important est souvent mieux retenu lorsqu’il est associé à une anecdote humoristique ou une histoire drôle. De plus, cela permet d’augmenter l’attention des étudiant-e-s au cours, même dans les matières a priori les plus rébarbatives.

Les auteur-e-s continuent leur article en donnant de nombreux exemples… qui donneraient presque envie d’assister à leur cours de statistiques!

D’autres auteur-e-s traitant du même sujet proposent aussi quelques conseils pour utiliser l’humour à bon escient dans les cours universitaires, notamment Edwards et Gibboney (1992), deux chercheuses qui ont fait une recension des recherches dans le domaine, ou plus récemment Stambor (2006). Parmi ces conseils, en voici quelques-uns:

  • L’humour utilisé devrait être en phase avec la personnalité de l’enseignant-e. Idéalement, l’humour ne devrait jamais sembler « forcé ».
  • Il vaut mieux éviter l’humour lors des évaluations. En général, les étudiant-e-s trouvent ce moment peu approprié…
  • L’humour ne devrait pas viser une personne en particulier dans la salle (les vêtements d’un étudiant ou la chevelure d’une étudiante…).
  • L’enseignant-e devrait éviter l’humour à propos de lui/elle-même. Le risque est que cela lui fasse perdre de la crédibilité aux yeux des étudiant-e-s.
  • L’humour sexiste devrait être banni, que ce soit de la part des hommes ou des femmes. De même, l’humour est très ancré culturellement: il vaut mieux être prudent lorsque les étudiant-e-s ne sont pas de la même nationalité, religion ou culture que l’enseignant-e.
  • Les histoires drôles à propos des sujets abordés au cours sont toujours les bienvenues.
  • Le mieux serait de faire de l’humour modérément, avec toujours pour objectif de développer la motivation ou les apprentissages des étudiant-e-s.

Curieusement, plusieurs autres conseils sont à différencier selon qu’ils s’adressent à un homme ou une femme. Apparemment, selon les recherches dans le domaine, l’humour des enseignantes n’est pas toujours aussi bien perçu par les étudiant-e-s que l’humour des enseignants. Serait-ce dû au faible échantillon de femmes professeures dans les études…? Quoi qu’il en soit, un des conseils donnés aux enseignantes est d’éviter l’humour trop agressif ou ironique, alors que ce n’est pas un conseil spécifique adressé aux hommes. Les jeux de mots seraient aussi plutôt l’apanage des hommes que celui des femmes. De même, l’humour des enseignants semble se répercuter davantage que celui des enseignantes dans les évaluations des enseignements en fin de semestre. Ces conseils basés sur des résultats de recherche reflètent probablement de nombreux clichés sociaux liés au genre des enseignant-e-s à l’université. Ils mériteraient probablement d’être remis à jour régulièrement…

Allez, une dernière, toujours à propos de statistiques (Friedman, Friedman et Amoo, 2002):

Did you hear the one about the politician who promised that, if he was elected, he’d make certain that everybody would have an above average income?

Edwards, C. M. & Gibboney, E. R. (1992). The Power of Humor in the College Classroom. Paper presented at the Annual Meeting of the Western States Communication Association (63rd, Boise, ID, February 21-25, 1992).

Friedman, H. H., Friedman, L. W., & Amoo, T. (2002). Using humor in the introductory statistics course. Journal of Statistics Education, 10(3). http://www.amstat.org/publications/jse/v10n3/friedman.html.

Stambor, Z. (2006). How Laughing Leads to Learning. American Psychological Association Monitor on Psychology, Vol. 37, No. 6.

Read Full Post »

Est-il judicieux de fournir les dias du cours aux étudiant-e-s avant la séance? N’y a-t-il pas un risque qu’ils/elles ne viennent pas au cours car ils/elles pourraient se dire que les dias suffisent pour préparer l’examen? Ne vaut-il donc pas mieux leur fournir les dias seulement après le cours? Ou au contraire, est-ce que ça peut les aider à prendre des notes pendant le cours et donc éventuellement à mieux travailler pour leur examen? Et qu’en pensent les étudiant-e-s?

C’est autour de ces questions que Babb et Ross (2009) ont mené une étude récente sur des cours de Sciences Sociales, « Méthodes de recherche » (avec des étudiant-e-s issu-e-s de la première à la quatrième année d’études) et « Développement cognitif » (avec des étudiant-e-s de quatrième année). Trois hypothèses animaient leur recherche:

  1. Même si certain-e-s enseignant-e-s pourraient penser que fournir les dias aux étudiant-e-s avant le cours constitue un risque par rapport à la présence de ceux/celles-ci aux séances, on peut penser aussi que disposer des dias pour venir au cours peut constituer un bon soutien pour la prise de notes. Si la structure de ce qui est dit en classe est bien présentée dans les dias, on peut ainsi supposer que les étudiant-e-s auront un cadre rassurant pour prendre leurs notes. Ceci peut surtout être vrai pour les jeunes étudiant-e-s qui ne maîtrisent pas toujours cette compétence: certain-e-s écrivent tout ce que dit le professeur, d’autres ont tendance à écrire seulement ce qui les intéresse vraiment ou seulement ce qu’ils/elles comprennent au moment même.
  2. La prise de notes demande en général pas mal d’attention cognitive pendant un cours. Si cette activité est soutenue et facilitée grâce aux dias fournies avant le cours, on peut donc supposer que les étudiant-e-s seront alors plus à l’aise et enclins à participer en posant des questions et en répondant à celles de l’enseignant-e. En plus, lire les dias avant un cours pourrait permettre aux étudiant-e-s de se poser des questions et ainsi de préparer leur prise de notes et leur participation.
  3. Enfin, si la prise de notes est facilitée et que la participation augmente, on pourrait même imaginer que les étudiant-e-s réussissent mieux leurs examens.

Babb et Ross ont donc testé ces hypothèses. Les deux cours qu’ils ont observés se donnaient deux fois sur l’année lors de chaque semestre. Au premier semestre, les dias étaient disponibles en ligne avant les séances pour le premier cours et après les séances pour le second cours, et vice versa au second semestre. Les dias, et c’est très important de le souligner, étaient au nombre de 15-20 pour 50 minutes de cours et elles reprenaient la structure générale de la séance, des définitions de concepts et quelques illustrations graphiques. Par ailleurs, pour le second cours « Développement cognitif », la présence et la participation des étudiant-e-s comptaient pour leur note finale.

Au final, les résultats (obtenus au moyen de questionnaires auprès des étudiant-e-s à la fin de chaque semestre) indiquent que les deux premières hypothèses se vérifient. En effet, il apparaît que les étudiant-e-s se rendent plus volontiers au cours et participent davantage lorsque les dias sont disponibles avant les séances. Selon les étudiant-e-s, c’est un bon soutien pour leur prise de notes et cela leur permet de ne pas trop stresser à l’idée de « perdre » des informations importantes énoncées par l’enseignant-e. Cela leur permet donc aussi de participer davantage au cours en posant des questions. Une précision importante néanmoins: les auteurs ont vérifié ces deux hypothèses surtout avec les étudiant-e-s les plus jeunes dans le premier cours où la participation n’était pas notée. Dans le second cours, avec des étudiant-e-s de quatrième année où la participation entrait dans la note finale, la mise à disposition des dias à l’avance a beaucoup moins joué: les étudiant-e-s devaient de toute façon venir.

Par contre, par rapport à la réussite aux examens, aucune différence n’a été constatée, laissant supposer que « d’autres facteurs » entrent en compte, par exemple le travail personnel…, pour expliquer la note finale des étudiant-e-s (heureusement en fait 🙂 ).

Que retenir de tout ceci?

  • avec de jeunes étudiant-e-s, distribuer les dias avant les séances peut être utile pour les encourager à venir au cours, les aider à structurer leur prise de notes et soutenir leur participation. On pourrait ainsi leur suggérer de lire les dias à l’avance et de noter les questions qu’ils/elles se posent et qu’ils/elles pourraient poser au cours.
  • si la présence et la participation sont cotées, peu importe que les dias soient disponibles à l’avance ou pas. Mais on peut quand même noter que rendre les dias disponibles à l’avance peut être perçu par les étudiant-e-s comme un signe que l’enseignant-e fait des efforts pour leur rendre la tâche plus aisée. Ceci peut alors les encourager en retour à participer davantage.
  • curieusement, lorsque les dias sont disponibles à l’avance, les étudiant-e-s les trouvent mieux faites, probablement parce qu’ils/elles les trouvent plus utiles.

J’ajoute un point qui me paraît important: le contenu des dias a probablement aussi une importance. Comme je l’ai signalé plus haut, les dias, dans cette étude, ne reprenaient pas tout ce qui était dit au cours. Elles avaient surtout pour fonction de rendre la structure du cours transparente et d’attirer l’attention sur les concepts les plus importants. Les étudiant-e-s n’étaient donc pas dispensé-e-s de prendre des notes, ni de venir au cours, puisque sans les explications de l’enseignant-e, les dias avaient peu de sens. Ceci est certainement quelque chose à garder en tête lorsque l’on conçoit les dias de son cours.

Read Full Post »

Pour gérer un groupe, qu’il soit composé de 10 ou de 300 étudiant-e-s, chacun-e conviendra qu’un minimum de discipline est requise. Par discipline, on peut entendre l’ensemble des règles de bienséance et de savoir-vivre qui régissent un groupe. Par discipline, on peut aussi entendre les droits et les devoirs des enseignant-e-s et des étudiant-e-s, et même les sanctions prévues en cas de non-respect de ces droits et devoirs. A l’université, la discipline est en général tacite et est souvent considérée comme un enthymème à toute relation entre enseignant-e et étudiant-e. D’ailleurs pourquoi poser la question? L’usage, c’est que les enseignant-e-s parlent et que les étudiant-e-s écoutent, non?

Pourtant, ça et là, la transgression de règles tacites peut poser problème. Quelques exemples vécus récemment:

  • Un-e étudiant-e écrit en commentaire dans le questionnaire d’évaluation d’un cours: « Qu’elle arrête de nous dire tout le temps « chut! », on n’est pas à l’école maternelle!« 
  • Une assistante écrit comme réflexion sur son enseignement: « En fait, je ne sais pas exactement comment m’y prendre lorsque des étudiants n’arrivent pas à l’heure. Chaque solution a des avantages et des inconvénients: faire attendre les étudiants jusqu’à ce que tout le monde soit présent ou reprendre l’exposé à chaque fois que de nouvelles personnes arrivent ou de continuer malgré tout.« 
  • Réflexion d’une assistante lors d’un entretien: « Je trouve que les étudiants contestent de plus en plus. Et puis quand on leur demande de faire quelque chose pour le cours suivant, ils nous regardent en ricanant.« 

Sans aller jusqu’à formuler un règlement disciplinaire, comme cela se pratique parfois (un exemple dans une faculté française de médecine (PDF); un autre exemple dans une université belge (PDF); un troisième exemple, très élaboré, dans une université québécoise (PDF) – dans les universités anglo-saxonnes, la tendance est plutôt d’expliquer pourquoi c’est important de respecter quelques règles basiques de comportement lors des cours et de responsabiliser les étudiant-e-s vis-à-vis de la vie en société à l’université… voir par exemple la vidéo produite par l’Université du Manitoba à ce sujet), on peut donner quelques conseils de prévention à mettre en œuvre lors des cours, TP ou séminaires. Ces conseils sont issus du numéro 52 de la revue RESEAU éditée par le Service de Pédagogie Universitaire des Facultés universitaires de Namur en Belgique.

  • par rapport au bruit et aux bavardages: préciser éventuellement quelques règles lors du premier cours et les justifier, faire preuve d’humour, donner l’occasion aux étudiant-e-s d’exprimer régulièrement leurs opinions ou leurs questions, occuper l’espace dans la salle de cours en se dirigeant vers les pertubateur-trice-s, etc. Si c’est toujours la même personne ou le même groupe qui perturbe, une discussion en tête-à-tête, cordiale mais ferme, peut s’avérer utile.
  • par rapport aux arrivées tardives et aux départs précoces: préciser clairement les règles du cours lors de la première séance et les expliciter, arriver soi-même à l’heure ;-), proposer un très court exercice à la fin du cours pour faire une synthèse de ce qui a été vu ou préparer le cours suivant, etc.
  • par rapport à l’absentéisme: de façon générale, un cours qui fait le plein d’étudiant-e-s est un cours qui apporte une plus-value par rapport au polycopié, qui suscite l’intérêt en variant les méthodes et en faisant participer les étudiant-e-s, qui est très bien préparé et surtout structuré, qui donne du sens au travail réalisé à domicile par les étudiant-e-s en l’exploitant en classe, etc.

Read Full Post »

Qu’il soit noir, vert ou blanc, ou même en papier, qu’on y écrive avec une craie ou un feutre, qu’il soit magnétique ou pas, c’est un outil qu’on voit partout dans les auditoires de l’enseignement supérieur. Et même si les tableaux électroniques ont fait leur apparition il y a quelques années, rien ne semble détrôner le tableau noir au hit-parade des instruments utilisés par les enseignant-e-s quand ils/elles donnent cours (avec les dias PowerPoint bien sûr…). Nous connaissons tou-te-s l’expression « aller au tableau » qui nous a donné tant de sueurs froides…

Utiliser l’ardoise et la craie pour dessiner ou écrire existe depuis des siècles. Il semble cependant que le tableau n’ait commencé à être utilisé à l’école qu’au début du 19ème, en tout cas aux Etats-Unis. De plus en plus, il est remplacé par des tableaux blancs utilisés avec des feutres effaçables, ce qui évite bien des problèmes aux personnes allergiques à la craie ainsi que les questions d’approvisionnement des classes en eau…

Mais même s’il est utilisé partout, ce n’est pas toujours évident de s’approprier cet outil pour enseigner. Écrire bien droit sur une ligne imaginaire et suffisamment grand pour les étudiant-e-s du 50ème rang, recourir aux couleurs à bon escient, gérer l’espace disponible, ne pas effacer sans que les étudiant-e-s aient pris note… et ne pas faire « crisser » sa craie, c’est tout un apprentissage.

Que ce soit en anglais ou en français, je n’ai pas l’impression que les ressources à ce sujet sont légion. Et quand elles existent, elles portent plutôt sur l’enseignement primaire que supérieur. Par contre, il y a beaucoup d’articles (dans la presse surtout) qui prédisent la mort à court terme de cet outil vu le développement des technologies comme les dias PowerPoint ou les Smart Boards… mais disons que ce n’est pas ce que j’observe à l’université.

Selon G. Voz (2008), le tableau noir peut être utilisé pour trois fonctions: la construction des connaissances, le support à la connaissance formalisée et la gestion de la dynamique du groupe. Dans l’enseignement supérieur (particulièrement pour les grands groupes), ce sont surtout les deux premières fonctions qui sont les plus utilisées. Et c’est la plupart du temps l’enseignant-e qui l’utilise…

Quelques petits conseils que je retiens de la lecture de ce texte:

  • pour présenter et développer un processus scientifique, le tableau noir est un outil redoutablement efficace. Il est possible de développer pas à pas tout un raisonnement, mathématique par exemple, qui permet aux étudiant-e-s de suivre et prendre note tout en étant attentif aux explications de l’enseignant-e. La même présentation avec des dias PowerPoint attire beaucoup trop les regards et distrait les étudiant-e-s des explications données par l’enseignant-e. Et oui… c’est ce qu’ont découvert trois chercheurs américains récemment dans leur article Information retention from PowerPoint and traditional lectures (Savoy, Proctor & Salvendy, 2009).
  • pour noter les réponses des étudiant-e-s à une question posée en classe et ensuite amorcer un débat, le tableau noir peut être très utile. La même chose peut être faite avec PowerPoint mais cela exige de pouvoir taper rapidement au clavier de l’ordinateur…
  • quelques règles typographiques: écrire suffisamment grand et en ligne droite (demander éventuellement aux étudiant-e-s du fond s’il/elles peuvent lire), utiliser des « – » ou des « * » pour les énumérations d’idées ou de concepts, utiliser les couleurs pour écrire, souligner ou entourer les mots importants…
  • il peut être utile de préciser ses règles d’usage du tableau noir en début de semestre: le tableau de gauche et celui de droite peuvent avoir des fonctions différentes (par exemple un pour les explications de concepts ou de processus et l’autre pour les synthèses, ou un pour les consignes d’exercices et l’autre pour les solutions), un code couleur peut être utilisé pour différents types de concepts, etc.
  • il peut être très utile de réfléchir à l’avance à la façon dont les notes écrites au tableau seront organisées. De même, prendre un peu de recul à certains moments permet de vérifier si rien n’a été oublié ou s’il n’y a pas de faute d’orthographe.

Enfin, la lecture de l’article de Savoy, Proctor et Salvendy (2009) peut être éclairante… et surprenante! En effet, la rétention d’informations par les étudiant-e-s est, selon leur étude, de 15% meilleure lors de cours dits « traditionnels » recourant à l’usage du tableau noir que lorsque le cours est donné avec des dias PowerPoint non-animées (pour un cours à des ingénieurs). Pourtant, les étudiant-e-s préfèrent PowerPoint… Pire: ces chercheurs n’ont pas observé de différence significative du point de vue de la rétention d’information entre les étudiant-e-s qui avaient suivi le cours avec PowerPoint et ceux/celles qui ne sont pas venu-e-s au cours et qui ont juste lu le livre! Par contre, des dias PowerPoint semblent plus efficaces pour la rétention par les étudiants de schémas complexes qu’il est difficile de dessiner sur un tableau. Le gros problème observé est en fait que les étudiant-e-s ont le regard trop attiré par les dias et ne font pas assez attention aux explications orales. Et finalement, dans un cas comme dans l’autre, aménager des moments d’interactions avec l’enseignant-e ou entre étudiant-e-s semble bénéfique pour la compréhension et la rétention.

Un tout dernier conseil: à la fin d’un cours, après avoir utilisé le tableau, merci de l’effacer pour laisser place nette à l’enseignant-e qui vous suit 🙂

Savoy, A., Proctor, R. W., & Salvendy, G. (2009). Information retention from PowerPoint(TM) and traditional lectures. Computers & Education, In Press, Corrected Proof. doi: 10.1016/j.compedu.2008.12.005.

Voz, G. (2008). Le tableau noir en classe : petite présentation aux (futurs) enseignants qui se posent des questions. ISELL Sainte-Croix, Liège, Belgique.

Read Full Post »

En juillet 2007, sous le titre « La pédagogie universitaire reste à rénover« , Gilles Pinte signait une carte blanche dans Le Monde où il soulignait les changements actuels que vivent les universités et en particulier leurs publics. La massification actuelle des études universitaires semble différente de celle observée dans les années 70. Les étudiant-e-s ne sont plus des « héritier-ère-s » dans le sens de Bourdieu, mais des pionnier-ère-s, dans le sens où ils/elles sont de plus en plus souvent les seul-e-s de leur famille où de leur entourage à tenter l’expérience universitaire. Gilles Pinte analyse ainsi les nouveaux publics d’étudiant-e-s à l’université et fait un constat plutôt défavorable à la pédagogie « traditionnelle »:

[…], beaucoup d’enseignants-chercheurs à l’université estiment que le fait d’enseigner suffit à ce que les étudiants apprennent. Est-ce le cas dans les amphis bondés de première année de droit ou de psychologie ? Il n’y a rien de moins interactif qu’un cours d’amphi. L’enseignement traditionnel basé sur la transmission de savoirs vers des publics homogènes d’étudiants ne va plus de soi lorsque l’hétérogénéité des profils scolaires se retrouve à l’université. Même pour un groupe d’étudiants provenant d’une même filière de baccalauréat, les motivations, les origines sociales et culturelles, les domaines d’intérêt sont très variables.

L’auteur propose finalement de s’interroger sur les méthodes pédagogiques à l’université en suggérant d’introduire le travail par projets ou le monitorat entre étudiant-e-s.

Plus que l’article lui-même, les commentaires postés par les lecteurs sont assez révélateurs de l’état d’esprit assez dubitatif qui règne autour de la pédagogie à l’université. Je reprends ici quelques exemples qui sont emblématiques de la plupart des idées reçues qui circulent à son propos et que j’entends assez souvent:

Au lycée les programmes ont été fortement allégés; dans certains secteurs géographiques les copies du bac sont souvent surnotées. Les gamins arrivent à l’université avec des lacunes, sans savoir s’organiser alors que l’encadrement y étant faible, c’est essentiel.

Opinion assez classique qui consiste à reporter la faute sur l’enseignement qui a précédé l’université. Faut-il encore rappeler que l’enseignement secondaire n’a pas pour but unique de préparer à l’enseignement supérieur? Il s’agit surtout d’une solide formation de base dans de nombreux domaines de connaissances qui privilégie aussi le développement de méthodes d’étude et de travail personnel. Voici par exemple le plan d’étude de l’école de maturité du canton de Vaud (PDF, 497k) (cela correspond plus ou moins au bac français sauf qu’ici, c’est de l’école post-obligatoire). Dire que c’est la faute au prédécesseur est assez facile, cela permet en général de ne pas avoir besoin de faire d’examen de conscience 🙂

A-t-on vraiment besoin, à l’Université, de « pédagogues » pour prendre les étudiants par la main ? Une personne qui connaît son domaine et qui sait répondre aux questions qu’on lui pose suffit pour un public majeur, non ?

Autre opinion très classique, avec celle du « on a toujours fait comme ça » et celle du « moi, je n’ai pas eu besoin de pédagogie pour réussir mon doctorat ». Ma réponse est non bien sûr. On ne peut plus se contenter de juste connaître sa matière, vu l’hétérogénéité actuelle des publics d’étudiant-e-s. Les personnes qui affirment cela ne se rendent en général pas compte qu’elles sont des exceptions: seul-e-s environ 5% des étudiant-e-s d’une classe de 1ère BAC arrivent au doctorat, encore moins deviennent enseignant-e-s à l’université… L’immense majorité des étudiant-e-s que nous avons actuellement en face de nous n’ont pas du tout cette ambition et n’ont pas les facilités d’apprentissage de ces 5%. En plus, les pouvoirs publics qui financent les universités n’ont pas pour but que seul-e-s quelques-un-e-s fassent un doctorat… mais que le plus possible obtiennent un diplôme. Et comme nous sommes tou-te-s d’accord pour dire qu’il ne faut pas baisser le niveau universitaire, je pense que la pédagogie peut être un bon moyen pour y arriver.

Evolution des publics étudiants certes, mais inadaptation voire médiocrité d’un certain nombre d’enseignants(?) chercheurs(?), recrutés trop souvent par népotisme plus que sur leurs compétences et dépourvus parfois des connaissances fondamentales qu’ils sont censés transmettre.

Encore un lieu commun: les profs sont nul-le-s et ne s’occupent que de leurs recherches. Je dirais que c’est possible dans les universités qui ne valorisent pas l’enseignement mais axent leur recrutement uniquement sur les CV de recherche. Il me semble que c’est en train de changer petit à petit. L’évaluation des enseignements, la valorisation des expériences pédagogiques au même (oui oui) titre que l’expérience de recherche pour le recrutement et les nominations des enseignant-e-s, la constitution de fonds pour encourager les innovations pédagogiques, l’organisation de réflexions régulières avec les enseignant-e-s sur des thématiques pédagogiques ou la formation (oui oui) pédagogique sont à mon avis des moyens pour répondre à ces opinions encore très répandues.

Une lecture complémentaire qui éclaire assez bien le changement de public que connaît l’université, c’est l’introduction par Marc Romainville de l’ouvrage collectif « La pratique enseignante en mutation à l’université« .

Read Full Post »

Older Posts »