Cette année, j’ai rencontré trois situations de conseil pédagogique qui m’ont posé beaucoup de questions à propos de mon rôle et de la posture que j’occupe vis-à-vis des enseignant-e-s et assistant-e-s. Je résume ces trois situations en quelques mots (je me suis efforcé de rendre les situations les plus anonymes possible, sans référence aux facultés ou aux cours concernés et en modifiant dans certains cas le genre – hommes ou femmes – des personnes impliquées):
- Un assistant me contacte car il va donner deux séances de cours devant environ 120 étudiant-e-s sur un sujet réputé « difficile ». C’est la première fois qu’il donne cours et il est assistant depuis un mois. On se rencontre, on parle de ce qu’il a préparé: dias, questions aux étudiant-e-s et exercices pratiques. Il paraît surtout inquiet par rapport à sa présentation orale, son accent, l’interaction avec les étudiant-e-s. Je lui propose de venir observer la séance et d’en rediscuter après pour pouvoir préparer le second cours. Lors de la première séance, l’enseignante responsable du cours est présente et vient me trouver (je l’avais déjà rencontrée auparavant dans une formation). Elle s’étonne un peu de ma présence et s’interroge sur ce que je peux bien donner comme conseil à son assistant: et si elle n’était pas d’accord avec ces conseils ou que ceux-ci n’étaient pas tout à fait appropriés à la situation ou à sa vision personnelle du cours?
- Un assistant me contacte car il est chargé d’organiser les Travaux Pratiques d’un cours auquel participent environ 500 étudiant-e-s. Les séances se passent en grand groupe, chaque semaine pendant tout un semestre. C’est la première fois qu’il donne cours, il a été engagé le premier septembre et l’enseignant responsable lui a dit à peu près: « Voici les exercices et tout le matériel pour les TP. Ils sont 500. Mais ils sont très gentils. Tu vas voir, ça va bien se passer, tu as carte blanche« … Il a très envie de bien faire, de faire participer les étudiant-e-s et il s’interroge sur ce qu’il peut faire pour vraiment aider les étudiant-e-s à réussir l’examen. Ensemble, nous avons réfléchi à des façons de faire participer les étudiant-e-s. J’ai ensuite observé une séance et nous en avons discuté pour ajuster les séances suivantes.
- Une assistante a en charge la correction d’un travail écrit que les étudiant-e-s d’un cours doivent remettre en fin de semestre. Elle ne participe pas au cours, uniquement à la correction des travaux. Elle me contacte pour que je l’aide à concevoir une grille d’évaluation critériée. A la fin de notre première rencontre, elle propose de travailler sur la grille et de me l’envoyer pour que je lui donne un feedback. Vers la fin du semestre, ne voyant rien venir, je lui envoie un mot pour savoir où elle en est. Elle me répond que le professeur responsable du cours n’était pas d’accord avec sa démarche de me contacter. Il a donc freiné le développement de sa grille. Finalement, elle a pu l’utiliser pour corriger les travaux mais elle n’a pas eu le temps de la tester au préalable ni de me la faire relire.
Le point commun entre ces trois anecdotes est que je me suis senti mal à l’aise, comme en porte-à-faux entre les missions institutionnelles que je remplis et les réactions de certaines personnes sur le terrain.
Qu’on s’entende bien: je n’ai absolument rien contre les personnes qui ne souhaitent pas travailler avec un conseiller pédagogique. Elles sont totalement libres, leur cours leur appartient et elles sont les plus compétentes pour savoir ce qu’il y a lieu de faire ou de ne pas faire dans leur cours. C’est leur liberté académique. D’autant plus que dans mon université, il n’y a pas « d’obligation pédagogique » de suivre des formations ou d’être accompagné par un-e conseiller-ère. Non, ce qui m’a mis mal à l’aise, ce sont ces deux choses:
- Les difficultés rencontrées par les assistant-e-s avec l’impression qu’ils/elles étaient parfois un peu « livré-e-s à eux/elles-mêmes ». Se retrouver devant plus de 100 étudiant-e-s à peine plus âgé-e-s que soi n’est pas évident, d’autant plus si on n’est pas très sûr-e de ses compétences scientifiques et pédagogiques. J’ai eu le sentiment, surtout dans les exemples 1 et 2 ci-dessus qui concernaient deux nouveaux assistants, que leur encadrement pédagogique aurait pu être plus rassurant. Il me semble que dans les premiers mois, même s’ils/elles ne doivent intervenir que ponctuellement dans les cours, ils/elles devraient pouvoir être davantage accompagné-e-s pour apprendre petit à petit à intervenir devant un groupe et interagir avec celui-ci.
- Dans ces trois exemples, la collaboration entre les assistant-e-s, les enseignant-e-s et moi-même ne s’est pas déroulée de la meilleure façon, en tout cas à mes yeux. Ma mission ne semblait pas claire, mon rôle paraissait se télescoper avec celui de l’enseignant-e et la limite de mon intervention n’avait pas été précisée explicitement pour tout le monde. Je dirais que ceci est en grande partie de mon ressort, de clarifier et préciser ce que je fais et pourquoi et comment je le fais. Ça permettrait d’éviter bien des malentendus et de collaborer avec plus de tranquillité.
Bien sûr, il ne s’agit ici que de trois exemples ponctuels (parmi les centaines d’assistant-e-s que compte mon université) et je ne les présente que de mon seul point de vue. Néanmoins, si je consulte un peu de littérature sur l’accompagnement pédagogique à l’université (par exemple Langevin, 2009 ou Frenay et al., 2010), un des défis du métier est justement celui-ci: de définir et redéfinir sans cesse ses actions pour les adapter à des personnes particulières et à la culture de leur milieu professionnel. Ce n’est donc pas étonnant ni inutile de parler avec les personnes qu’on accompagne pour délimiter et préciser ce qu’on va faire ensemble. Et justement, ce qu’on va faire ensemble, c’est toujours quelque chose qui se définit en contexte, en fonction de besoins particuliers et locaux, même si un cadre général englobe mes missions (qui sont d’ailleurs régulièrement outrepassées…). Il y a donc une forme de collaboration qui se crée à chaque fois… ce qui me fait réfléchir à la notion de « conseiller-ère pédagogique ». Cette expression sonne un peu trop parfois comme « hepdesk » ou fait référence à une personne qui réagirait uniquement à la demande. Je commence à préférer de plus en plus la notion de « collaborateur-trice pédagogique » qui me semble renfermer davantage des idées de proactivité, de développement de projet, d’accompagnement, etc.
En définitive, je retiens plusieurs choses de ces réflexions et j’ai commencé à les mettre en œuvre:
- Quand un assistant-e me contacte pour un conseil, je vérifie que l’enseignant-e responsable du cours est au courant. Si ce n’est pas le cas, j’encourage l’assistant-e à en faire part à l’enseignant-e et le cas échéant, à ce qu’ils/elles viennent ensemble à une première rencontre. Si c’est un-e enseignant-e qui me contacte, je lui demande si l’assistant-e du cours pourrait bénéficier de la discussion. J’essaie donc de les encourager à travailler ensemble.
- Dans tous les cas, si je rencontre une personne à propos d’un enseignement auquel d’autres personnes sont liées, j’encourage les discussions en groupe. De ces discussions, il est plus facile de définir des questions, des idées, voire un projet communs qui font sens pour eux/elles. Je définis aussi le plus possible mon rôle comme un rôle de collaboration ponctuelle pour aider à développer un enseignement plutôt que comme un rôle de conseil qui répondrait simplement à des questions posées.
- Pour les cas de conseil ou d’accompagnement qui me posent ce genre de questions, j’en parle systématiquement à mes collègues pour obtenir leurs avis sur la situation. Les discussions que nous avons alors m’aident à clarifier l’intervention et à définir des stratégies de collaboration adaptées.
Grand merci pour ce partage d’expérience, Amaury !
L’enseignement est un travail d’équipe !
Isabelle Motte (UCL)
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