Le site EducPros.fr publie ce mois-ci un dossier intitulé « Innovations pédagogiques: l’enseignement supérieur autrement« . Voici son premier paragraphe:
Si l’on s’en tient à la définition usuelle, innover consiste à introduire quelque chose de neuf dans un contexte bien établi. Qu’est-ce alors innover dans le domaine de l’enseignement supérieur ? Mettre en place un système d’apprentissage allant à l’encontre de la doxa habituelle ? Cela se traduit, au sein des établissements, par de multiples expériences, portées par des équipes d’enseignants motivés. Au cas par cas, en fonction des matières et du public, il s’agit de s’adapter, d’inventer de nouveaux outils. Avec un objectif : faire autrement pour faire mieux. Innovation ou changement des pratiques pédagogiques ?
C’est l’occasion de s’interroger sur ce qu’on entend généralement par « innovation pédagogique ». Je me souviens de la définition donnée par Bernadette Charlier et Daniel Peraya en 2003:
Il s’agit d’une transformation, d’un changement effectif et pas seulement l’idée ou le projet de changement. Cette transformation peut être apportée par des acteurs différents et s’effectuer à un niveau local ou global . Cette transformation devrait avoir des effets positifs (amélioration de l’efficacité du système).
Dans certaines universités, l’innovation est encouragée, voire même récompensée. Ici à Lausanne, le Fonds d’Innovation Pédagogique finance chaque année des projets d’enseignant-e-s. Pour 2011, 20 projets ont été retenus en provenance de toutes les facultés. Le résumé de ces projets est proposé en lecture sur le site. Personnellement, j’accompagne trois de ces projets cette année et j’essayerai de parler un peu de leurs thématiques dans les prochains mois.
Innover, ce n’est donc pas juste « ajouter du neuf », c’est aussi améliorer, changer, et donc « apprendre ». C’est ce que je souhaite à tou-te-s pour 2011!
Charlier, B., & Peraya, D. (Éd.). (2003). Technologie et innovation en pédagogie: dispositifs innovants de formation pour l’enseignement supérieur. Brussels: De Boeck Université.
Bonjour,
Je partage entièrement ce que vous avez écrit et décrit : « Innover, ce n’est donc pas juste « ajouter du neuf », c’est aussi améliorer, changer, et donc « apprendre » ».
J’ajouterai que l’innovation n’est pas seulement l’introduction de quelque chose de « nouveau ». On peut innover au sein d’un système, d’une structure, de ses pratiques, de ses usages dans avoir recours à la nouveauté.
Je pense que la généralisation de ce terme (innovation) a produit l’effet inverse escompté. Il a produit beaucoup de frustration, de stress, d’angoisse pour les enseignants. Et celui qui n’est pas innovant au sens commun du terme, est-il pour autant un mauvais enseignant? A ce propos, je conseille la lecture un très bon dossier sur l’innovation pédagogique dans la revue des dossiers de l’ingénierie éducative, n°63-64 publié par Scéren. On y retrouve le témoignage de Caroline Jounaud-Sion qui décrit la manière d’envisager l’innovation pour ses collègues, objet de mal être et d’incompréhension (« on veut nous faire faire de l’innovation pour l’innovation »).
D’après mon expérience, on associe souvent l’innovation à l’objet technique sans envisager le contexte qui l’englobe et la démarche. A mon sens, on fait une grosse erreur. J’en viens à me poser la question à savoir si ce n’est pas cette erreur qui a conduit l’enseignement supérieur (pas tous les établissements heureusement) a équipé plus qu’à développer les usages pédagogiques. Certains l’ont très bien compris en donnant une place prépondérante dans les services TICE à des conseillers pédagogiques et en mettant en avant les usages pédagogiques des TIC en général.
Merci à vous pour les réflexions initiés et de passer de votre temps à partager les vôtres.
Emilie Bouvrand
Merci pour ce retour.
Une question à poser aussi est celle du management, du pilotage et de la valorisation de l’innovation pédagogique à l’université.
Dans les universités qui donnent un signal institutionnel clair pour valoriser l’enseignement autant que la recherche et qui soutiennent le développement pédagogique des cours (innovants ou non mais centrés sur l’apprentissage des étudiant-e-s), il y a beaucoup plus de dynamisme chez les enseignant-e-s et celui ou celle qui innove ne le fait pas par obligation ou par effet de mode. Je pense en particulier aux Universités de Lausanne et de Louvain-la-Neuve parce que je les connais bien mais d’autres s’inscrivent aussi dans le même mouvance.
Bonjour (du Québec),
Je vous remercie de vos voeux 2011… Je vous souhaite la meilleure des années pédagogiques à Lausanne…
Fort intéressant votre post… Je ne sais si vous connaissez le bouquin de : BÉDARD, D. et BÉCHARD, J.-P. (2009). Innover dans l’enseignement supérieur, PUF. En fait, c’est un collectif sous la direction des auteurs. J’apprécie particulièrement le regard que porte les auteurs sur les phases ou les trois temps (comme les auteurs les nomment) de l’innovation pédagogique en enseignement supérieur, soit la conception, l’implantation et l’évaluation (la révision). L’ouvrage m’a permis d’approfondir ma réflexion non seulement sur l’innovation, mais sur le changement que l’innovation suppose… et les stratégies d’accompagnement au changement qui en découlent! Ici, au Québec, l’innovation est soutenue (je crois que c’est maintenant en bonne voie d’appropriation ) par les institutions d’enseignement supérieur. Là ou le bât blesse, c’est souvent le type d’accompagnement au changement (aux résistances ou encore aux freins aux réformes qui risquent de poindre…) et le soutien apporté pour pérenniser le changement… Car quoiqu’on en dise, l’innovation vise l’amélioration des apprentissages des étudiants (par les changements de pratiques) et, en bout de ligne, la réussite de ces derniers, n’est-ce pas??!!… Alors, la question qui me hante – 😉 – : que faire pour solidifier ce changement…. ? Car si on ne peut pas le pérenniser, ce sont les réformes qui risquent d’en prendre pour leur rhume…
Encore merci de partager vos réflexions avec nous.
Andrée au Québec (-24 aujourd’hui…. sous un magnifique soleil, par contre!)
Merci Andrée de me rappeler l’existence de ce livre. Pour les conseiller-ère-s pédagogiques, c’est effectivement un ouvrage éclairant.
Toutefois, je me dis que ce genre de livre est surtout utile pour les conseiller-ère-s ou les chercheur-euse-s plutôt que pour les enseignant-e-s directement car l’approche « ingénierie pédagogique » est parfois rebutante pour certain-e-s. Le risque en fait (mais c’est juste mon avis) est que cette approche complexifie inutilement la démarche d’innovation aux yeux des enseignant-e-s. Et c’est notre travail de simplifier, vulgariser, expliquer, motiver, accompagner, etc. 🙂
Pour pérenniser l’innovation, comme je le disais dans ma réponse au message précédent, je crois que c’est surtout une question de pilotage et de valorisation de ce qui est fait par les enseignant-e-s. Ici à l’UNIL, la réflexion pédagogique compte autant que les publications lorsqu’un-e enseignant-e veut accéder à une promotion. C’est un positionnement institutionnel qui commence à porter ses fruits et dont les enseignant-e-s sont bien conscient-e-s. Mais il a fallu 15 ans d’efforts de la direction de l’université pour aboutir à cette situation.
[…] This post was mentioned on Twitter by Pedago-TIC.be, Emilie Bouvrand. Emilie Bouvrand said: Une excellente définition de l'innovation pédagogique ou non http://ow.ly/3NrSr […]
Et un petit bonjour de Belgique 😉
Je suis d’accord avec la teneur des propos d’Emilie : je trouve qu' »innovation » est un terme dangereux à mettre en avant, dans la mesure où stricto sensu « produire du neuf » n’est pas nécessairement « faire mieux » (dit autrement, l' »amélioration de l’efficacité du système » de Charlier & Peraya est certes un souhait des acteurs à l’origine de l’innovation, mais n’est pas consubstantiel à l’innovation elle-même). S’il est mal compris, le terme focalise peut-être trop l’attention aussi sur les TICE. D’un autre côté, dire qu’on veut « changer les pratiques » ou « améliorer les pratiques » n’est pas beaucoup plus vendeur 😉 Quelle formule donc préférer à « innovation pédagogique » ? Vos idées ?
Bonjour,
« Quelle formule donc préférer à « innovation pédagogique? Vos idées ? » Bien moi je préfère ce genre de formules moins institutionnelles, plus simples, moins chiadées : « vitaminez vos enseignements, dynamisez vos enseignements ». Mais je ne pense pas qu’il y est de bonnes ou de mauvaises formules, cela dépend beaucoup du contexte.
Bonne journée à vous tous, et « kénavo » comme on le dit en Bretagne 😉
Je me souviens du slogan inventé par mes collègues de Fribourg pour inviter les enseignant-e-s à participer à leur formation: « Osez le changement de pratiques, osez Did@cTIC » 🙂
La question du changement et de l’innovation est effectivement délicate car parfois un peu trop « lourde » de sens dans certains contextes.
On peut parler de « renouvellement pédagogique », « valorisation pédagogique », etc. Ici à Lausanne, on utilise peu le terme « innovation » mais notre centre dépend en fait du vice-rectorat à la qualité et on parlera plutôt de « développement de la qualité de l’enseignement » ou de « valorisation de l’enseignement » (ces deux expressions ont leur équivalent pour la recherche en fait, ce qui la rend peut-être plus compréhensible et acceptable pour les enseignant-e-s).
On peut aussi utiliser des expressions davantage en lien avec les méthodes pédagogiques ou les objectifs qu’on poursuit: « développement des méthodes actives », « atteindre des objectifs pédagogiques de haut niveau », etc.
Bonjour,
je suis institutrice préscolaire (en Belgique) et j’ai fait une passerelle à l’université pour obtenir le master en sciences de l’éducation. Je suis en dernière année et suis en train de faire les recherches pour mon mémoire qui a comme sujet « l’innovation pédagogique à l’université ». Pourriez-vous me donner des sources, des articles ou ouvrages intéressants à ce sujet?
Je vous en remercie d’avance.
Florine
Bonjour,
Outre le livre de Charlier et Peraya cité dans cet article, il y a aussi le livre plus récent d’Albero, Linard et Robin dont je parle dans un autre article: https://pedagogieuniversitaire.wordpress.com/2011/02/12/la-fabrique-de-linnovation-a-luniversite/ Il y a aussi le livre de Bédard et Béchard dont parle Andrée dans un commentaire ci-dessus. Ces trois livres forment déjà une bonne base je pense.
J’ajoute 2 choses:
– il me semble que quelque chose d’important à mentionner quand on parle d’innovation pédagogique à l’université est que l’innovation n’est pas forcément liée à l’utilisation de technologies. C’est pourquoi par exemple personnellement, je préfère parler de valorisation des enseignements ou de développement pédagogique… (voir ici http://unil.ch/fip comment nous voyons ces idées ici à Lausanne).
– je n’ai pas davantage de références là tout de suite. Vous pouvez vous référer prioritairement aux bibliographies des 3 livres cités ici. Cependant, si vous recherchez des textes en anglais, je vous conseille d’utiliser l’expression « pedagogical change ». Il y a aussi sûrement des textes intéressants à trouver autour de la notion de portfolio en enseignement ou de « faculty development ».
Si vous avez besoin de contacts en Belgique (Mons, Louvain, Liège, Namur ou Bruxelles), je pourrais aussi vous aiguiller…
Cordialement,
Amaury
je veux poser une question au conseiller pédagogique monsieur amaury daele concernant les procédures pédagogiques convenables qu’il faut appliquer lors des travaux pratiques des études supérieurs et qui peuvent améliorer l’apprentissage et par la suite consolider la formation surtout s’il s’agit d’une formation d’ingénierie et merci d’avance
Bonjour,
je vous remercie vivement pour votre réponse. Je pense que ces références forment une bonne base… C’est très gentil à vous de me donner tous ces renseignements. C’est également encourageant.
Bien à vous,
Florine
je veux poser une question au conseiller pédagogique monsieur amaury daele concernant les procédures pédagogiques convenables qu’il faut appliquer lors des travaux pratiques des études supérieurs et qui peuvent améliorer l’apprentissage et par la suite consolider la formation surtout s’il s’agit d’une formation d’ingénierie et merci d’avance