Feeds:
Articles
Commentaires

Posts Tagged ‘innovation pédagogique’

Dans cet article, je partage le matériel de formation que nous utilisons, avec ma collègue Deborah Dominguez, pour faire découvrir aux enseignant·e·s 12 méthodes actives d’enseignement. Cet atelier d’1h30 se déroule en mode Jigsaw, comme dans l’atelier « Articuler le travail des étudiant·e·s en et en dehors de la classe« .

L’idée générale de cet atelier est de réfléchir à l’utilité et la plus-value des méthodes actives et d’en découvrir 12 rapidement en discutant avec des collègues. Les dias de l’atelier sont présentées ci-dessous:

L’activité Jigsaw se déroule en 4 étapes:

  1. Les participant·e·s découvrent individuellement trois des 12 stratégies décrites dans ce document (PDF – 116Ko). Ils/elles les classent selon quatre axes (définis par Jacques Lanarès et Emmanuel Sylvestre):
    • Applicabilité/Transférabilité: dans quelle mesure la stratégie amène-t-elle les étudiant·e·s à mettre en application des concepts théoriques dans des situations pratiques variées?
    • Interactivité: la stratégie permet-elle l’interaction entre les étudiant·e·s et avec l’enseignant·e?
    • Feedback: les étudiant·e·s ont-ils/elles la possibilité de recevoir du feedback à propos de leurs apprentissages grâce à cette stratégie?
    • Réflexivité: les étudiant·e·s sont-ils/elles invité·e·s à développer leur capacité réflexive, l’analyse, la résolution de problèmes, etc.?
  2. Par petits groupes, les participant·e·s discutent de leur classement des trois méthodes selon les quatre axes. Ils/elles essaient d’imaginer leur mise en application en classe.
  3. Les groupes sont reformés de manière à ce que chaque membre du groupe ait examiner trois méthodes différentes des autres. Ils/elles présentent leurs trois méthodes à leurs collègues et discutent de leur mise en application, ainsi que des variantes possibles dans la mise en pratique.
  4. Individuellement, chaque participant·e mène une brève réflexion personnelle à propos de l’adaptation d’une ou de plusieurs des stratégies dans leurs propres enseignements.

12 stratégies… ce n’est pas beaucoup au vu de toutes celles qui sont décrites dans la littérature sur le sujet! Le but de l’atelier est avant tout de donner envie d’essayer des activités qui ne demandent pas beaucoup d’investissement dans un premier temps. La dernière dia du diaporama propose une courte bibliographie d’ouvrages recensant de nombreuses stratégies d’enseignement.

Read Full Post »

Il y a quelques temps, j’avais publié un article sur ce blog intitulé « Faire travailler les étudiant·e·s en dehors de la classe« . J’y présentais un document issu d’une réflexion collective avec des enseignant·e·s de mon université pour proposer aux étudiant·e·s des activités d’apprentissage pour préparer, exploiter ou prolonger les activités en classe.

Depuis deux ans, cette réflexion a débouché sur l’organisation d’un atelier d’1h30 pour les enseignant·e·s. L’idée est de faire découvrir des activités à réaliser avec les étudiant·e·s et de discuter de l’opportunité de les mettre en oeuvre dans différents contextes d’enseignement. Les dias sont présentées ci-dessous.

L’atelier est principalement organisé en quatre temps (sur le mode du Jigsaw):

  1. Un temps individuel où les participant·e·s sont invité·e·s à prendre connaissances de trois stratégies pour faire travailler les étudiant·e·s en dehors de la classe. Ce document PDF (118Ko) en présente neuf. Les participant·e·s s’en voient attribuer trois. Ils doivent les classer selon 4 critères dans un schéma sous forme de radar:
    • Méthodes de travail: la stratégie décrite incite-t-elle les étudiant·e·s à analyser et à développer leurs méthodes de travail?
    • Compréhension/Réflexion: la stratégie vise-t-elle à développer la compréhension et/ou la réflexion des étudiant·e·s à propos de la matière enseignée?
    • Interactivité/Implication: la stratégie suscite-t-elle les interactions entre étudiant·e·s ou avec l’enseignant·e et leur engagement dans les activités?
    • Autonomie/Responsabilisation: la stratégie incite-t-elle les étudiant·e·s à opérer des choix personnels et à organiser leur travail autonome?Stratégies pour le travail hors classe
  2. Par petits groupes, les participant·e·s qui ont analysé les trois mêmes stratégies se regroupent et discutent de leur classement sur les quatre axes du radar. Ils/elles essayent de trouver un consensus, en réfléchissant notamment à la mise en oeuvre concrète des stratégies.
  3. Les groupes sont ensuite mélangés. Dans les nouveaux groupes se retrouvent des participant·e·s qui n’ont pas analysé les mêmes stratégies aux temps 1 et 2. La tâche de chaque participant·e est d’expliquer ses trois stratégies à ses collègues en commentant également le classement proposé selon les quatre axes.
  4. Individuellement, chaque participant·e fait le point et réfléchit à l’opportunité d’organiser l’une ou l’autre des stratégies proposées dans ses propres enseignements.

Pour finir, d’autres stratégies sont encore proposées brièvement et une discussion générale s’ensuit. Les participant·e·s font souvent remarquer à ce moment que les stratégies proposées sont en réalité combinables entre elles sur l’ensemble d’un cours.

Enfin, pour préparer cet atelier, j’avais effectué quelques recherches et j’ai découvert l’activité « SPUNKI« . Il s’agit d’inciter les étudiant·e·s à lire des textes scientifiques et à s’impliquer dans leurs lectures. SPUNKI est un acronyme pour désigner six questions à poser aux étudiant·e·s lorsqu’ils/elles préparent une lecture: « What part or parts of the reading did you find Surprising?, Puzzling?, Useful?, New?, Knew it already?, Interesting?« . A tester, très certainement…

Read Full Post »

Cette année 2015 est marquée pour moi par plusieurs projets d’écriture. Dans les prochains articles de ce blog, je vais essayer d’en rendre compte.

« Une question de temps : apprentissage par problème dans un cours de police scientifique » est un texte paru dans la Revue Internationale de l’Enseignement Supérieur (RIPES). Il fait suite à un projet de développement pédagogique initié par la Prof. Céline Weyermann de l’Institut de Police Scientifique de l’Université de Lausanne. Il raconte le développement d’un de ses enseignements vers une organisation en Apprentissage Par Problème (APP).

En voici le résumé:

Cet article présente l’évaluation du scénario pédagogique d’un cours portant sur la datation et la chronologie en police scientifique organisé autour d’un apprentissage par problèmes (APP). Ce cours est organisé en APP pour aborder autant les questions pratiques que les concepts théoriques avec les étudiants, remplaçant ainsi une partie d’un enseignement ex cathedra. L’évaluation du scénario a mis en évidence le degré élevé de motivation des étudiants lié aux types de problèmes proposés, issus de situations réelles. Ceux-ci ont appris à travailler en groupe et à interagir de manière systématique avec leur entourage, étant ainsi partenaire de leur apprentissage plutôt que récepteurs. Cette nouvelle façon d’aborder l’enseignement théorique a également permis à l’enseignante d’améliorer ses capacités à transmettre les compétences visées au long du processus mis en place et ceci tout particulièrement en terme de transfert de la théorie vers la pratique.

J’ai pris beaucoup de plaisir à accompagner ce projet et à participer à l’écriture de cet article. Tout cela s’inscrit en droite ligne dans le courant du Scholarship of Teaching and Learning dont j’ai déjà parlé dans un autre article. Outre le fait que j’aie pu aider à la mise en place d’un APP, j’ai aussi participé à l’évaluation de ce projet, ce dont rend compte l’article.

Weyermann, C., Daele, A., Muehlethaler, C., & Voisard, R. (2015). Une question de temps : apprentissage par problème dans un cours de police scientifique. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 31(1). Consulté à l’adresse http://ripes.revues.org/953

Read Full Post »

Récemment, j’ai participé au dernier colloque de l’Association Internationale de Pédagogie Universitaire (AIPU) à Mons en Belgique (http://www.aipu2014.be). L’organisation était impeccable et le comité scientifique avait réalisé un travail conséquent pour nous offrir un colloque de haute qualité.

Quelque chose m’a un peu surpris dans ce colloque, ou plutôt, est devenu plus clair dans mon esprit. Dans les sessions auxquelles j’ai assisté, j’ai constaté dans les présentations un usage parfois abusif de l’adverbe « vraiment »… Par exemple, dans des expressions comme « une pédagogie vraiment innovante », « une pédagogie vraiment active », « une évaluation vraiment formative », « un feed-back vraiment constructif », « une collaboration vraiment intéressante », « des activités pédagogiques qui développent vraiment les compétences des étudiant-e-s », etc. L’adjectif « véritable » est aussi beaucoup utilisé (« un véritable apprentissage », « une véritable collaboration », « une véritable participation des étudiant-e-s », etc.). Et l’adverbe « vraiment » peut aussi être avantageusement remplacé par ses synonymes « véritablement » ou « réellement ». J’ai même déjà entendu le superlatif « extrêmement »…

Il est bien sûr possible que j’utilise moi-même ces expressions 🙂 oralement ou même par écrit… Mais n’est-ce qu’un jeu de mots? Ou est-ce un abus de langage? Qu’est-ce que cela cache? Quelle est la différence entre un « apprentissage actif » et un apprentissage qui l’est vraiment? Dans la bouche des éminent-e-s collègues qui les utilisent, ces expressions sonnent parfois comme une tentative de convaincre l’assistance du bien-fondé d’un dispositif pédagogique qu’ils/elles ont mis en place. Cela sonne parfois comme un argument d’autorité… mais qui n’est pas tout à fait consolidé par des arguments scientifiques et pédagogiques. Il arrive que l’on doive d’ailleurs se contenter de cet argument, sans en savoir plus sur les critères de qualité pédagogique qui justifient l’élaboration de ce dispositif. Cela sonne parfois aussi comme un « raccourci » mental… il arrive que l’usage de ces expressions s’accompagne d’un sourire entendu qui signifie « nous, on sait bien ce que c’est qu’un dispositif vraiment innovant et formateur« … Mais les arguments pédagogiques restent plutôt dans l’ombre, non pas parce que les utilisateur/trice-s de ces expressions ne les connaissent pas, mais justement par manque de temps ou d’analyse des dispositifs selon des critères scientifiques. Ou parce qu’on pense « qu’entre nous », il n’est pas nécessaire de revenir sur tous ces arguments.

Cela peut prêter à sourire bien sûr. L’utilisation de certains mots par les pédagogues relève depuis toujours d’une forme de jargon dont il est nécessaire de détenir les codes (mais c’est comme le jargon de tou-te-s les spécialistes de toutes les professions). Cela donne d’ailleurs lieu à de nombreuses plaisanteries… Mais tout de même. Selon moi, du point de vue des conseiller/ère-s pédagogiques, cela décrédibilise notre discours et nos actions avec les enseignant-e-s. Cela ne valorise pas notre travail. Cela voudrait dire qu’on doit nous croire sur parole quand nous présentons les avantages d’un apprentissage « vraiment » actif… Il me paraît pourtant par exemple impensable de proposer à un-e enseignant-e de rendre son cours « réellement » interactif, sans une solide argumentation et une analyse du contexte pédagogique. Utiliser trop de raccourcis, selon moi, concourt à transmettre des messages confus aux enseignant-e-s à propos de la pédagogie dans l’enseignement supérieur. Il suffirait d’être convaincu que ce qu’on fait est interactif et innovant pour que cela le soit… et pouvoir dire ensuite que l’on est « vraiment » interactif et innovant… A ce sujet, je vois davantage le rôle des conseiller/ère-s pédagogiques comme des médiateur/trice-s entre les connaissances pédagogiques et la pratique des enseignant-e-s. Dialoguer, argumenter, comprendre…

Bien sûr, la situation de présentation d’une recherche dans un colloque n’est pas la même que celle du conseil pédagogique. Les objectifs et le type d’interaction sont différents. Mais dans une situation de formation pédagogique par exemple, je crois que je vais désormais faire davantage attention à mon discours. Vraiment.

Enfin bref, pour celles et ceux qui s’interrogent sur les arguments en faveur d’un apprentissage (vraiment) actif en enseignement supérieur, on peut consulter par exemple les pages du Center fo Teaching and Learning de l’Université du Minnesota (« What is Active Learning?« ) ou relire le texte de Sylviane Bachy, Marcel Lebrun et Denis Smidts (2010) « Un modèle-outil pour fonder l’évaluation en pédagogie active : impact d’une formation sur le développement professionnel des enseignants« . Je propose d’ailleurs un petit jeu avec cet article: repérer dans le texte le mot « réellement » et se demander s’il est indispensable… 🙂

Bachy, S., Lebrun, M., & Smidts, D. (2010). Un modèle-outil pour fonder l’évaluation en pédagogie active : impact d’une formation sur le développement professionnel des enseignants. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 26(1), http://ripes.revues.org/307.

Read Full Post »

Pour contribuer davantage à la réflexion sur l’innovation pédagogique à l’université suite à la précédente note sur le sujet, j’aimerais proposer en lecture quelques extraits du livre de Brigitte Albero, Monique Linard et Jean-Yves Robin intitulé « Petite fabrique de l’innovation à l’université » paru en 2008.

Je précise d’emblée que je trouve ce livre vraiment remarquable à plusieurs points de vue. D’abord par son approche en profondeur du sens et du vécu de l’innovation pédagogique à l’université par quatre enseignant-e-s. Ensuite par sa méthodologie où les interviews et la démarche longitudinale contribuent vraiment à comprendre l’innovation, comment elle se construit au quotidien au sein d’une institution. Et enfin par son style d’écriture: j’ai envie de dire que ça se lit comme un roman, ou comme un grand reportage. C’est très accessible pour un large public mais en même temps, les nombreuses notes de bas de page permettent de connaître le contexte ou de donner des références complémentaires.

Je prends juste trois extraits. J’aurais pu en prendre d’autres mais pour moi, ils sont significatifs de la réalité quotidienne de l’innovation pédagogique. Celle-ci, contrairement à ce qu’on croit souvent, ne « s’invente » pas un beau jour par un-e enseignant-e qui a tout à coup une « idée géniale ». Non, il s’agit plutôt d’une construction, d’une fabrication artisanale, quotidienne et patiente qui se nourrit de différentes expériences préalables.

Ainsi qu’il a été constaté, les interviewés entretiennent un rapport paradoxal aux technologies et à leur activité: en ce qui concerne l’innovation, ils ne se définissent pas spontanément comme des innovateurs; pour ce qui est des technologies, ils en parlent peu, alors qu’elles sont au cœur des dispositifs qu’ils ont mis en place; quant à leur activité, ils la déploient selon une logique entrepreneuriale qui tend, alors même qu’ils s’en défendent, vers une certaine forme d’industrialisation de la formation universitaire. (p. 171)

Ce premier extrait pourrait en choquer plus d’un-e… Pas par le fait que l’innovation ne vient manifestement pas de l’usage de nouvelles technologies, ou en tout cas pas directement. Mais plutôt par le fait que la logique de l’innovation est l’adaptation à un contexte qui évolue. Et le contexte de l’université évolue effectivement. Avec davantage d’étudiant-e-s, qui ont des compétences et des motivations préalables très variées, qui sont issu-e-s de milieux socio-économiques de plus en plus diversifiés, etc. Les innovations pédagogiques cherchent apparemment à s’adapter à ce contexte, à la fois en tenant compte du grand nombre mais en même temps de la diversité des étudiant-e-s. Et c’est un fameux défi que de s’adapter à un grand nombre en même temps que de s’adapter aux besoins particuliers de chacun-e…

Ce second extrait confirme ce qui vient d’être dit:

Les interviewés partagent explicitement une vision et une conception précise de leur mission d’enseignants. Ils affirment de façon réitérée une même vision professionnelle qui consiste à se mettre aussi bien au service d’un public particulier d’étudiants que du public plus général, ensemble de tous ceux qui souhaitent s’instruire et se former. Ils décrivent ainsi, en creux, le rôle et la place qu’occupe pour eux l’université dans le système social: un lieu ouvert de formation intellectuelle et culturelle qui doit trouver des solutions pratiques au difficile problème de l’enseignement de masse individualisé. (p. 166)

Et finalement, quelle est la fonction de l’innovation pédagogique à l’université? C’est de s’adapter à un contexte changeant, oui, mais c’est aussi bien plus que ça:

Plus largement, l’analyse compréhensive montre qu’en tant que transformation à visée améliorative, l’innovation pragmatique ordinaire est une action d’abord réformatrice et adaptative. Elle ne cherche pas la rupture brutale ni la destruction des structures existantes. Même subversive, elle vise moins à rompre les règles et les habitudes qu’à en améliorer l’efficacité. Son ingéniosité, souvent utilitaire à l’origine, ne s’élargit à l’altruisme et à la créativité sociale que par la vision et la conviction des acteurs. (p. 201)

Dans ce dernier extrait, on comprend mieux la recherche d’utilité et d’efficacité des enseignant-e-s innovateur-trice-s. Et on comprend mieux que les universités ont intérêt à être attentives et à l’écoute de ces enseignant-e-s pour se développer en tant qu’institution de service. Plusieurs mécanismes sont de plus en plus mis en œuvre dans l’enseignement supérieur pour soutenir et développer des projets innovants, notamment via les subventions (comme le Fonds d’Innovation Pédagogique à Lausanne) et la valorisation de ce type de projet dans les carrières des enseignant-e-s via des publications ou les dossiers d’enseignement (PDF – 58Ko) ou de « valorisation pédagogique » (à l’Université catholique de Louvain).

Albero, B., Linard, M., & Robin, J. (2008). Petite fabrique de l’innovation à l’université. Quatre parcours de pionniers. Logiques sociales. Paris: L’Harmattan.

Read Full Post »

Le site EducPros.fr publie ce mois-ci un dossier intitulé « Innovations pédagogiques: l’enseignement supérieur autrement« . Voici son premier paragraphe:

Si l’on s’en tient à la définition usuelle, innover consiste à introduire quelque chose de neuf dans un contexte bien établi. Qu’est-ce alors innover dans le domaine de l’enseignement supérieur ? Mettre en place un système d’apprentissage allant à l’encontre de la doxa habituelle ? Cela se traduit, au sein des établissements, par de multiples expériences, portées par des équipes d’enseignants motivés. Au cas par cas, en fonction des matières et du public, il s’agit de s’adapter, d’inventer de nouveaux outils. Avec un objectif : faire autrement pour faire mieux. Innovation ou changement des pratiques pédagogiques ?

C’est l’occasion de s’interroger sur ce qu’on entend généralement par « innovation pédagogique ». Je me souviens de la définition donnée par Bernadette Charlier et Daniel Peraya en 2003:

Il s’agit d’une transformation, d’un changement effectif et pas seulement l’idée ou le projet de changement. Cette transformation peut être apportée par des acteurs différents et s’effectuer à un niveau local ou global . Cette transformation devrait avoir des effets positifs (amélioration de l’efficacité du système).

Dans certaines universités, l’innovation est encouragée, voire même récompensée. Ici à Lausanne, le Fonds d’Innovation Pédagogique finance chaque année des projets d’enseignant-e-s. Pour 2011, 20 projets ont été retenus en provenance de toutes les facultés. Le résumé de ces projets est proposé en lecture sur le site. Personnellement, j’accompagne trois de ces projets cette année et j’essayerai de parler un peu de leurs thématiques dans les prochains mois.

Innover, ce n’est donc pas juste « ajouter du neuf », c’est aussi améliorer, changer, et donc « apprendre ». C’est ce que je souhaite à tou-te-s pour 2011!

Charlier, B., & Peraya, D. (Éd.). (2003). Technologie et innovation en pédagogie: dispositifs innovants de formation pour l’enseignement supérieur. Brussels: De Boeck Université.

Read Full Post »

Le 8 septembre dernier, l’AIPU Suisse organisait sa première journée d’étude intitulée « Innover dans l’évaluation des apprentissages. Pourquoi et comment ? ». J’avais annoncé l’arrivée d’un compte-rendu. Le voici donc. Je présente ici mes quelques notes et réflexions.

La conférence introductive était présentée par Marc Romainville. J’ai trouvé intéressant le fait qu’il fonde son intervention sur les représentations que beaucoup d’enseignant-e-s du supérieur se font de l’évaluation. J’ai retenu plusieurs choses, qui pourront paraître un peu triviales à certain-e-s mais qui, de mon point de vue de conseiller pédagogique, me semblent intéressantes à expliciter aux yeux des enseignant-e-s.

Il y a souvent dans l’enseignement supérieur une différence entre les exigences annoncées aux étudiant-e-s et les exigences effectives (celles qui interviennent au moment de l’examen). Il y a ainsi beaucoup d’exigences et de critères d’évaluation implicites. Par exemple, un-e enseignant-e peut annoncer avant un examen qu’il ne tiendra pas compte de l’orthographe lors de la correction des copies mais se laisser tout de même influencer par la maîtrise de la langue écrite par les étudiant-e-s lors de l’examen. Un autre exemple, pour une même question d’examen comme « Définissez le principe d’Archimède », deux enseignant-e-s corrigeront tout à fait différemment selon qu’ils/elles attendent une définition mot à mot issue du livre de référence ou une définition expliquée par l’étudiant-e avec ses propres mots. Dans un cas, on vise la rétention d’information, dans l’autre la compréhension d’une notion.

Il y a donc des problèmes de validité (par exemple, on prétend mesurer la réflexion des étudiant-e-s alors qu’on ne fait que mesurer leur mémoire) et de fidélité (par exemple, deux enseignant-e-s corrigent différemment une même copie ou un-e même enseignant-e corrige différemment une même copie à des moments différents). Le problème est que beaucoup d’enseignant-e-s (selon les études citées par Marc Romainville) pensent que leur évaluation est suffisamment objective ou encore qu’il faut de la subjectivité dans l’évaluation. Or, l’évaluation est en réalité une inférence, une construction de sens à propos d’une performance d’un-e étudiant-e réalisée à un moment donné et qui est censée représenter un apprentissage. L’évaluation est une procédure par laquelle un-e étudiant-e va apporter une preuve qu’il a atteint un objectif d’apprentissage spécifique.

Sans prétendre arriver à être totalement objectif, on peut tout de même mettre en place certaines balises procédurales pour réduire la subjectivité. Pour ce faire, Marc Romainville propose de travailler en cinq étapes:

  1. Définir les compétences et les connaissances à mesurer en rédigeant des objectifs d’apprentissage mesurables et en vérifiant que ceux-ci ont effectivement fait l’objet d’un enseignement. On a tendance parfois à considérer certaines compétences comme des prérequis sans le formuler explicitement.
  2. Élaborer un dispositif d’évaluation approprié. Faire un examen oral dans un cours portant sur la maîtrise de la rédaction écrite ne serait pas le plus approprié par exemple…
  3. Clarifier le contrat didactique en informant les étudiant-e-s des modalités et des critères d’évaluation, en suggérant des démarches d’apprentissage (pour prendre des notes ou étudier par exemple), en rappelant régulièrement ces modalités et ces démarches et en créant des situations d’apprentissage actif (simuler un examen, proposer en lecture des copies d’examen d’années précédentes, exercer à l’utilisation de la grille d’évaluation, etc.).
  4. Établir la note en traitant les copies de façon anonyme, question par question et dans un ordre différent pour chaque question. La note devrait aussi être établie selon une méthode prédéfinie et identique pour chaque étudiant-e, même lors d’examens oraux.
  5. Retourner de l’information, donc un feedback, de façon bienveillante et en encourageant le développement.

Une stratégie intéressante pour rendre explicite la démarche d’évaluation est celle des grilles d’évaluation critériées dont j’ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog. Quelques exemples sont accessibles sur le site du livre « Enseigner à l’Université dans une approche-programme » de Huguette Bernard, Anastassis Kozanitis et Richard Prégent (2009). Par ailleurs, le site « Authentic assesment Toolbox » propose plusieurs techniques et de nombreux exemples pour mettre en place des stratégies diversifiées d’évaluation des apprentissages (portfolio, grilles d’évaluation, etc.).

L’après-midi était consacré à un travail en ateliers centrés sur des thématiques choisies par les participant-e-s. J’étais dans le groupe qui a réfléchi à l’auto-évaluation des étudiant-e-s. La discussion a tourné autour de plusieurs questions centrales:

  • quels outils peut-on fournir aux étudiant-e-s pour les soutenir dans leurs auto-évaluations?
  • dans quelle mesure l’auto-évaluation peut-elle soutenir l’auto-formation ou l’apprentissage individuel?
  • quels peuvent être les objectifs d’un exercice d’auto-évaluation?
  • quelle peut être la relation entre auto-évaluation et évaluation?
  • quelle est la validité de l’auto-évaluation?
  • sous quelles modalités peut-on organiser l’auto-évaluation avec ses étudiant-e-s?

Quelques points que je retiens de la discussion:

  • Il est assez important de bien cadrer ce type d’exercice: objectifs, temporalité, consignes, etc.
  • Des objectifs intéressants à poursuivre pour les étudiant-e-s peuvent être la prise de conscience de ses propres processus d’apprentissage, la confrontation avec une grille de critères prédéfinis ou la valorisation de son expérience.
  • L’auto-évaluation de l’enseignant-e permet aussi de développer la qualité de la formation.

J’ai trouvé un résumé intéressant de ce que peut être l’auto-évaluation dans l’enseignement supérieur sur le site de la Queen’s University de Belfast. Plusieurs autres ressources y sont aussi proposées.

Enfin, sur les questions d’évaluation des apprentissages dans l’enseignement supérieur, voici deux références de base:

Brown, G., Bull, J., & Pendlebury, M. (1997). Assessing student learning in higher education. London: Routledge.

Dunn, L., Morgan, C., O’Reilly, M., & Parry, S. (2004). The student assessment handbook. London: Routledge.

Read Full Post »

Le livre récent de Albero, Linard et Robin (2008) intitulé « Petite fabrique de l’innovation à l’université » est vraiment intéressant à plus d’un titre. En s’attachant à comprendre en profondeur le parcours de quatre enseignant-e-s universitaires en France qui ont mis en place des innovations pédagogiques  (et technologiques) dans leurs cours, les auteur-e-s tentent de répondre à plusieurs questions: quelles sont les raisons de l’innovation, quels obstacles ont-ils/elles rencontrés, comment leurs innovations sont-elles sorties de l’ombre et ont eu une répercussion au niveau de leur université, quelles nouvelles conceptions du métier d’enseignant-e universitaire ces innovations impliquent-elles? C’est la première fois que je lis une analyse aussi fine du parcours d’innovateur-trice-s à l’université. D’un point de vue méthodologique, c’est vraiment aussi un travail remarquable de compréhension et de décodage de données qualitatives très riches.

Je prends ici juste une question en particulier, à savoir les raisons qui ont poussé ces quatre enseignant-e-s à réfléchir à leurs façons d’enseigner et à s’interroger sur l’apprentissage de leurs étudiant-e-s. Cette question n’est pas évidente du tout à l’université, comme le rappellent les auteur-e-s de l’ouvrage en citant (p. 166) un texte de Charles Péguy datant d’il y a plus d’un siècle:

Étant donné que tout enseignement tend à communiquer de la connaissance à des élèves, on peut nommer enseignement supérieur celui qui fait passer avant tout la considération de la connaissance et enseignement primaire celui qui fait passer avant tout la considération des élèves […]. L’enseignement supérieur ne reçoit aucun commandement; il se commande à lui-même; ou plutôt il n’est commandé que par le réel dont il cherche la connaissance vraie, il ne tend qu’à la recherche de la vérité dans la philosophie et dans les sciences […] à la limite, et rigoureusement, il n’a pas à se préoccuper des élèves […]. Ils viennent à lui comme au dieu d’Aristote, suivent son cours, l’entendent de leur mieux, travaillent, au besoin se préparent à l’écouter. Normalement, il n’a pas à se préoccuper de leur insuffisance. Mais c’est à eux d’y pourvoir. Parlant rigoureusement, on peut dire qu’ils sont faits pour le cours, et que le cours n’est pas fait pour eux, puisqu’il est fait pour l’objet du cours.

La démarche des quatre enseignant-e-s dont les auteur-e-s nous content l’histoire est à l’opposé de cette vision de l’enseignement supérieur (pp. 166-167):

Les interviewés partagent explicitement une vision et une conception précise de leur mission d’enseignants. Ils affirment de façon réitérée une même vision professionnelle qui consiste à se mettre aussi bien au service d’un public particulier d’étudiants que du public plus général, ensemble de tous ceux qui souhaitent s’instruire et se former. Ils décrivent aussi, en creux, le rôle et la place qu’occupe pour eux l’université dans le système social: un lieu ouvert de formation intellectuelle et culturelle qui doit trouver des solutions pratiques au difficile problème de l’enseignement de masse individualisé.

Les transformations que trois d’entre eux ont pu engager permettent de mieux comprendre la dynamique de cette conviction et de poser une hypothèse sur leur motivation d’origine, leurs orientations et leur persévérance. Il ressort clairement des entretiens qu’ils ne se sont lancés dans leur entreprise, ni poussés par un besoin personnel de rupture avec les normes, ni par une stratégie de conquête, ni même par une volonté d’imposer un nouveau modèle d’intervention. Ils se sont seulement efforcés de développer toutes les conséquences d’une conviction initiale: repenser l’enseignement des contenus dans une perspective de formation des étudiants, en exploitant chaque opportunité offerte par chaque nouveauté technologique. C’est ce propos décisif qui les a amenés à diverger des stratégies habituelles et qui a soutenu leur détermination à poursuivre l’expérience et à développer des démarches étrangères aux habitudes de l’enseignant-chercheur classique. Dans une université à l’esprit encore largement facultaire, ils ont ainsi ouvert – davantage en faisant qu’en disant – des voies transversales inédites de résolution de problèmes apparemment insolubles.

L’innovation principale vient du fait de situer l’apprentissage des étudiant-e-s au centre de la mission universitaire plutôt que la transmission de contenus d’enseignement. Ceci n’enlève rien à l’importance et l’intérêt des contenus mais il s’agit simplement de placer ces contenus dans une autre perspective. Comment aider le plus grand nombre à s’approprier les contenus enseignés? Quelles stratégies d’enseignement mettre en œuvre pour que les étudiant-e-s comprennent la matière? Quelles stratégies d’évaluation mettre en place pour qu’ils/elles reçoivent des informations tout au long de leur apprentissage à propos de leur maîtrise progressive des contenus? Quels usages de technologies pourraient soutenir ce processus d’apprentissage? Telles sont les questions « innovantes » qui sont posées ici. L’histoire de ces enseignant-e-s nous apprend qu’il y a de nombreux obstacles (en France, mais aussi ailleurs) pour répondre à ces questions et qu’être considéré-e comme un-e pionnier-ère à l’université n’est pas toujours facile à assumer. Leur histoire n’est pas non plus à considérer comme un modèle mais plutôt comme un exemple parmi d’autres qui devrait inciter à ce poser un certain nombre de questions à propos de l’enseignement à l’université et au rôle possible de l’usage des technologies à ce sujet.

Albero, B., Linard, M., & Robin, J.-Y. (2008). Petite fabrique de l’innovation à l’université. Quatre parcours de pionniers. Logiques sociales. Paris: L’Harmattan.

Read Full Post »